Dans le cadre de son programme « Sans frontières » le journaliste d’Aljazeera Ahmed Mansour a eu, le 5 mars denier, comme invité l’ancien ministre français des affaires étrangères monsieur Hubert Védrine. Ce qui suit est une traduction de l’arabe, car – pour les raisons inhérentes à ce genre de programme destiné au public arabe – les propos du ministre français sont simultanément traduits et nous arrivent donc en arabe.

Au-delà de cette remarque, l’entretien a porté sur des sujets connus de tous et si les termes ne sont pas exactement ceux employés mot par mot par le ministre, le texte qui en découle sera d’une fidélité rigoureuse qui ne pourrait prêter à aucun doute quant à l’esprit des questions et des réponses. De mon côté, j’ajouterai – entre crochets – les commentaires personnels que je juge opportuns. La traduction de cet entretien pour sa grande importance sera presque intégrale.

Ahmed Mansour : Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre présence dans notre programme « Sans Frontières ». Ma première question est : Quelles sont d’après vous les conséquences de l’hégémonie américaine sur les décisions internationales ?

Hubert Védrine  : D’abord permettez-moi de vous remercier de m’avoir invité à votre programme. C’est une occasion qui me permet de m’exprimer à titre personnel auprès de votre public, les téléspectateurs de votre chaîne de télévision. J’apprécie énormément cette occasion qui me permet d’exprimer, même en ce moment où je n’occupe aucune fonction officielle le point de vue français auprès de l’opinion public du monde arabe. En ce qui concerne l’hégémonie américaine… on peut dire que depuis 1990, la puissance américaine est devenue la seule puissance extraordinaire au monde. Les américains se sont constitués en tant que dirigeants indispensables. Autrement dit, le gouvernement qui se sent responsable de diriger les affaires mondiales. Néanmoins il y a beaucoup de gens dans le monde qui expriment leur inquiétude à ce propos. Je peux vous dire que les Etats-Unis sont devenus une puissance hégémonique, parce beaucoup d’autres puissances ont échoué et ainsi a été créé un… [Le ministre qui n’avait terminé la phrase, voulait certainement dire que les autres puissances lui ont laissé le champ libre]

A.M  : Quelles sont ces autres puissances ?

H.V  : La toute dernière c’était l’Union Soviétique. Après sa grande débâcle économique l’Union Soviétique a disparu en 1991. Dans le siècle écoulé les Etats-Unis ont fait face à plusieurs autres empires et puissances comme vous le savez durant la guerre mondiale. Donc les Etats-Unis ont émergé à la suite de la défaite des autres. Par conséquent il ne faut pas voir les Etats-Unis avec effarement. Par contre il nous faut voir plutôt comment les Etats-Unis sont arrivés à cet aboutissement…

A.M  : Est-ce que l’Europe est destinée à créer un équilibre vis-à-vis des Etats-Unis, ou est-ce que l’Europe n’est que l’autre face des Etats-Unis ? Ou est-ce que les deux parties, ne sont au fond que la pile et face de la même monnaie ?

H.V  : Si l’Europe et les Etats-Unis sont les deux faces de la même monnaie ? – C’est une matière à débattre. Les deux appartiennent – dans le sens large du terme – à la même civilisation, mais il y a de grandes différences entre eux. Pour celui qui compare et voyage peut bien observer qu’il s’agit de deux mondes complètement différents.

A.M  : Quelle est la nature de ces différences entre les deux mondes ?

H.V  : L’Europe prête beaucoup plus d’attention à ses citoyens, elle est plus sécuritaire sur le plan social, alors que l’important aux Etats-Unis ce sont les forces créatives et l’invention, même si les moins chanceux dans ces conditions-là jouissent de moins de couvertures sociales qu’en Europe. Le recours à la force entre les deux parties n’est pas le même. C’est une question qui a rapport avec les habitudes et les traditions. En tout cas le recours à la force en général, ne jouit d’acceptation en Europe, par contre aux Etats-Unis, en général, l’opinion publique l’accepte. Le recours à la force aux Etats-Unis est généralement toléré. Les Etats-Unis demeurent dans leurs traditions classiques dans leur point de vue impérialiste, alors que l’Europe qui avait eu de grandes influences dans le monde, veut continuer à jouir de ces influences à travers le bon exemple, à travers les lois…

A.M  : Il se peut qu’il y ait une différence dans la manière de voir la vie, dans la procédure, dans le comment faire, mais est-ce que réellement existe une différence entre l’Europe et l’Amérique et si oui de quelle nature sera-t-elle ?

H.V  : Chaque personne peut avoir sa propre opinion. Qu’il soit arabe, chinois ou hindou, chacun peut voir les choses à sa manière pour dire s’il y a ressemblance ou différence entre les deux…En tout cas moi personnellement et en réponse à votre question, je suis convaincu que l’Europe est différente.

A.M  : Comment ?

H.V  : L’expérience vécue par l’Europe et le reste du monde a ses avantages et ses inconvénients et reste bien une expérience. Je crois que les européens comprennent beaucoup mieux la complexité et la diversité du monde arabe. [Monsieur Védrine emploie un euphémisme pour éviter de nommer les choses par leurs noms et reconnaître que cette diversité du monde arabe loin de signifier les parties enrichissantes d’un ensemble, mais un déchirement justement causé intentionnellement et malicieusement par les européens afin de perpétuer leurs intérêts au détriment des peuples arabes]. Les européens n’ont pas cette méthodologie qui consiste à voir des ressemblances partout. La manière de voir européenne du monde est tout à fait différente. Ils portent un jugement tout à fait différent sur le monde et ce n’est pas un hasard que beaucoup de gens dans votre région et dans les différents pays du monde se tournent vers l’Europe avec l’espoir de voir celle-ci jouer un rôle, un rôle qu’elle ne joue pas encore aujourd’hui, mais qu’elle pourra le faire demain. Il nous faut attendre.

A.M  : Mais l’Europe n’arrive pas à jouer ce rôle. Beaucoup d’arabes ne font pas de différence entre l’Europe et les Etats-Unis. Pour eux l’Europe n’est pas moins mauvaise que les Etats-Unis. Au moins au niveau de l’histoire. A ce niveau, la France a commis les horreurs les plus répugnantes en Algérie. La Grande Bretagne durant son occupation de l’Egypte et d’autres régions arabes a commis aussi des atrocités. Vous en tant qu’européens aux yeux de beaucoup d’arabes vous n’êtes pas moins néfastes que les américains. Les américains s’exercent en ce moment dans leurs horreurs en Irak, Israël commet les mêmes atrocités en Palestine et l’histoire de l’Europe dans ce domaine reste bien lourde. Nous en tant qu’arabes, nous sommes principalement les victimes directes de l’Europe et des Etats-Unis.

H.V  : Je crois que les arabes ont des idées et des opinions bien différentes par rapport à ce que vous venez de dire. Moi je connais tous les pays arabes et sur cette question. Ils n’ont pas tous les mêmes opinions. Il y a même des opinions contradictoires. Avec les pays arabes qui étaient colonisés par tel ou tel pays européen, la France, l’Angleterre ou autres, les relations post-coloniales sont bien fortes et de nouveaux rapports se sont aussi constitués.

A.M  : Effectivement parce que vous n’êtes jamais partis de ces pays. Pratiquement vous êtes toujours dans ces pays dans lesquels vous avez installé des gouvernements qui vous sont alliés à vous et non à leurs peuples. Ils sont aujourd’hui même au pouvoir.

H.V  : C’est une opinion discutable. Disons en premier lieu que les dirigeants dans ces pays ne seraient pas heureux d’écouter votre point de vue-ci. Des dirigeants de pays indépendants et souverains ne seraient pas contents d’entendre vos propos. Beaucoup de pays qui étaient colonisés ont décidé souverainement d’avoir des relations fortes avec les anciennes puissances colonisatrices. Ce n’est pas le cas de tous, car d’autres ont choisi la totale rupture. Encore je vous dis ceci : la plupart de ces pays souhaitent voir l’Europe jouer un rôle plus grand. Donc les souvenirs que vous portez sur l’Europe …

A.M  : C’est possible…

H.V  :…ne sont pas si négatifs que ça…

A.M  : Il n’est pas question d’entrer dans ces considérations historiques pour l’instant, j’aimerais bien m’arrêter un moment sur la réalité actuelle. Au mois de février 2002, vous avez décrit la diplomatie de Bush comme celle des gens du Texas et vous avez peint l’Administration de Washington de naïve et simpliste dans sa façon de voir les affaires du monde, sa manière de diviser le monde en axe du mal et un autre du bien. A la suite de ces déclarations, la Maison Blanche a réagit avec véhémence contre vous, vous traitant de divagation et de hystérie, êtes-vous toujours sur vos positions traitées d’humeur personnelle et d’hystérie concernant la politique américaine ?

H.V  : En effet au début de 2002, j’ai lancé un avertissement en déclarant qu’il est très dangereux de faire des analyses aussi simplistes du monde. Dans la politique américaine il n’est plus question que du terrorisme. Toutes les autres questions ont disparue de la scène. J’ai dit que traiter cette question d’une telle manière simpliste en utilisant uniquement les forces militaires, qui pourraient être nécessaires quelquefois. Mais cette forme est simplifiée plus qu’il ne le faut pour traiter une question aussi complexe. J’ai dit que les Etats-Unis devraient procéder à de meilleures analyses des affaires du monde dans leur politique… Vous voyez bien qu’il y a deux manières de voir, deux faces en occidents qui ne se ressemblent pas.

A.M  : Ce qui veut dire que les Etats-Unis ne voient pas le monde de la même façon que l’Europe ?

H.V  : Absolument. L’Europe a son passé lointain y inclus son passé colonial auquel vous venez de faire allusion. Ce qui lui donne des connaissances réciproques avec le Moyen Orient. Par contre les Etats-Unis croient avec sincérité que leur ordre est le meilleur et que le monde doit s’en inspirer et le prendre en exemple, d’où ce sentiment de monsieur Bush qui pense être investi de la mission que les européens avaient portée dans le passé. Et que les européens ayant changé à présent, leur forme de traiter avec le monde a aussi changé. Alors l’Amérique veut aujourd’hui répandre la démocratie et la liberté, mais d’une forme très simpliste.

A.M  : On reviendra sur ce sujet. Dans une allocution à vous en date du 19 mars 2002 à l’ouverture de l’assemblée de la deuxième session de l’institut diplomatique qui fait partie du ministère français des affaires étrangères, vous vous êtes adressé aux diplomates français ce qu’on peut résumer à ce que la France doit apprendre à dire non à l’Amérique. Pourquoi donc vous ne dites pas non aux américains.

H.V  : D’abord la France fait bien ça la plupart du temps. Et encore mieux la France doit toujours dire non. La France est un pays puissant et souverain. L’Europe comme je le souhaite doit être capable quelque fois d’affronter les Etats-Unis et leur dire non. Mais l’Europe ne dit pas oui non plus. Tous les pays dans le monde font la même chose. Les pays arabes disent des fois non et des fois oui.

A.M  : Hélas les pays arabes ne le font pas.

H.V  : Mais la Chine fait bien ça. Ce sont des vérités.

A.M  : Ce n’est pas le cas des pays arabes malheureusement.

H.V  : Mais vous êtes bien d’accord avec moi, on ne peut pas dire automatiquement oui ni non tout le temps. Ça serait insupportable…

A.M  : La plupart disent automatiquement oui, et, ceux qui disent non, ils le font par intérêts bien déterminés comme la France qui dit non pour sauvegarder ses intérêts et non pas pour les intérêts d’autrui.

H.V  : Bon en ce qui concerne les pays arabes, je vous laisse à vous de commenter leur position. Mais la France, en commençant par le Général de Gaulle, François Mitterrand et actuellement Jacques Chirac, a toujours gardé son droit souverain de dire oui ou non selon les évènements et les circonstances. Il est toujours préférable de coopérer avec les Etats-Unis dans la mesure où nous sommes d’accord sur les objectifs. Néanmoins le oui est aussi conditionné par notre aptitude de pouvoir dire non. Par conséquent il y a aujourd’hui beaucoup d’européens qui disent automatiquement oui, alors qu’ils ne sont pas convaincus des arguments des Etats-Unis mais la France qu’elle soit gouverné par la gauche ou par la droite, elle a sa propre politique d’équilibre et il n’est pas évident que les vingt cinq pays de la Communauté Européenne adoptent la même ligne de la France.

A.M  : Qui des Etats-Unis ou de l’Europe a besoin plus de l’autre ?

H.V  : Aujourd’hui les Etats-Unis sont une puissance hégémonique dans tous les domaines, dans celui des missiles nucléaires, de la technologie enfin partout, alors que l’Europe demeure encore une puissance inachevée comparée à celle des Etats-Unis. Certains dirigeants américains pensent qu’ils peuvent s’en passer des autres et c’est précisément le cas de l’Administration de Bush au moins durant son premier mandat. Dans son deuxième mandat, je ne dis pas qu’il a changé d’objectif, mais si, il a changé de tactique parce que l’Administration Américaine a découvert qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi. Les américains se sont rendus compte qu’ils ont toujours besoin des petits pays. Finalement même une grande puissance nécessite le concours des autres et cela ne veut pas dire qu’on a accepté la participation des petits dans la prise de décision. On a seulement changé de procédure.

A.M  : Pensez-vous que le président Bush, lors de son dernier voyage à Bruxelles et de son dîner avec le président Chirac, à combler le fossé qui séparait les Etats-Unis et l’Europe et particulièrement la France ?

H.V  : En tout état de cause, cette rencontre a mis a fin à cette période d’hostilité qui a prévalu durant le premier mandat de Bush. Les américains n’avaient pris au sérieux leurs alliés et se sont passés d’eux. Et puis finalement qui ne sont pas nécessairement idiots, ont découvert qu’il est de leur intérêt d’être éduqués et d’établir de nouvelles relations avec les européens et aussi avec les dirigeants d’autres pays afin d’avoir un meilleur soutien de leur part. D’autre part le reste du monde pourrait leur dire nous sommes bien disposés à collaborer avec vous dans la mesure où vous êtes respectueux envers nous et à condition que nous parlions d’abord des objectifs à atteindre, de la politique à suivre… Mais le changement dans ce sens n’est pas encore clair.

A.M  : Il est évident que l’Europe ne parle pas d’une seule voix dans ses relations avec les Etats-Unis. D’autre part les Etats-Unis ont réussi à s’allier quelques pays européens comme la Grande Bretagne, l’Italie comme aussi certains autres pays. Mais il y a aussi d’autres pays qui ont adopté une position différente. Enfin est-il possible pour la Grande Bretagne et l’Italie, les deux alliés principaux des Etats-Unis de demeurer fidèles dans leur alliance, alors que leurs intérêts ainsi que ceux d’autres pays les obligeraient tous à revenir à l’Europe ?

H.V  : Ces alliances ne sont pas permanentes. Sous la présidence de Clinton et vu la politique qu’il suivait, qui a changé beaucoup sous la présidence de Bush, il n’y avait pas eu au sein de l’Europe cette grande division. C’est la politique de Bush qui est à l’origine de ce clivage. L’Espagne de Aznar était avec Bush, mais l’Espagne aujourd’hui n’est plus alignée sur la politique de Bush…

A.M  : Comment voyez-vous la politique américaine au Moyen Orient, est-ce qu’il s’agit d’une politique claire dans ses objectifs où au contraire, elle est sans horizon défini ?

H.V  : (,) Oui la politique américaine est bien claire, Ou on est avec ou on est contre. On peut soit la trouver soit dangereuse, soit juste. Mais en tout cas il y a bien une politique américaine au Moyen Orient, une politique à propos de la question d’Israël et de la Palestine, sur le pétrole, concernant l’Irak et enfin autour de la démocratie instantanée dans le monde. C’est la politique américaine. Cette politique pourrait bien changer. Clinton et Bush ont bien changé leur politique au Moyen Orient, autour de la question d’Israël et de la Palestine… Mais il y a une politique américaine continue. Les américains et malgré leur différence sur la guerre contre l’Irak, ils restent en général d’accord. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’un état palestinien. C’est une cause juste et il faut bien qu’elle arrive à voir le jour. La politique américaine à ce sujet n’est pas la même. Il se peut qu’on ne soit pas d’accord là-dessus. En ce moment l’Amérique détient le pouvoir et la puissance et impose le fait accompli.

A.M  : Est-ce que la politique européenne concernant le Moyen Orient est aussi claire que l’américaine ?

H.V  : Oui les principes généraux de la politique européenne sont clairs. Pour les européens leur position sur la question palestinienne est évidente. On est par principe pour une politique équilibrée. Et ainsi en ce qui concerne l’Irak. Les européens ont eu des différences à ce sujet, mais une fois est rédigée la nouvelle constitution irakienne après les élections, ils finiront par s’unir de nouveau autour d’une position commune. Pour ce qui est de notre soutien dans la construction de la démocratie, je crois que c’est le désir de tous. Seulement pour atteindre cet objectif, les moyens sont différents. Là-dessus il n’y a pas de grande différence entre les européens mais l’Europe dans ses conditions actuelles, elle ne peut imposer sa politique sur le terrain. [Comme on le verra plus loin, le ministre français esquive la question ou son urgence. Ni pour l’Europe ni pour les américains, la démocratie dans la société arabe ne représente une urgence quelconque. Tous s’accommodent bien avec les dictateurs. Leurs intérêts ne peuvent être autrement mieux garantis]

A.M  : Est-ce que la position actuelle de l’Europe au Moyen Orient et son influence directe peut s’expliquer par une approbation des européens de ce que fait l’Amérique dans la région ?

H.V  : Ça dépend à quels européens vous faites allusions…Il y a des européens qui sont pour, d’autres qui sont contre et d’autres qui ne peuvent…

A.M  : Donc nous ne pouvons pas dire qu’il y a une politique européenne commune et claire en ce qui concerne les pays arabes ou le Moyen Orient ? [En effet les pays européens comme la France, l’Italie, la Grande Bretagne ne renoncent pas encore – même dans l’intérêt général de l’Europe – à leurs colonies transformées en « pays souverains »]

H.V  : Il n’y a pas de position commune dans la politique étrangère européenne, non seulement vis à vis des pays arabes, mais aussi en ce qui concerne la Russie, la Chine et aussi d’autres questions dans le monde. Donc même à Washington, la capitale des états qui se sont unis depuis longtemps, il n’y a des positions différentes. Dans la ville Washington même, il y a plusieurs centres de pouvoirs avec leurs divergences. Donc les européens depuis les dernières années fournissent de grands efforts pour unir leurs positions. Ça n’a pas été possible jusqu’à présent sur plusieurs questions, mais et en principe, sur le monde arabe, leurs positions sont bien proches… Nous savons que les états arabes souhaitent bien voir l’Europe peser avec un poids plus important en ce qui concerne leurs causes et je crois que tel souhait est bien positif…

A.M  : Le président Bush, dans une interview au quotidien « Le Figaro », il a déclaré que c’est bien le président Chirac qui lui a proposé au cours de l’été 2004 l’idée du projet de la résolution 1559 qui exige le retrait des forces syriennes du Liban. Et lors de leur dernière rencontre à Bruxelles ils ont adressé un avertissement sur un ton véhément à la Syrie exigeant son retrait immédiat du Liban en mettant fin à son occupation. Ce qui équivaut à dire que ce qui se passe en ce moment au Liban a été déjà concerté entre la France et les Etats-Unis ?

H.V  : En l’état actuel je ne peux définir la politique étrangère à monsieur Chirac, pour la simple raison que je ne suis plus le ministre. Je ne peux non plus savoir ce dont les deux présidents ont parlé. Ce que je peux, par contre dire, c’est qu’ils sont arrivés facilement à un accord sur la question et c’est aussi l’opinion des européens…tous les européens qui pensent que le temps est bien arrivé de voir les forces étrangères quitter le Liban et que la Syrie enfin mette en application les accords de Taief…

A.M  : Quelle est la raison qui a poussé brusquement l’Europe à changer sur cette question sachant que le président Chirac – lors de sa visite au Liban en 2003 – a prononcé un discours au parlement libanais dans lequel il voyait légitime la présence syrienne au Liban que dicte les intérêts communs des deux pays et deux peuples frères. Que les syriens sortiront du Liban comme ils sont entrés. Comment s’explique ce changement fulminant dans la position française et avec cette véhémence ?

H.V  : Non il n’y a pas de changement, il s’agit plutôt d’une évolution. Une évolution inéluctable. Je crois qu’il s’est passé quelque chose qui a heurté l’opinion en Europe, les conditions dans lesquelles a été étendu le mandat du président Lahoud, des conditions qui sont en contradiction avec la constitution en vigueur dans le pays…[Est bien curieuse cette sensibilité des européens sur les conditions de l’extension du mandat du président Lahoud, alors que le président tunisien entre autres s’est permis tout pour se maintenir au pouvoir sans considération ni pour la constitution ni pour les lois en vigueur dans le pays. Enfin la raison est bien ailleurs.]
A.M  : Donc comme le dit le dicton arabe, c’est la paille qui a brisé la colonne vertébrale du bourricot ?

H.V  : Effectivement cette comparaison est très belle. Très bien, oui c’est la vérité.

A.M  : Est-ce que la France continue à considérer le Liban comme un héritage historique de son patrimoine colonial ?

H.V  : Non, absolument pas du tout. Je suis pour tout pays qui demande à être indépendant et cherche à se libérer d’une occupation étrangère quelconque. J’exige la même politique pour ce concerne l’Irak. Mais en ce qui concerne le Liban, ce pays ne peut appartenir ni à la France ni à aucun autre pays.

A.M  : Mais la France n’a pas changé son jeu politique et continue à manœuvrer en direction des minorités comme toujours ce qui fait que le président français reçois Walid Joumblatt, alors que monsieur Joumblatt tout au plus il ne représente que cent ou cent cinquante milles libanais. Qu’est ce qui fait que la France s’occupe de si prés d’une telle question et que le président français vole au Liban pour présenter ses condoléances à la famille à la famille Hariri, tout en ignorant le gouvernement libanais. Ce comportement ne peut s’expliquer que par le fait que la France continue à considérer le Liban comme un protectorat faisant toujours partie de son héritage colonial.

H.V  : D’abord il n’y a aucune carte avec laquelle joue la France. Mais là il s’agit d’une affaire de stratégie.

A.M  : Mais vous jouez toujours la carte des minorités.

H.V  : Non au contraire, nous ne jouons pas la carte des minorités mais nous sommes concernés par l’unité du Liban et cette position est claire. Ce qui intéresse la France, c’est l’unité du Liban et non les factions.

A.M  : Mais quelle la nature de ce rôle que joue la France en ce moment au Liban ?

H.V  : Nous souhaitons – comme le stipule la résolution [1559] – un Liban libre, sans aucune occupation étrangère quelle que soit sa nature. Surtout que les libanais étaient heureux de voir les troupes d’occupation israéliennes se retirer du Sud Liban. De la même manière ils seront heureux de ne voir aucune occupation de leur terre. La France n’a dans cette question aucun intérêt particulier. La France encourage toute opération de modernisation du monde arabe ainsi que plus de démocratie de liberté et d’autonomie. Par conséquent il n’est pas nécessaire de se référer au passé [colonial]

A.M  : Mais de quelle liberté parlez –vous, alors que vous n’avez cessé de soutenir tous les régimes despotiques tout au long de plus de cinquante ans. Et vous demandez à présent aux peuples de se soulever contre ces tyrans. Pourquoi cette liberté dont vous parlez maintenant et non pas cinquante ans avant ?? [A noter qu’à ce moment de l’interview le ton est monté et les questions mettaient de plus en plus le ministre contre les cordes]

H.V  : Vous ne me posez pas ici une question de professionnel du journalisme.

A.M  : De quelle question parlez-vous. Ma question est bien de journaliste et je vous demande de me répondre.

H.V  : Non pas du tout. Votre question n’est pas une question de presse parce que vous avez réduit d’une manière subjective toute la période du passé. Je ne sais si vous représentez cette force politique arabe ou autre…mais je respecte votre opinion.

A.M  : Tous les peuples se demandent pourquoi brusquement et maintenant l’Europe et les Etats-Unis se sont mis à soutenir et appuyer la liberté et le changement vers la démocratie. Pourquoi ce soutien en ce moment et non pas durant les cinquante dernières années. Ce n’est pas là une question de journaliste ? C’est bien une question toute claire.

H.V  : Bien. Je comprends mieux la question de cette manière même je ne souscris pas votre forme de me la poser ainsi. En supposant que ce vous dites soit vrai, il fallait dire : Ce que vous faites avec le Liban depuis un certain temps vous devriez le faire avec d’autres pays. [Le ministre pense peut être aux résolutions de la même organisation qui condamne l’état hébreux et qui n’ont jamais été appliquées sur le terrain] On ne peut critiquer la résolution 1559 ni son contenu. Cette une résolution qui a reçu l’approbation de plusieurs pays et la France s’en est intéressé et l’a adoptée à partir du principe général contenu dans la résolution même. Et l’important est de savoir comment appliquer ça [Monsieur le ministre insinue ici que la résolution en question n’est qu’une opération qui permet au Liban de récupérer sa démocratie, sa liberté et sa souveraineté. Enfin une manière d’interpréter les choses à l’envers] dans d’autres pays arabes. Que la France et les Etats-Unis soient tombés d’accord sur cette question précise c’est qu’il y a plus de liberté… [Il veut dire au Liban]. Si jamais dans les pays arabes on arrive à plus de liberté ça nous ne ferait sans doute que réjouir et ça pourrait aider ces pays à évoluer…. [Le ministre emploie le conditionnel. Un conditionnel qui dit bien long sur la stratégie et les intentions réelles de l’esprit occidental quel qu’il soit, l’américain ou l’européen. En tout cas la question de la liberté, de la souveraineté de la société arabe ne constitue aucune priorité dans la politique occidentale. Toute personne cohérente dans cette société arabe ne devrait se faire aucune illusion de ce côté-là et s’attendre à un quelconque changement d’attitude dans la stratégie d’hégémonie de l’Occident.]

A.M  : Est-ce que l’Europe soutient à présent le processus de démocratisation mené par les Etats-Unis dans le monde arabe ?

H .V : En effet l’Europe souhaite bien la démocratisation dans le monde arabe, mais à condition que cela se fasse sans recours à la guerre ou par la force. Et c’est bien là où surgit la différence, car l’Europe est beaucoup plus consciente que les Etats-Unis de cette nécessité de changement. D’autre part elle est aussi consciente de la gravité de cette question. Il est facile d’organiser des élections, mais le plus difficile consiste à voir la majorité respecter les minorités et les droits ces individus qui les composent. Dans ce domaine-là, l’Europe donne des leçons aux autres…Ce processus a pris beaucoup de temps avant de voir enfin l’Europe s’accommoder à la démocrate et l’appliquer convenablement. [La réflexion du ministre est bien lourde de sens et si telle question de démocratisation de la société arabe dépendait de l’Europe, elle serait envoyée aux calendes grecques. D’autre part en supposant qu’il y ait réellement des minorités dans la société arabe, en quoi devraient être respectée ? Et pourquoi doivent-elles hypothéquer inévitablement la souveraineté de la société arabe dans sa globalité ?- De quel droit l’Europe ou l’Occident doivent-ils se mêler des affaires intérieures de la société arabe et se préoccuper de la situation d’hypothétiques minorités dans cette société ? – Il n’y a aucune raison d’autant plus que la société n’a aucun problème de minorité à part celui – justement – de cette minorité qui de par ses intérêts étriqués et totalement mal acquis s’est toujours identifiée à l’Occident en général et à l’Europe en particulier. Qui pourrait concevoir que monsieur le ministre ou l’esprit hégémonique occidental pouvait réellement penser aux droits d’une minorité quelconque, dans le monde arabe ou ailleurs si cette minorité n’est pas utilisée comme un cheval de Troie. Comment expliquer cette supposée préoccupation occidentale sur le sort des minorités au sein d’une encore éventuelle démocratisation de la société arabe, alors que le sort des peuples arabes dans leur totalité sous la féroce répression des tyrans et despotes de tout gabarit ne lui a jamais causer le moindre soucis ? Et pourquoi monsieur le ministre veut-il que les droits des ces minorités imaginaires soient-ils mieux sauvegardés entre les mains des dictateurs ? – Ne s’agit-il pas là d’un mensonge massif ? Enfin en fonction de la logique occidentale, qu’elle soit américaine, européenne, de gauche ou de droite, ça équivaut tout simplement à renoncer à la liberté, à la souveraineté à la démocratie et accepter son hégémonie. Devant cette évidence pathétique, ni les citoyens en tant qu’individus ou en tant groupes politiques, ni la société arabe dans son ensemble ne peut s’attendre à un soutien quelconque dans leur lutte pour contre toutes les injustices les plus diverses et dont les origines sont parfaitement reconnaissables, premièrement dans les tyrans sur le terrain et deuxièmement dans cet Occident qui n’a jamais renoncé à son hégémonie] L’Europe souhaite bien soutenir une telle évolution de la société arabe, mais avec précaution. La question dépend aussi de ce que veulent les arabes, les dirigeants arabes, les groupes sociaux, les médias comme ceux que vous représentez. Ça dépend de ce que vous voulez vous-mêmes. Enfin je crois que la responsabilité reste de votre ressort et votre volonté. Ne peut arriver de l’étranger, que les encouragements… [Les contradictions si nombreuses durant tout le long de cette entrevue et tout le long de l’histoire de la pensée occidentale révèlent – si besoin est – combien sont ancrés le cynisme et l’imposture dans la diplomatie occidentale]

A.M  : De quel genre seraient les gouvernements que l’Europe et les Etats-Unis aimeraient voir dans la Région Arabe ?

H.V  : Il n’y a pas nécessairement de divergence entre l’Europe et les Etats-Unis en la matière. Les deux positions se ressemblent. Seulement pour l’Europe, cette opération doit se dérouler par étape, alors que les Etats-Unis veulent qu’elle soit immédiate et imposée. Comme l’a dit un responsable [Certainement il veut dire, un politicien européen] la démocratie n’est pas un nescafé. C’est une opération qui peut durer longtemps et doit se faire sur plusieurs étapes. C’est une opération nécessite des soutiens les plus divers sur le plan politique, économique qu’on doit apporter [Il veut dire que l’Occident doit apporter] à tous les gouvernements arabes qui décident de recourir à ce changement et à la modernisation. D’autre part je sais que l’opération est complexe et bien délicate, mais il faut bien la réaliser, puisque les peuples l’exigent. Votre chaîne de télévision n’existait pas dans le passé. L’existence d’un tel moyen de communication comme le vôtre et le déroulement de cette conversation entre nous, prouvent bien qu’il y ait évolution dans les médias arabes. Cela veut dire qu’il y a eu un changement, un changement important. Mais toute l’opération exige certainement beaucoup de temps. Mais si l’Europe voudrait bien encourager ces efforts, elle n’a aucun désir de décider elle-même de ce qu’il faut faire ou du comment le faire… [Une autre contradiction massive. D’un côté, monsieur le ministre juge l’opération « à haut risque ». Comme s’il ne disait rien d’autre qu’une simple opinion. Mais de l’autre il dit que l’Europe ne veut pas décider à la place des concernés. Enfin le cynisme ne peut être plus flagrant.]

A.M  : Quelle est la position de l’Europe au sujet de l’occupation de l’Irak ?

H.V  : Les européens étaient divisés sur cette question. Il y a ceux qui avaient pris part directement dans cette occupation et ceux qui étaient contre. A présent il y a réconciliation et un consensus autour du futur de l’Irak. En quelque sorte, chacune des parties européennes apporte ce qu’elle est en pouvoir de faire pour la reconstruction de l’Irak moderne. Mais cela veut dire que les irakiens dans leur diversité doivent se mettre d’accord entre eux pour rédiger la nouvelle constitution et constituer un gouvernement. Les européens seraient alors disposés à coopérer avec les nouvelles autorités légitimes. Et enfin les européens souhaitent voir les forces d’occupation diminuer au début et quitter le pays par la suite mais le tout dans une période de temps raisonnable. [Monsieur le ministre justifie ainsi le fait accompli de l’occupation. Il ne souffle pas un seul mot sur la destruction de tout un pays avec plus de cent milles morts après l’invasion et des millions d’autres sous l’embargo. Il n’y a rien à demander à un envahisseur de sa race. Le malentendu avant l’invasion s’est transformé en une totale solidarité avec les américains et les anglais dans leur occupation. Il parle d’autorités légitimes en Irak, alors que tout le monde sait bien la nature de la légitimité de ces individus en cours d’intronisation à l’ombre de plus de deux cinquante milles américains entre troupes de mercenaires de toute sorte, sans compter plusieurs milliers de légionnaires venus de tous les coins de l’Occident. Leur unique légitimité est celle de la volonté des américains. Ainsi est le raisonnement occidental.]

A.M  : La France était parmi les pays qui étaient contre l’invasion. Avant le déclenchement de la guerre, vous-même – en tant que responsable de la diplomatie française, vous aviez critiqué avec force la politique américaine [Par la suite et toujours avant l’invasion, monsieur Védrine a été remplacé par monsieur Dominique de Villepin qui lui aussi avait critiqué la même politique américaine et surtout, quelques jours avant le commencement de l’invasion, dans un discours célèbre au Conseil de Sécurité des Nations Unies en mars 2003] ma question est la suivante : Est-ce que cette position de la France a été dictée par les intérêts particuliers de la France dans ses relations spéciales avec l’Irak de l’époque ou émanait tout simplement de principes fondamentaux de la politique de la France ?

H.V  : Je ne pense pas qu’il y ait là [La position politique de la France] aucun intérêt particulier. Parlons-en du domaine de l’économie. La France ait offert à l’Irak plusieurs possibilités de coopérations économiques. C’était avant l’embargo qui a fait suite à cette perverse et bizarre guerre de l’Irak contre le Koweït. D’ailleurs le monde entier coopérait avec l’Irak. Donc il n’y a pas de relations spéciales entre la France et l’Irak, qui aurait suggéré une continuité quelconque. La position qu’avait adoptée le président Chirac à l’époque était fondée sur des principes clairs qui se trouvent partout dans le monde. [Il n’était pas question que le ministre se penche sur les dessous de l’affaire du Koweït et cherche à expliquer pourquoi cette minorité des Assabahs s’était bien lancé dans une série de complots contre l’Irak. D’abord comme pions des anglais et par la suite des américains, ils se sont constitués en « gouvernement » légitimé par ses créateurs sur une terre arabe et irakienne sans nuances aucune. Et avec des quantités – pour le nombre de ce clan – considérables d’argent venant de l’exploitation du sous-sol arabe, justement par la compagnies occidentales, ils comploteront depuis leur création en 1961 et jusqu’à nos jours contre toute tentative de développement réel n’importe où dans le monde arabe. C’est ce genre de minorité que le ministre évoquait plus en parlant de la démocratie par étape dans la société arabe. Il a évoqué l’affaire Assabah, mais il n’a pas parlé de huit ans de guerre entre l’Iran et le même Irak, car cette guerre si elle est lamentable et bizarre pour les deux peuples de l’Irak et de l’Iran. Mais cette guerre qui sert parfaitement les intérêts d’un Occident hégémonique et insatiable n’éveille aucun souvenir particulier dans la mémoire de ce diplomate.
Mais en ce qui concerne les relations spéciales que monsieur le ministre nie, si elles ont bel et bien existé. D’abord dans l’intérêt économique extraordinaire de la France. Et justement au moment où monsieur Chirac – vers les années 80 – n’était encore que premier ministre. En tout cas une des plus grandes affaires faites par la France dans le domaine économique était bien la construction de la centrale nucléaire « Osirak » qui sera – une fois la France ayant encaissé, détruit par les bombardiers israéliens qui se sont procuré tous les renseignement sur le projet et son emplacement auprès de mêmes cercles français. Pour les principes clairs appliqués de par le monde entier, c’est de la pure hypocrisie et le comble du cynisme. La France continue à avoir des rapports bien spéciaux avec tous les dictateurs arabes qui n’obéissent à aucun principe moral, sinon tout à fait le contraire. Des rapports méphistophéliques qui sont à la base de la politique occidentale à l’égard des peuples du monde en général et du monde arabe et musulman en particulier]

A.M  : Quels sont ces principes ?

H.V  : Un principe et d’une manière particulière, le refus de voir une puissance, même de très grande importance, intervenir militairement pour résoudre un problème, d’autant plus qu’il n’y a là aucune légitimité internationale pour le faire. Dans la première guerre du Golf, si, il y a eu une résolution du Conseil de Sécurité. Donc là il s’agit d’un principe fondamental.

A.M  : Finalement la France a changé de position et la retrouvaille entre la France et les Etats-Unis a conduit à la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a transformé l’invasion américaine illégale et l’occupation de l’Irak en une présence légale des forces militaires américaines.

H.V  : Je vous rappelle que je ne suis plus dans ma fonction comme ministre des affaires étrangères de la France et par conséquent je ne peux m’exprimer au nom de la diplomatie française.

A.M  : Oui je sais ça. Mais où sont les principes quand on voit ce rapprochement de la France des Etats-Unis en renonçant à sa position. Est-ce que la situation a changé en Irak ? – L’occupation demeure, mais la position de la France a changé.

H.V  : Ni la position de la France, ni celle de l’Allemagne et les autres pays n’ont changé en ce qui concerne la guerre en elle-même. L’avertissement lancé à son moment aux américains reste toujours en vigueur. Les américains auraient dû prêter attention à cet avertissement. Mais à présent pour des raisons positives et concrètes concernant le futur de l’Irak, un pays où les responsables ne sont plus les mêmes et où la politique pourrait être différente, les européens y inclus la France et l’Allemagne, considèrent qu’il est d’importance de réaliser un pas constructif non pas pour retourner au passé, mais pour dire aux irakiens si vous voulez édifier une nouvelle reconstruction, nous sommes prêts à coopérer avec vous. Cette position ne veut pas dire une modification ou une renonciation à notre position du départ. Cela veut dire qu’il n’y a pas lieu de rester renfermés sur nous-mêmes. Au contraire nous tendons la main à l’Irak du futur, l’Irak de demain. Je crois que c’est ça notre idée. Ni la France ni l’Allemagne ni les autres pays ne commettent ici une erreur. [On voit parfaitement comment l’ex ministre reste parfaitement représentatif de la pensée occidentale et s’emploie avec toutes les ressources disponibles à faire des défauts des vertus, des faits accomplis de l’horreur de l’invasion d’un peuple, des réalités toutes simples, normales et acceptables.]

A.M  : Comment voyez-vous le futur de l’occupation américaine de l’Irak ?

H.V  : Je ne sais pas si maintenant les américains vont réussir là où ils ont échoué au début et arrivent finalement à trouver un consensus entre les sunnites, les chiites et les kurdes pour une direction commune des affaires du pays. Il ne semble pas que ça soit encore le cas. Par conséquent l’opération reste en suspens. Néanmoins je crois que dans chaque groupe, il y a des gens qui ne veulent pas jouer le rôle du pire et préfèrent sauvegarder leur pays et d’autres qui sont contraires. On ne peut prévoir le résultat comme on ne sait si les Etats-Unis ont suffisamment d’autorité politique et morale pour aboutir à une telle conclusion. Si telle opération arrive à aboutir ça sera grâce aux irakiens. Grâce au conseil national irakien qui rassemble les différentes factions et partant de là, on verra émerger une autorité légitime irakienne et un gouvernement qui serait en mesure de dire aux américains ceci ; votre présence dans notre pays n’est plus possible. Votre rôle est terminé. Que ce rôle soit positif ou négatif il a touché à sa fin. Mais les américains ne vont pas partir si facilement parce qu’ils exigeraient un rôle privilégié surtout dans le domaine de la sécurité et celui de l’économie Je ne peux vous donner encore plus de détails à ce sujet, car là on se trouve tout simplement dans le cadre des hypothèses.

A.M  : Pourquoi l’Europe ne fait pas peser de tout son poids dans la question palestinienne.

H.V  : L’Europe n’est pas unie. L’Europe est constituée de vingt cinq pays différents. Chacun a une opinion publique différente. Par contre les européens sont d’accord sur le principe d’un règlement, car tout le monde pense qu’il faut bien qu’un Etat palestinien viable soit constitué tout en donnant des garanties de sécurité à Israël. Si vraiment l’Europe était forte, ce problème aurait été résolu depuis longtemps mais les réalités dans le monde ne sont pas comme telles. Les européens ne sont d’accord entre eux au-delà des principes fondamentaux. Ils ne sont pas d’accord entre eux sur le différent avec les Etats-Unis ou sur les pressions à exercer sur les israéliens ou les arabes. Il y a encore des divergences entre les positions diplomatiques de la plupart des pays européens parce que l’Europe ne constitue pas encore, à ce stade de transition, une force unifiée.

A.M  : Les dix pays qui viennent d’adhérer à l’Union Européenne, à peine s’ils représentent 5% du produit intérieur brut de la Communauté, alors que la France et l’Allemagne représentent les poids les plus importants sur le plan économique et démographique. Ne pensez-vous pas que ces deux pays pourraient canaliser une opinion publique européenne si à cela vient s’ajouter l’Espagne dont la politique a changé ?

H.V  : Vos observations sont correctes en ce qui concerne la complémentarité entre les européens dans la mécanique économique, législative et les différents traités… Malgré tout le traité de la Constitution Européenne reste encore objet de discussion. En ce qui concerne la politique étrangère l’Allemagne et la France ne pensent pas de la même manière sur plusieurs questions…

A.M  : Est-ce que l’Europe a réussi à convaincre les Etats-Unis pour changer leur position vis-à-vis de l’Iran ?

H.V  : Pour le moment les Etats-Unis ont laissé aux trois pays européens, la France, la Grande Bretagne et l’Allemagne la recherche d’une solution. Beaucoup aux Etats-Unis sont pessimistes quant au résultat et gardent toutes les portes ouvertes comme l’a dit Bush…Le président Bush a dit tous les probabilités sont possibles. Tous les choix sont possibles, mais nous pouvons mettre une limite à la dégradation des relations entre les Etats-Unis et l’Iran. En tout cas les européens continueront leurs efforts et si les iraniens font preuve d’intelligence, ils présenteront aux européens quelque chose qui permet de résoudre le problème.

A.M  : En quoi bénéficie à l’Europe la désamorce de l’affrontement entre les Etats-Unis et l’Iran ?

H.V  : L’intérêt de l’Europe c’est d’éviter toute dégradation qui pourrait déboucher sur une confrontation dont les conséquences seront très néfastes pour l’Iran ainsi que pour toute la région. Des conséquences qui donneront origine à beaucoup de réactions et effets divers. L’Europe de par ses conditions actuelles, et, je ne parle pas de l’Europe coloniale, l’Europe de la mafia, n’aime pas les guerres, elle n’aime pas les confrontations ni les conflits. Il se peut qu’il ait des division à ce sujet, mais l’idée dominante c’est qu’on ne peut pas toujours arriver à des solutions pacifiques ou des concessions seulement à travers la loi. Croyez-moi bien c’est la nature de l’Europe. Tout le monde souhaite voir ces efforts pacifiques aboutir.

A.M  : Donc ça veut dire que la porte de la confrontation entre les Etats-Unis et l’Iran reste ouverte ?

H.V  : Oui à Washington cette option est en vigueur. Mais je ne pense pas que la décision soit déjà prise. Je ne crois que le président Bush ait pris cette décision. Néanmoins ce choix ainsi que la décision, sont bien pris quelque part au niveau de l’un des secteurs de l’Administration américaine.

A.M  : Et qu’en est-il de la Syrie ?

H.V  : En Syrie il y a suffisamment de personnalités aptes à diriger le pays, ils savent exactement se qui se passe dans le monde et dans la région pour évaluer correctement l’équilibre des forces et enfin savoir prendre la décision… [Il ne le dit pas explicitement, mais à la lecture de sa réponse, on comprend bien à quoi pense le ministre. Surtout quand il parle d’équilibre de forces. Un équilibre dit-il, que ces personnalités aptes à diriger le pays en seraient conscientes et en vertu duquel, elles sauront prendre les décisions pertinentes. Autrement dit un équilibre de forces qui pousseraient ces personnages à abandonner la lutte et composer avec les Etats-Unis, avec l’Occident en général et les sionistes en particulier.]

A.M  : Donc le danger de la politique américaine menace aussi la Syrie ?

H.V  : Pas du tout. Je n’ai pas dit ça. J’aborde ce sujet en tant que personne étrangère hors fonction, mais je sais que les responsables syriens analysent la question tout en observant ce qui s’est passé au Liban et en évaluant leurs relations bilatérales avec les pays environnants ainsi que la situation politique dans la région. Alors que toute la région du Moyen Orient bouge, il est impossible que les syriens restent inactifs.

A.M  : En votre qualité de spécialiste des Etats-Unis, croyez-vous que malgré leur embourbement militaire en Irak et en Afghanistan, les américains seraient toujours en mesure de déclencher de nouvelles hostilités armées avec la Syrie et l’Iran ?

H.V  : Je ne pense pas que les Etats-Unis puissent entrer dans une confrontation générale contre le monde, même si je sais bien que Rumsfeld – au moment de la prise de ses fonctions en tant que ministre de la défense – il avait dit que les Etats-Unis pourraient combattre sur quatre fronts à la fois. Les Etats-Unis ont concentré toutes leurs forces militaires et technologiques sur Irak et par conséquent je ne pense pas qu’ils soient capables de combattre sur différents fronts comme le dit le ministre américain. Par conséquent je ne pense pas que les Etats-Unis – même si certains conservateurs extrémistes soutiennent le contraire – pensent à une nouvelle opération militaire dans un autre pays. Je ne crois que ce soit en général la politique américaine. Toutefois les Etats-Unis détiennent plusieurs moyens acceptables ou non pour faire pression. On peut bien accepter ces moyens ou les trouver horribles et intolérables. Les dirigeants des pays de la région doivent très bien analyser la situation et évaluer convenablement l’équilibre des forces.

A.M  : On peut déduire que la puissance américaine et son hégémonie sur le monde sont dues à la faiblesse des autres, qu’elle serait d’après vous la puissance susceptible de faire face aux Etats-Unis et enfin établir un certain équilibre de forces avec eux dans une prochaine étape ?

H.V  : D’abord il y a des américains en grand nombre qui n’approuvent pas la politique suivie par l’Administration actuelle et ce malgré la réélection à une forte majorité de Bush. Les américains demeurent encore sous l’effet des explosions du 11 septembre et ceux de la guerre contre l’Irak…Après quoi il y a une sérieuse inquiétude que provoque la Chine. Avec une croissance considérable, la Chine pourrait mais à long terme s’élever au niveau d’une puissance faisant face aux Etats-Unis. Par ailleurs l’autre puissance positive probable serait l’Europe dans la mesure où les européens arrivent à résoudre leurs contradictions et souhaitent réellement devenir une puissance. Dans le monde arabe il y a une certaine confusion à ce sujet, on veut que l’Europe soit une puissance qui tiendrait tête aux Etats-Unis. Mais beaucoup d’européens ne désirent pas voir l’Europe devenir une puissance et établir un équilibre de forces face à la puissance américaine. Les européens cherchent tout simplement à améliorer leur économie et consolider leurs intérêts… Pour beaucoup d’européens les Etats-Unis sont le prolongement de l’Europe et par conséquent il n’y a pas d’autre alternative pour les européens. Et si un choix était possible ils opteraient pour ne pas devenir une puissance… [Quand monsieur le ministre fait allusion aux arabes qui désirent voir en l’Europe une puissance, il pense certainement à tous ces dictateurs au Maghreb et même au Moyen Orient, qui ne se trouvent pas à l’aise avec l’arrogance sioniste et américaine et croient encore que l’Europe pense d’une autre manière qui ne soit pas celle de l’Occident dans son ensemble. C’est bien le cas des esprits morbides de toutes ces minorités de privilégiés dans les différentes régions de la société arabe et leurs dictateurs respectifs qui pensent à une puissance européenne qui les mettraient à l’abri non seulement de l’arrogance américaine mais aussi et surtout de la colère de leurs peuples. Ils sont – de par leur veulerie et leur abjecte nature – incapables de penser en termes propres. Ils se veulent toujours les protégés d’une puissance. Qu’ils soient ceux du pétrole, comme ceux de l’autre côté, ils se réveillent sur un constat qui les terrorise, celui de l’arrogance sans frontières des américains et des sionistes. En tout cas pour les foules arabes – comme il le dit bien monsieur le ministre – les Etats-Unis ne sont que le prolongement de l’Europe. Il n’y a pas de doute là-dessus. Ils se complémentent bien. Les américains sont pour l’emploi de la force sèche et les européens pour l’emploi de la ruse. L’un comme l’autre pour arrive au même but : perpétuer l’hégémonie occidentale sous toutes les formes.]

A.M  : Vous avez évoquez la Chine, comment expliquez vous son silence intriguant sur tout ce qui se passe dans le monde ?

H.V  : Je crois que la Chine n’ait pas envie de gaspiller ses énergies. Il se peut que son objectif soit celui de retrouver sa grande puissance d’antan. De telle manière, elle souhaite oublier le dix-huitième et le dix-neuvième siècles. C’était la période de son déclin, le morcellement et l’occupation du pays par les forces étrangères. C’était aussi une période de guerres terribles. Par conséquent, la Chine veut devenir une puissance. Elle s’est aussi tracée un programme à suivre pour arriver à son but. Ce programme n’est pas écrit sur du papier, mais il se trouve ancré dans la mémoire des chinois. Je crois que la Chine va atteindre son objectif d’ici à vingt ou trente ans.
La Chine observe les Etats-Unis et voit comment négocier avec eux tout en concentrant ses efforts et son attention afin d’éviter toute alliance importante contre elle et son émergence en tant que puissance. Elle ne peut quotidiennement protester contre tel ou tel sujet dans la politique américaine. Ce n’est pas son problème pour le moment. Son économie évolue et se fortifie et peut s’élever au niveau de l’économie américaine. Je ne sais pas jusqu’où la Chine va arriver dans ce domaine, mais c’est ce qui explique – comme vous dites – son intriguant silence…

A.M  : On voit la Chine comme le plus grand pays à injecter des quantités d’argent considérables dans l’économie américaine, quel est son intérêt dans tout cela si elle aspire à devenir un rival futur des Etats-Unis ?

H.V  : Il n’y a pas d’antagonisme du tout dans cela. Les Etats-Unis comme puissance économique mondiale souffre d’un grand déficit monétaire et qui peut acheter les bons d’échange du Trésor américain ? – La Chine et d’autres pays asiatiques. Ce même cas on l’a eu dans le passé avec le Japon. Les japonais avaient eu le même genre de relations économiques avec les Etats-Unis… [Les propos tenus par le ministre, ou du moins la traduction de ceux-ci ne permet pas de dégager une idée cohérente sur le pourquoi de ces relations financières ou économiques entre la Chine et les Etats-Unis. C’est pour cela que je m’arrête à ce point. Les quelques phrases qui restent dans ce paragraphe, ne représentent à mon avis aucun intérêt spécial.]

A.M  : Un téléspectateur qui vous remercie pour vos déclarations, m’envoie sur Internet la question suivante : « La France avait pris dans le passé des positions équilibrées vis-à-vis du monde arabe en général et concernant les deux questions, de la Palestine et de l’Irak en particulier, des positions pour lesquelles on se félicite. Mais par la suite on constate avec regret que cette ligne politique a changé spécialement sur le Liban, la Syrie et le Soudan avec le problème de Darfour. En adoptant des positions pareilles, la France découvre son visage colonial.

H.V  : Si une telle ligne politique de la France est considérée comme révélateur de son visage colonial, ceci n’a pas d’importance, d’autant plus que la Grande Bretagne était bien la puissance colonisatrice du Soudan. Mais ce que je veux dire au sujet du colonialisme français… au sujet d’une résolution parfaite… c’est que si les accords de Taïef étaient appliqués depuis longtemps… et si le mandat du président Lahoud n’était pas prorogé d’une manière artificielle, on aurait pas eu ce problème. Mais si on lie la question à l’histoire d’un passé colonial français, il s’agit là de quelque chose de très ancien dans le cas du Liban et périmée. Sinon la France n’aurait pas eu l’appui de l’ensemble des européens dans sa position…On aurait même refusé d’appuyer une attitude coloniale…

A.M  : Dans le monde arabe, il y a une considération particulière pour l’époque où vous étiez ministre des affaires étrangères et secrétaire de la présidence de la république. Vous aviez tenté de maintenir une position prudente en ce qui concerne toutes ces questions en évitant les deux poids et deux mesures. Mais en ces moments en tant que français et européens vous réclamez le jugement devant un tribunal international des responsables des tueries de Darfour, alors que – selon les rapports des organisations britanniques et autres – cent milles irakiens sont tués depuis l’invasion de l’Irak, il n’y a pas là deux poids et deux mesures, en exigeant le jugement des responsables soudanais sans faire le même avec les responsables des tueries des civils irakiens ?

H.V  : D’abord je vous remercie pour le commentaire qui a précédé votre question. Mais qu’est-ce que je peux dire en ce qui concerne les deux poids et deux mesures ? – Dans le monde il y a mille cas différents et on ne peut jamais comparer deux situations. C’est comme en médicine, il peut se trouver deux médecins fassent deux diagnostics différents pour la même pathologie et personne ne peut parler de deux poids et deux mesures. Et ainsi on peut même arriver à constater cinquante poids et cinquante mesures… Dans le cas de Darfour, la question n’a rien à voir avec l’Irak, Cette question a soulevé beaucoup de réactions non seulement en France mais dans le monde entier en comparaison avec les autres malheurs qu’a connus l’Afrique. Dans les années soixante il y a eu quinze grandes catastrophes en Afrique qui se sont soldées par la mort de deux milles… un million… deux millions de personnes. Mais au Soudan le problème pourrait bien être différent. La guerre civile à Darfour est une question différente. Le cas de la Syrie est aussi différent. Bon bref, le monde a changé. Il ne s’agit pas de complots contre les pays arabes, mais d’une nécessité de changement général y compris au niveau des positions de certains gouvernements européens au sujet de cette question. Il y a un sentiment de doute très répandu au sujet de leurs positions. Il y a eu une chaîne d’erreurs répétées qu’on n’aurait dû jamais accepter et on n’est plus disposé aujourd’hui à voir se répéter la catastrophe. La répétition de tueries où que ce soit. Par conséquent l’opinion publique arabe pourrait bien penser à une relation générale dans cette affaire. De toute manière les masses arabes vivent aussi un mouvement semblable. Il y a des actions injustes partout, mais il y aussi des grands espoirs dans le futur arabe. [Monsieur le ministre en ce qui concerne sa réponse sur les deux poids et deux mesures, n’a pas été à court d’idée. Il a sauté de la politique à la médecine pour justifier l’injustifiable, car le plus horrible dans toutes les catastrophes qui s’abattent soit sur l’Afrique soit sur le monde arabe, c’est justement les dimensions immuables de la stratégie occidentale dans sa persévérance à maintenir les peuples arabes et africains assujettis. Ni la politique du gouvernement syrien, ni celle du gouvernement soudanais ne sont une nouveauté pour les européens et les pour les américains. Seulement l’un comme l’autre – aux des occidentaux – sont essoufflés et ne peuvent plus servir la stratégie occidentale. Ils ont tout donné. Le gouvernement syrien est allé jusqu’à participer à la première « coalition internationale de 1991 » contre l’Irak. Quant au gouvernement soudanais, il a rendu un énorme service – justement – à la France en lui livrant les poings liés le vénézuelien Illich Ramirez qui a cru participer à un combat commun avec les arabes dans leur lutte contre les mêmes ennemis. Actuellement ce monsieur purge une perpétuité dans les prisons françaises. Ce ne sont là que deux exemples concrets sur l’horreur que représentent ces deux dictatures pour les peuples arabes, mais delà à penser que l’Occident – ici – par la voix de monsieur Védrine agit par des principes de justice ou en vertu des valeurs occidentales, c’est tout simplement prendre les foules arabes pour des imbéciles. Que monsieur Védrine sache – comme il l’a bien fait de le remarquer – dans le cas de la Chine, que les arabes sont aussi conscients de leurs drames et de la nature méphistophélique de leurs ennemis et si sur le terrain il y a en ce moment plusieurs plans pour relever le défi, il y a bien un seul qui finira tôt plus que tard de mettre finalement de l’ordre dans la dignité de la société arabe, celui qui est justement écrit dans la mémoire populaire. Ce changement dont parle monsieur Védrine, c’est un changement dans les moyens occidentaux pour le même objectif. Ce n’est pas une nouveauté, tout au long de l’histoire les occidentaux ont toujours changé leurs instruments. Quant au changement dans la société arabe il ne peut être du ressort de l’Occident, il est une question qui concerne seulement et uniquement les arabes. Toute intervention de bénévolat de la part de la France ou des Etats-Unis dans les affaires des peuples arabes en prise en ce moment avec leurs dictateurs innombrables est plus que suspecte et ne mérite aucune attention à moins qu’elle soit considérée comme un nouveau instrument dans la même stratégie de domination occidentale de toujours. Quand les pouvoirs occidentaux bougent vers le monde arabe, ils sont immédiatement reliés par les minorités des privilégiés dont a parlé aussi avec éloquence monsieur le ministre. Eh bien tour à tour, les médias des dictateurs, leurs serviteurs directs et les dictateurs eux-mêmes ne s’offusquent plus de prétendre que les américains, les français, les européens et enfin tous les occidentaux sont bien légitimés par venir défendre leurs intérêts dans le monde arabe. En effet, il s’agit bien d’intérêts considérables, sans lesquels les choses, si, elles changeraient beaucoup dans le monde occidental. Sans ces intérêts occidentaux maléfiques dans le monde arabe,le cynisme et l’arrogance de l’Occident en général diminueraient beaucoup pour le bien des arabes, des européens eux-mêmes et aussi des africains ou des humains où qu’ils se trouvent. Et sans intérêts pernicieux le monde sera libéré de cette arrogance et de cette justice à plusieurs niveaux que monsieur le ministre a comparée – non sans honte – à des diagnostics pathologiques.]

A.M  : La dernière question que je vous pose porte sur ce qu’on appelle la guerre contre le terrorisme après le 11 septembre, jusqu’où peuvent aller les Etats-Unis dans cette guerre et qu’elle est la position européenne à ce sujet ?

H.V  : Evidemment les européens appuient cette décision et prennent toutes les mesures pertinentes à ce sujet. Car il n’est pas logique qu’on exerce du terrorisme sur les civils et ainsi faire des pressions politiques inacceptables. Les européens sont unanimes dans leur position sur ce sujet. Mais il y a deux actions en même temps. Il y a la coordination dans les travaux de contrôle du terrorisme par la police et le traitement du sujet au niveau politique. Et c’est là où surgit la grande différence entre notre méthode et celle des américains. Les européens pensent que les interventions militaires à elles seules sont insuffisantes. Les terroristes ne sont pas partout. Il se peut que le dirigeant terroriste utilise comme argument, une cause quelconque, mais ceci n’empêche qu’il y ait réellement un environnement politique qui nous inquiète aussi. Par conséquent il ne faut pas que les choses ou les positions prêtent à la confusion. Il y a une coopération avec les américains comme ils le font avec d’autres pays. Mais de toute manière l’affaire reste bien complexe. [En effet l’affaire est bien complexe, car l’hégémonie qu’exerce l’Occident sur les peuples du monde en général et les peuples arabes en particulier à chaque fois sous une dénomination et des instruments les plus divers fait sans arrêt des dégâts considérables et on ne sait quels qualificatifs donnerait monsieur le ministre aux effets dévastateurs de cette hégémonie. Ou est-ce que les pressions et les terreurs exercées sur nos peuples sont justifiées au nom de la civilisation ? – En tout cas la falsification et le mensonge sont plus que jamais une arme supplémentaire entre les mains de ceux qui se considèrent les maîtres du monde. Quant au fait que les Etats-Unis soient le prolongement de l’Europe, nul n’a jamais douté d’une telle vérité. On comprend parfaitement ce que veut dire monsieur le ministre quand il dit que les interventions militaires à elles seules ne suffisent pas. Et c’est pour cela que le concours de la « diplomatie » européenne ne fait que compléter le même travail.]