On en est tous là à compter les jours, ces jours qui nous décomptent, toujours à rebours, ce temps blanc comme l’hostie, raide comme la mort, qui nous dégomme avec nos grandes ailes d’albatros, nous, qui connaissons le monde plus que notre patrie.

On en est tous là à chialer et à fuir nos doutes, nous qui sommes nés pour aimer, et vivre de l’eidétique de notre terre, nous sommes dans le rythme intérieur, celui de l’exil et la mort, dix millions de cons à faire notre solitude, dix millions de cocus braqués à l’horreur, et cette rage épique et dure métaphore de notre solitude, avec ses règles tumescentes, leurs seules règles de marche ou crève, et ses milliers de figurants.

On en est tous là à ramper debout, à faire semblant, à faire du vent, à être seul et la foule une mer qui se déroule, dans des vagues d’ennui sans rivages ni récifs, l’errance des âmes en peine, à marcher aux pas, à se refouler dans le cri, à se mordre à se déchirer à se blottir dans ses gerçures, a refuser de sauter le mur.

On est tous là à cramer le temps des cerises, la mémoire des âges le souvenir des hommes, à commémorer l’indigne, aux semelles du vent, et notre terre s’enlise dans les sables mouvants.

On en est tous là à se dire pourquoi, à finir lentement dans les corvées de bois, des assassins et des tueurs, quand il faut se dire comment s’en sortir de cet enfer, et couler les tyrans.

On en est tous là à brimer la vie, à touiller l’envie dans les marigots des ordres établies, des désordres innomés de l’ignominie, ailleurs il y’a le monde, ailleurs il y’a la paix, ailleurs il y’a le rire de la vérité, ailleurs il y’ a le comble de la liberté. Ici gît la bonté divine.