LE MONDE | 06.05.05 |
Monastir (Tunisie) de notre envoyée spéciale
Florence Beaugé
Difficile de croire qu’une campagne électorale est en train de s’achever en Tunisie. L’indifférence est générale. Six mois après les élections présidentielles et législatives d’octobre 2004, remportées par le président Ben Ali avec 98,4 % des voix et par son parti, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), les Tunisiens sont appelés, dimanche 8 mai, à désigner leurs conseillers municipaux.
A ce rituel qui se répète tous les cinq ans, le pouvoir a finalement renoncé à donner la totalité du décorum annoncé. La dizaine de listes que comptait présenter l’opposition a été purement et simplement rejetée. Pour la première fois, l’opposition “réelle” à l’inverse des quatre partis de l’”opposition administrative“, alliée du régime avait réussi à resserrer les rangs. Trois partis légaux mais contestataires avaient constitué des listes communes sous la bannière de l’Alliance démocratique pour la citoyenneté. Peine perdue : les listes du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FTDL), du Parti démocratique progressiste (PDP) et d’Ettajdid ont été déclarées non recevables par l’administration.
Mustapha Ben Jaafar, chef du FTDL, voit dans cette exclusion un “enfermement” du pouvoir. Ce médecin de formation souligne qu’il ne se faisait “pas d’illusions” en entrant dans cette “bataille politique sans enjeu électoral“, mais qu’il voulait profiter de ce scrutin pour sortir les Tunisiens de la “situation de démission dans laquelle ils se complaisent depuis quelques années” et “contribuer à une dynamique unitaire”.
Pour sa part, Nejib Chebbi, avocat et secrétaire général du PDP, estime que le pouvoir manifeste sa “volonté de faire taire toute voix discordante“. Cela fait quinze ans, dit-il, que la Tunisie est gérée “sur le mode sécuritaire“. Le secrétaire général du PDP dit s’inquiéter des conséquences, à terme, de ce “verrouillage absolu“.
Mohammed Harmel, secrétaire général du parti Ettajdid, souligne, de son côté, le “divorce absolu” entre le discours officiel qui parle de démocratie et de pluralisme et la réalité. “Le pluralisme, ici, consiste à promouvoir des partis satellisés qui font allégeance au pouvoi“, insiste-t-il, avant de déplorer que ni son parti ni les deux autres formations engagées dans l’Alliance démocratique pour la citoyenneté n’aient pu accéder aux médias. “Notre problème est de réussir à impliquer l’opinion publique tunisienne. Elle n’y croit plus. Elle est devenue spectatrice“, regrette-t-il.
Le pouvoir, quant à lui, qualifie ces accusations d’”allégations irresponsables“. Même son de cloche dans la presse, qui parle d’”événement national”, et de “ferveur“. On serait bien en peine de constater tout cela sur le terrain. Les gens refusent de s’exprimer, certains vont même jusqu’à confier à voix basse qu’ils iront voter “de peur d’avoir des ennuis“.
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