En lisant la lettre de T.B Hassine en réponse à celle du juge M. Yahyaoui j’ai eu l’impression de lire Tocqueville lorsque d’un côté il vantait le système démocratique dans son livre « La démocratie en Amérique » (que les pseudo-intellectuels tunisiens adorent) et de l’autre lorsqu’il légitimait le massacre des arabo-musulmans dans son « Travail sur l’Algérie », disant, sur un ton qui sonne encore dans les oreilles de Sharon, Bush, Poutin, Ben Ali et ses apprentis extrémistes laïcs :
« J’ai souvent entendu en France des homme que je respecte mais que je n’approuve pas trouver mauvais qu’on brûlât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu’on s’emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre. » [*]. C’est la même logique que ce TBH, Charfi et consort développent au vu et au su d’une minorité de la gauche ministrable qui se croit savante mais qui oubli que les islamistes, cette âme vivante des nos peuples, est en train de scruter chaque phrase, chaque mot, chaque virgule de ce que disent ici et là ces ombres à la marge du chemin continuel de la reconstruction de notre civilisation musulmane selon nos normes et nos valeurs. Les droits de l’homme, la liberté, la démocratie et le progrès c’est pour eux ; quant aux islamistes voire quant au peuple s’il opte pour les islamiste et bien il faut l’empêcher par tous les moyens. Ces moyens on les a vus, on a essayé contre les islamistes toutes les atrocités. De la panoplie du général Zaba, à celle du général Laamari, Nezar, Moubarak ; même Sharon, Bush, Blair, Poutin ont rejoint la file des éradicateurs, ils ne font que renforcer l’islamisme, de le rapprocher encore et encore du peuple et ce pour une seule raison : ILS SONT LE PEUPLE.
Ces fervents « démocrates », qui sont pourtant prêts, dans un coin sombre de leur intellect, à soutenir la dictature, doivent savoir que le germe de l’autocratie n’est pas l’apanage du projet islamiste mais de tout projet politique dépourvue d’institutions de contrôle et de contre-pouvoir. C’est pour cette raison que seules les institutions démocratiques, la liberté d’expression et le respect de la dignité humaine garantissent d’échapper à la tentative totalitaire. Les soi-disant progressistes ne sont pas immunisés par nature ; d’ailleurs on a vu ce que ces progressistes de l’ère post coloniale ont fait des Etats-nations qu’ils ont transformés en clubs privés. On a vu les autres qui ont soutenu les pires dictatures de notre région pour une liesse de dinars servile ou pour passer leur vénéneuse stratégie anti musulmane. Ce TBH est simplement en train de tenir le même discours de Zaba et le reste des dictatures arabes : la démocratie profite aux seuls islamistes, quant à la populace’ elle est si fragile que la démocratie serait fatale au pays. Conclusion : donner nous le pouvoir parce que nous sommes les nouveaux prophètes de la démocratie ou bien perdurer la situation de tyrannie et de dictature qui prévaut déjà un demi-siècle et dont ils assument une bonne part de responsabilité.
Je suis vraiment navré de remarquer ce vice de ramener toujours le problème ou bien à la case de la mouvance islamiste ou bien à cette habitude de mépris envers le peuple. Une opposition qui méprise le peuple le traitant de populace est une opposition élitiste vouée à l’échec ou à la dictature. Une opposition qui haïsse la mouvance islamiste est une opposition qui ne comprend rien de la réalité des sociétés arabo-musulmanes. Car il faut se rendre à l’évidence que l’islamisme est bel est bien une composante majeure de la vie politique de nos sociétés. La tentative de vouloir éradiquer l’islamisme pour construire la démocratie de demain est une tromperie et une ruse qui ne serve que les dictatures en place. Le réalisme et le bon sens politique demande l’ouverture sur l’islamisme afin de le purger de son intégrisme partiel et d’aider son aile modérée et progressiste à gagner le terrain du réformisme, et non la pousser à radicaliser d’avantage sa méthode et son discours. A force de rester habité par la seule haine de l’islamisme on finit par perdre notre clairvoyance et notre réalisme qui nous sont indispensables dans les batailles de la résistance et de l’autocritique.
L’auteur du texte ne fait apparemment aucune distinction entre l’islamisme comme tendance idéoreligieuse et le mouvement d’Annahdha comme l’un des représentants, parmi d’autres, de l’islamisme tunisien. Annahdha qui reste le mouvement le plus organisée et le plus populaire en face du RCD, est, malgré que je sois l’un de ceux qui s’opposent au discours de R.Ghannouchi et ses adeptes, un mouvement modéré qui a propulsé depuis sa création (MTI) la plus vive et intense activité culturelle, intellectuelle et politique en Tunisie. Une activité non élitiste qui ne s’est pas limité aux intellectuels des salons mais a permis aux chômeurs, aux maçons, aux menuisiers et aux couches opprimées de la Tunisie profonde de lire, de parler, de débattre, de descendre dans les rues et de faire les plus grands sacrifices. L’ouverture relative des années 80 est la plus belle époque de débat entre diverses tendances politico-culturelles de la Tunisie, et dans ce contexte, le mouvement islamiste était l’un des moteurs essentiels de ce processus que ce même Charfi avait assassiné.
TBH &Co ignorent, peut-être, que ce qu’ils qualifient d’islamisme est une composante organique des sociétés musulmanes. Vouloir imposer aux autres l’option des éradicateurs, à l’instar des généraux de la région, ne produit que plus de crises et plus de radicalisme. La branche réformiste de l’islamisme, que ce Charfi est en train de s’approprier la pensée, est belle et bien plus représentative des tendances qui animent nos sociétés que le discours des tyrans de la démocratie laïcisante, déracinée du milieu arabo-musulman. Etre un fervent démocrate est une bonne chose, mais aller à glisser l’uniforme des démocrates/éradicateurs, qui jubilent de l’oppression sauvage contre l’islamisme, donc contre des milliers de concitoyens, est désolant. Prétendre que les démocrates, sans une alliance avec les islamistes, vont réussir à instaurer un projet de société pluraliste en défendant les intérêts de la Tunisie contre les vampires de l’économie du marché, est une illusion fantasmatique. On l’a vu en Tunisie, en Algérie et ailleurs : toux ceux qui avaient applaudi la chasse aux sorcières lancée contre les islamistes n’ont récolté qu’une dictature ; toux ceux qui se sont rendu en France, pour demander le secours de la gauche et de la droite gouvernante n’ont recueilli que des paroles mielleuses alors que la France officielle continue de soutenir zaba par les moyens logistiques, financiers et médiatiques.
Que l’on accepte ou non, l’islamisme est la composante la plus populaire, et non pas la plus populiste de l’identité musulmane. Ceux qui, comme ce TBH, Charfi et d’autres petits perroquets, habités par la haine de cette composante, se dressent en fait contre une large couche de la société et de la jeunesse et se placent aux côtés des vrais ennemis de notre nation. Oui, il faut absolument libérer l’islam, comme système de pensée, des discours fanatiques de l’islamisme inculte des mouvements comme les Talibanisme, le wahhabisme et le salafisme. Car tous les connaisseurs de ce que l’islam avait produit tout au long de l’histoire, savent que notre religion a été l’un des plus important berceau du développement de la raison et du spiritualisme humain. Ceux qui avaient eu la chance de lires les grands philosophes ou mystiques de l’islam ont certes sondé la profondeur de notre religion. On ne va pas construire une autre civilisation selon la culture d’un autre peuple, non, on va réformer notre civilisation musulmane qui est en panne. Nous travaillons de l’intérieur, nous la portons dans nos cœurs et nos têtes, nous donnons notre sang pour elle. Alors que ces pseudo-progressistes, ces spécialistes de l’import-export idéologique, ces « bisness » culturels agissent de l’extérieur et prétendent pourtant connaître ce qui est bon pour nous et pour notre religion.
Critiquer les islamistes est une bonne chose, mais vouloir les exterminer est un acte suicidaire qui néglige la place de la sensibilité, combien représentative, dans l’échiquier culturel et politique de notre région. L’intégrisme comme branche minoritaire de l’islamisme tunisien est une maladie qu’il faut remédier avec le dialogue et la bonne parole. Mais l’intégrisme laïc des élites, qui accepte théoriquement et réellement l’existence des Chrétiens Démocrates voire même du parti du Travail israélien alors qu’ils dénigrent le droit des formations islamistes à l’existence, est un intégrisme plus dangereux par son hypocrisie et sa haine primaire et maladive. Cependant, il faut aussi dialoguer avec ce genre d’intégristes car ils sont aussi Tunisiens qu’il faut respecter.
[*] A.Toqueville. Travail sur l’Algérie, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1991
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