« Tout système à zéro mort est un système à somme nulle »
Lors de sa comparution dans le Capitole Américain à Washington le 16 mai dernier, le député écossais Georges Galloway, avait entre autres, lancé à l’adresse des sénateurs qui pensaient l’interroger sur sa prétendue implication dans l’affaire du « pétrole irakien contre nourritures » durant l’embargo que tout le monde connaît : « Vous êtes [messieurs les sénateurs] coupables de la mort de plus de cent milles irakiens durant l’invasion du pays entre lesquels 1600 de vos propres soldats ». Sans avoir à parler pour le moment du massacre en toute règle des innocents irakiens et de la dévastation pratiquement totale du pays, le chiffre de morts américains qu’on peut en toute objectivité facilement multiplier par cinq, car beaucoup parmi les soldats recensés blessés meurent ultérieurement ou restent invalides pour le reste de leur vie, est considérable. Car comme l’écrit Jean Baudrillard dans son livre L’Esprit du Terrorisme « pour un système arrivé à la quasi perfection, qui vit de l’exclusion de la mort et dont l’idéal est celui de zéro mort » ce chiffre terrifiant de morts balaye d’un seul coup toute la stratégie des généraux de l’empire et réduit toutes leurs technologies militaires à très peu de chose. Et comme l’écrit le même auteur cité plus haut, « tout système à zéro mort est un système à somme nulle ». Ainsi sont les choses en Irak, en Afghanistan, l’autre pays musulman dévasté par la même machine militaire, le résultat de la « promotion de la démocratie à l’américaine » comme l’écrit le professeur à l’Institut de Massachusetts de Technologie, Noam Chomsky, n’est pas moins sombre. Le journal El Pais du 23 mai dernier rapporte de son côté : « En termes relatifs, le nombre de morts américains en Afghanistan est plus élevé qu’en Irak. Les Etats-Unis ont 16.700 soldats en Afghanistan et 135.000 en Irak. Depuis le début du mois de mars, 27 soldats américains – selon le Pentagone – sont morts en Afghanistan ; ce qui équivaut à 1,6 morts pour 1000 militaires. Dans la même période 124 ont été tués en Irak avec une moyenne de 0,9 pour 1000 ». Et autant qu’en Irak où le « pouvoir politique démocratiquement élu » se cantonne à dure peine dans la zone verte de Bagdad, Hamid Karzai et toutes les troupes de l’OTAN, leur contrôle commun à tous se limite à une partie de la capitale Kabul. Et en plus l’ambassade américaine – dans un récent rapport envoyé à Condolezza Rice – ridiculise Karzai et le décrit comme un personnage sans popularité aucune y inclus dans sa province natale. Le journal El Pais du 24 mai ajoute dans son éditorial à la suite du dernier pèlerinage de Karzai à Washington : « Hamid Karzai, harcelé par la marée anti – américaine grandissante dans son pays…n’a reçu de la part de son amphitryon à la Maison Blanche que des vagues promesses. Mais les sourires et les promesses seront sans aucune utilité pour redresser la situation de non gouvernance dans ce pays…Et aux doléances de Karzai concernant les horreurs commises par les soldats américains et particulièrement à la base de Bagram, Bush lui a promis que les troupes américaines, avant d’entreprendre des actions dans le futur, tâcheront de consulter le gouvernement et coordonner avec lui !!! Le président afghan nécessite beaucoup plus qu’un serrement de la main de Bush pour pouvoir contrôler la situation. Trois ans sont déjà passés depuis que les forces de l’OTAN se sont engagées à garantir la sécurité du pays et à peine s’il y a des troupes déployées sur une poignée de lieux en dehors de la capitale. L’Espagne qui maintient un millier de soldats en Afghanistan et qui s’apprête à augmenter sa participation… doit prendre note de la dégradation de la situation. ».
La promotion de la Démocratie
Dans l’article de N. Chomsky publié dans le quotidien mexicain « La Jornada » du 5 mars denier, il est écrit : « Le projet de la promotion de la démocratie qui s’est converti en thème principal de la politique du gouvernement des Etats-Unis, il y a des antécédents qui confirme une ligne vigoureuse de continuité de la période post guerre froide. » En effet Thomas Carothers, directeur du Programme relatif à la Loi et la Démocratie de l’Institut Carnegie, écrit dans son livre Mission Délicate, essai sur la Promotion de la Démocratie le suivant : “ Là où la Démocratie coïncide avec la sécurité et les intérêts économiques américains, les Etats-Unis la soutiennent, par contre quand la démocratie se heurte à d’autres intérêts significatifs, elle est tout simplement sous-estimée ou même ignorée” ». Plus loin Chomsky écrit, « cette continuité est parfaitement illustrée par la nomination de John Negroponte comme directeur des services d’Intelligence Nationale. L’arc de la carrière de Negroponte va des Honduras – où il a supervisé à titre d’ambassadeur de Reagan les actions terroristes des contras, contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua jusqu’à l’Irak où en tant qu’ambassadeur de Bush il a présidé – brièvement – à l’exercice du prétendu développement de la démocratie. Cette expérience pourrait lui servir dans ses nouveaux devoirs pour combattre le terrorisme et en même temps promouvoir la liberté. Orwell n’aurait jamais su s’il devait rire ou pleurer. »
Toujours dans le même cadre de la Sécurité Nationale et de la Promotion de la Démocratie, les législateurs américains viennent d’approuver le budget militaire : 491 milliards de dollars. Et dans la foulée la même Chambre des Représentants américaine, a refusé une proposition obligeant le président Georges W. Bush à établir un calendrier de retrait des troupes de l’Irak. Ce qui confirme un commentaire venu dans une analyse antérieure de Chomsky en ces termes : « Tony Blair, Condolezza Rice et autres rejettent catégoriquement tout chronogramme ou calendrier de retrait, reportant la question sine die jusqu’à l’accomplissement de la mission, c’est-à-dire jusqu’au jour où un gouvernement élu démocratiquement soit en condition d’honorer les requêtes américaines. En tout cas un retrait des troupes américaines et anglaises d’Irak ne dépend pas des souhaits irakiens mais des électorats américains et anglais qui obligeraient leurs gouvernements à accepter la souveraineté de ce pays. » On n’en est pas là et la fuite en avant des Américains prend des directions les plus diverses. Et comme pour exacerber plus la situation, les Américains ont envoyé 100 bombardiers des plus modernes vers Israël et disent – non sans ambages – qu’ils sont capables de bombarder l’Iran. Il s’agit du même prototype de bombardier amélioré que celui utilisé par Israël en 1981 pour détruire le réacteur nucléaire irakien. Et monsieur Chomsky tire sa propre conclusion de cette sérieuse menace adressée à l’Iran : « La menace pourrait servir deux objectifs : Provoquer les dirigeants iraniens afin qu’ils durcissent leur position et deviennent plus répressifs, ce qui encourage la résistance populaire et de l’autre côté, menacer les rivaux des Etats-Unis en Europe et en Asie afin qu’ils cessent toute initiative diplomatique ou économique avec l’Iran. C’est la politique de la ligne dure qui fait peur à certains investisseurs européens qui craignent les représailles américaines, selon l’information donnée par Matthew Karnitschnig du The Wall Street Journal. Un autre développement qui a été interprété avec exaltation comme une victoire de la Promotion de la Démocratie, a été la trêve signée par Ariel Sharon et le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas. Ne pas tuer, c’est mieux que de tuer, néanmoins en passant à la loupe les termes de la trêve, le seul élément consistant et significatif qui s’en dégage reste l’arrêt total de la résistance palestinienne, y compris celle dirigée contre les troupes d’occupation. »
A part les horreurs et les destructions massives des pays, la machine de mort américaine n’a remporté nulle part aucune victoire réelle, ni dans le passé lointain, ni dans le passé récent ni dans le présent immédiat qui nous intéresse. Les échecs militaires sont inévitablement les corollaires d’une vision erronée et insoutenable au niveau de la politique ou de la diplomatie. Dans son livre « Après l’Empire : essai sur la décomposition du système américain » Emmanuel Todd, écrit : « L’appareil militaire américain est surdimensionné pour assurer la sécurité de la nation, mais sous dimensionné pour contrôler un empire, et plus largement pour maintenir durablement une hégémonie en Eurasie, loin, si loin du Nouveau Monde. La fragilité militaire est, en un sens, structurelle, ancrée dans l’histoire d’une nation qui n’a jamais eu à affronter un adversaire à sa mesure. On pense immédiatement au rôle formateur des guerres indiennes, qui ont opposé, de façon radicalement asymétrique, des tribus analphabètes et sous équipées à une armée moderne de type européen… La vérité stratégique de la Seconde Guerre mondiale est qu’elle a été gagnée, sur le front européen, par la Russie, dont les sacrifices humains, avant, pendant et après Stalingrad, ont permis de casser l’appareil militaire nazi. Le débarquement de Normandie, en juin 1944, n’est intervenu que tardivement, alors que les troupes russes avaient déjà atteint leur propre frontière occidentale en direction de l’Allemagne… A tous les stades, ainsi que l’a bien vu l’historien et expert militaire britannique Liddell Hart, le comportement des troupes américaines a été bureaucratique, lent, inefficace compte tenu de la disproportion des forces économiques et humaines en présence. Chaque fois que c’était possible, les opérations exigeant un certain esprit de sacrifice, ont été confiées à des contingents alliés : polonais et français au mont Cassin en Italie, polonais pour boucler la poche de Falaise en Normandie. L’actuelle « manière » américaine en Afghanistan, qui consiste à engager et payer, opération par opération, des chefs de tribu, n’est donc que la version contemporaine et paroxystique, d’une méthode ancienne. Ici, l’Amérique n’est proche ni de Rome ni d’Athènes, mais de Carthage, louant les services de mercenaires gaulois ou de frondeurs baléares. Avec les B-52 dans le rôle des éléphants, mais personne dans celui d’Hannibal. » Le livre a été imprimé en 2002 sinon l’auteur aurait facilement ajouté la déconfiture américaine aussi en Irak, elle est et sera – sans aucun doute – encore plus éloquente sur la nature réelle de l’armée américaine qui engloutit des budgets considérables et qui reste inapte sur le terrain de bataille et la diplomatie qui faute d’arguments rationnels qu’elle ne peut jamais avoir se rabat aussi, avec des budgets considérables, sur les mensonges et les falsifications.
Dans le dernier article publié par El Pais du 20 mai sous le titre bien éloquent : « Les généraux américains ont une vision bien pessimiste sur la situation en Irak » on peut lire entre autres. « Le général John P. Abizaid, le commandant suprême des forces américaines au Moyen Orient a déclaré à Washington qu’un des grands problèmes [que rencontrent les américains en Irak] est le peu de progrès réalisé dans la consolidation des unités de la police irakienne capables de faire face aux rebelles. » Et là on retrouve de nouveau la version de la méthode américaine dont parlait avec justesse Emmanuel Todd. Dès qu’il s’agit de sacrifices on fait appel aux « polonais » qu’on peut avoir à la main. Ce qui explique en quelque sorte aussi l’acharnement impitoyable de la Résistance en Irak sur ce corps militaire ou policier appelé à jouer le rôle de mercenaires, mais dans son propre pays. Ici le paroxysme n’a pas d’égal. Et le général américain d’ajouter plus loin : « Le démantèlement de cellules rebelles a permis – durant les 80 derniers jours – la détention de 1100 suspects dans la capitale Bagdad, mais les objectifs américains ne sont pas atteints. A mon avis nous pourrons encore échouer de plus belle. » D’autre part dans l’article on peut lire aussi : « Des sondages d’opinion récents réalisés par l’Université de Bagdad montrent que la confiance dans le nouveau gouvernement irakien a chuté de 85 % registrés juste après les élections à 45% en l’état actuel. Et afin que les rebelles triomphent dit encore le général, il faut que les gens perdent confiance dans le gouvernement. » En tout cas tous les artifices et subterfuges employés jusqu’à présent par les américains ont échoué de manière fracassante. « Les généraux américains, selon le même article, affirment que l’augmentation du nombre des forces armées irakiennes a été une déception, contrairement à ce qu’on maintenait jusqu’à présent. Ce qui explique disent-ils pourquoi dans la dernière bataille dans les bastions de la résistance du côte de la frontière avec la Syrie, il n’y avait pas eu de soldats irakiens. Un groupe de 1.000 marines a engagé l’offensive où les militaires américains disent avoir tué 125 rebelles et perdu 14 des leurs. Mais ils reconnaissent aussi, que faute de nombre suffisant de soldats, beaucoup de rebelles ont pu casser l’encerclement et ont battu en retraite. L’offensive s’est achevée avec une nouvelle déception, car les objectifs – entre lesquels pourrait être la capture de Abou Massaab Al Zarkaoui le chef islamiste le plus recherché – là non plus n’ont pas été atteints. Le général Abizaid dit que la police irakienne – 65.000 des 160.000 irakiens entraînés et équipés grâce au 5 milliards 700 millions de dollars que les Etats-Unis ont dédiés pour renforcer ce corps de sécurité – reste très en retard dans sa capacité d’assumer une bonne partie l’effort belliqueux. La raison – selon le général – réside dans la tendance des policiers irakiens à travailler de manière individuelle au lieu de le faire en unités consolidées. »
Aux déboires des américains sur le plan militaire en Irak ou en Afghanistan, leur diplomatie est loin, bien loin d’être reluisante. Sous le titre Voyage secret en Irak, el Pais du 16/05 écrit dans son éditorial : « Les insolites protocoles de sécurité qui ont entouré le voyage de Condolezza Rice en Irak sont révélateurs de l’incessante dégradation de la situation dans ce pays arabe et ce malgré la mise sur pied depuis fin avril d’un gouvernement élu démocratiquement. De tous, seul, le premier ministre, Ibrahim El Jaafari a été informé de l’arrivée de la chef de la diplomatie américaine. Les propres pilotes militaires qui l’avaient transportée de Qatar vers Irak, n’avaient été informés du nom de leur passagère qu’une fois celle-ci était à bord. En Allemagne où l’avion avait fait une escale technique, elle n’avait pas quitté son siège… Bagdad a reçu la Secrétaire d’Etat avec casque de combat et gilet pare-balle et en plus avec la découverte de 34 cadavres dans différentes régions du pays… Rice avait dit hier qu’elle est venue pour chercher avec ses interlocuteurs les lignes à suivre afin de donner une impulsion au processus politique et détenir l’effusion de sang. Cependant l’évolution des évènements va – encore une fois – dans le sens contraire à cet apaisement annoncé par Bush. Il se pourrait que les Etats-Unis soient en train de chercher à se désengager politiquement de l’Irak laissant ainsi au nouveau gouvernement la charge d’assumer ses fonctions, mais la situation rend illusoire tout projet de désengagement ou de retrait des troupes de ce pays. Dans les tous derniers jours, les forces américaines continuellement assaillies, se sont vues impliquées dans une authentique bataille au bord des frontières avec la Syrie.
La Trou Noire irakien, à la lueur de la croissante déstabilisation en Afghanistan, l’autre pôle dans la Guerre globale contre le Terrorisme sous le patronage de Bush où sont déployés sur le terrain presque 20.000 soldats du Pentagone et d’autres pays dont l’Espagne, devient de plus en plus inquiétant. La diffusion des prétendues profanations du Coran de la part des forces américaines dans la prison militaire de Guantanamo, a suscité dans l’ancien fief des Talibans les protestations les plus sanglantes depuis son invasion par les Etats-Unis en 2001. Des manifestations qui ont fait presque vingt morts et dont les échos sont arrivés à Bengladesh, en Egypte alors que Condolezza Rice faisait un appel au calme au monde musulman tout en faisant des promesses qu’une enquête sera ouverte !!
Au-delà de l’effet de contagion, les violentes manifestations afghanes mettent bien en relief, le précaire contrôle qu’a le président Hamid Karzai sur le pays. Pour Karzai, un allié ferme de Washington, le climat insurrectionnel en Afghanistan constitue une bombe à retardement.
L’axe Venezuela – Cuba
La même diplomatie est aux prises, entre autres, avec le Venezuela. Le président Hugo Chavez menace de rompre les relations de son pays avec les Etats-Unis si l’anti-castriste notoire Luis Posada Carriles fugitif de la justice vénézuelienne condamné pour avoir été l’auteur de la bombe déposée – au mois d’octobre années 1976 – dans l’avion Cubana de Aviación, qui couvrait la ligne Caracas – La Havane et qui avait explosé en plein vol faisant 73 morts entre cubains et vénézueliens entre autres passagers. A ce contentieux bien particulier s’ajoute l’annonce par le président Hugo Chavez d’un plan nucléaire à des fins pacifiques. Les Etats-Unis ont fait semblant d’abord d’ignorer la présence du terroriste sur le sol américain et à présent on prétend que la demande d’extradition n’est pas formulée dans les termes adéquats. En tout cas Hugo Chavez lors d’un programme télévisé habituel au Venezuela – Allo président – il a dit : « Nous allons attendre un certain temps et voir que décide Washington, mais nous pourrons d’ores et déjà annoncer que si jamais on nous remet pas ce terroriste, la totalité de nos relations sera mise en question et nous réviserons même l’utilité de maintenir une ambassade là-bas et dans certain sens aussi eux une ambassade à Caracas. » Quant à une autre question relative au nucléaire et l’opposition des Etats-Unis à ce projet, le président Chavez a répondu : « D’abord le Venezuela s’intéresse au champ de l’énergie nucléaire et non pas pour fabriquer des bombes nucléaires. » Et après avoir rappelé que les Etats-Unis possèdent des milliers de bombes atomiques. » Qu’ils ont en fait usage contre la Japon durant la Seconde Guerre mondiale, il a souligné que ses efforts se dirigent vers « le développement de la vie et le maintien de la paix. » « Mais ce qui se passe, c’est que chaque voleur juge en fonction de sa condition comme tel. » En allusion aux menaces des Etats-Unis contre les pays qui ne se trouvent pas dans son orbite, comme l’Iran.
Dans ce même le contexte toujours, l’Administration américaine parle d’un nouvel axe du mal, celui formé par le Venezuela – Cuba. Un axe avec toutes les chances de s’étendre pour englober plusieurs autres pays tels que la Bolivie, le Pérou, l’Equateur, le Panama, la Colombie etc. Dans le dernier article publié par El Pais du 29 courant sous le titre L’ombre de Chavez sur la Bolivie on peut lire entre autres : « L’ex Secrétaire américain pour les affaires d’Amérique Latine, Otto Reich, a averti son gouvernement en avril dernier de l’axe Cuba –Venezuela en ces termes : La combinaison du génie malveillant de Castro avec ses expériences politiques et le robinet d’argent de Chavez coulant à flot, constitue une menace pour la sécurité et la stabilité de toute la région. » Dans le même article on peut lire aussi : « La pression [Sur la Bolivie] des Etats-Unis, jusqu’à présent, n’a pas réussi à enrayer l’avance du Mouvement Bolivarien, mais bien le contraire. Pendant les élections qui se sont déroulées en 2002, l’ambassadeur américain à La Paz, Manuel Rocha, avait exigé [on ne sait par quel droit, il le fait. Mais c’est comme ça qu’agissent toutes les ambassades américaines à travers le monde conformément à la ligne de continuité vigoureuse évoquée plus haut et décrite par N.Chomsky sur la nature de la promotion de la démocratie] qu’on ne vote pas à Morales [Evo Morales, le leader du mouvement indigéniste, Mouvement vers le Socialisme (dans ces sigles en espagnol MAS)] il n’a fait que hisser la popularité de ce dirigeant. Durant les mobilisations de la semaine dernière, les slogans les plus répétés étaient dirigés contre la présence économique des gringos. D’autres part si à tous ces indigènes, ces paysans, ces mineurs, ces enseignants ruraux et tous ces gens du mouvement Les Sans Terre, on leur demande ce qu’ils pensent de Chavez, ils vous répondront à l’unisson : Chavez a du pantalon (a du courage). Tenant en considération que tous ces gens représentent les deux tiers des neuf millions d’habitants de la Bolivie, on comprend bien la préoccupation de Washington. »
L’Irak n’est pas le Salvador
Afin de comprendre encore mieux la situation actuelle des américains en Irak, il serait intéressant de revenir à un article qui a été publié par El Pais en date du 25 janvier dernier. En sous-titre on peut lire : « L’option centre – américaine, avancée par le Pentagone se heurte en terre irakienne à une toute autre réalité. » Dans l’article, bien long, on peut citer les passages les plus significatifs qui comparent les deux réalités, celle du Salvador et celle de l’Irak pour arriver à la conclusion qu’on connaît bien aujourd’hui. « Mort à l’impérialisme américain, (ou à bas l’impérialisme américain), c’était le cri avec lequel les guérilleros avaient surpris les neuf GI’s dans un hôtel. Les américains ne pouvaient rien faire. Ils s’affrontaient à 600 combattants armés jusqu’aux dents. Un des insurgés appela par radio son chef pour lui demander des instructions. Protégez – les, répondit le chef, et, assurez-vous qu’il ne leur arrive rien de mal. Quelques minutes plus tard, le même commandant des guérilleros avait appris que le chef de la CIA se trouvait dans le même quartier et que sa maison était encerclée par les rebelles. Et encore une autre fois le chef donna ordre à ces hommes afin qu’on touche pas un seul cheveux au chef de la CIA. Ça c’est passé en 1989 dans le quartier des nantis de San Salvador, la capital du pays où se déroulait depuis presque 20 ans une guerre civile entre un gouvernement militaire appuyé par les Etats-Unis d’un côté, et ceux que les américains appelaient les terroristes communistes et d’autres appelaient les guérilleros de l’autre. Cet épisode tient quelques similitudes avec l’actualité en Irak, surtout que les responsables de l’Administration Bush se dédient ces derniers temps à faire des comparaisons entre El Salvador et l’Irak. Dans leur tentative de s’accrocher à toute perspective moins catastrophique sur les élections en Irak, ils se consolent à l’idée de ce qui s’est passé au Salvador dans les années quatre vingt, ou du moins ce qu’ils auraient souhaité qu’il se passe. Je veux dire qu’en fin de compte, les élections ont eu lieu sur fond de mitraillettes en pleine guerre civile. Cette phrase est de Donald Rumsfeld. Selon le journal américain The Wall Street Journal, un journal proche du gouvernement de Bush, le vice – président Dick Cheney et Richard Perle, l’ancienne éminence grise du Pentagone, eux aussi se sont mis à raviver leurs souvenirs sur El Salvador. L’idée chez tous ces gens de Bush serait – comme l’ont souligné dans des articles le The Wall Street journal et Newsweek, que si la politique américaine avait produit au Salvador un résultat démocratique, le même doit se produire en Irak… La logique de Ronald Reagan voulait dire, que si la guerre contre le communisme ne se déroulait pas au Salvador, elle finira par avoir lieu sur le sol des Etats-Unis. Dans cet aspect, si, qu’il existe un parallélisme avec la Guerre contre le Terrorisme que Bush dit mener en Irak. Mais pour le reste, l’analogie a plusieurs défauts graves et vices de forme. L’anecdote des neufs GI’s et du chef de la CIA aide beaucoup à faire la démonstration et reste bien éclairante sur l’esprit américain. La rhétorique – mort aux Etats-Unis ou à bas les Etats-Unis – qu’utilisaient leurs adversaires à El Salvador ou ailleurs en Amérique Centrale ou du Sud, n’était que ça. Une rhétorique. Mais en Irak – mort aux Etats-Unis veut dire exactement ça. Si les neuf GI’s et le chef de la CIA étaient à Bagdad et se trouvaient traqués par des forces ennemis supérieurs, ils seraient liquidés sans la moindre pitié. ¿ Pourquoi les salvadoriens ne les ont-ils pas tués ? – La réponse à la question prouve bien que si l’Administration de Bush, en prenant l’exemple du El Salvador et ayant vu par là un motif suffisant de nature à provoquer un optimisme quelconque en ce qui concerne l’Irak, elle serait totalement déboussolée. En premier lieu au sein de la guérilla du Front de Libération National Farabundi Marti (FMLN) jamais on n’avait ressenti une haine aussi intense et profonde envers les Etats-Unis comme c’est le cas de la part de leurs ennemis en Irak en particulier et dans le monde arabe en général… Indépendamment de l’idéologie, le jeune guérillero courant et normal le lient aux le Etats-Unis, malgré tout, de grandes affinités culturelles, à part le fait qu’il partage aussi la même foi chrétienne et les traditions occidentales… Il restait toujours une raison, disons pratique, qui fait que les guérilleros ne tuaient pas leurs adversaires quand ils se trouvent aux abois… Mais les erreurs dans l’analogie que faisait Rumsfeld vont encore beaucoup plus loin dans les immenses différences culturelles, politiques et économiques entre l’Irak d’aujourd’hui et El Salvador de l’époque. La principale erreur de Rumsfeld et ses gens au moment de tirer les enseignements les plus élémentaires de l’histoire, se voit clairement, que même dans le cas du El Salvador il a fallu attendre 10 ans entre ces premières élections et la fin de la guerre civile. Ces mêmes élections qualifiées d’historiques par une Maison Blanche triomphaliste ont eu si peu de répercussions sur les hostilités au point que sept ans plus tard, la guérilla allait lancer la plus grande offensive, qui arrivera jusqu’à la capitale San Salvador et se terminera entre autres par la capture de ces neuf GI’s et le chef de la CIA. [La résistance actuelle en Irak avec ses offensives et ses attaques multiples et qui sont quotidiennes, n’en ferait pas moins que la guérilla à El Salvador, et, tout indique que tôt ou tard, elle finira par lancer une offensive générale finale sur Bagdad qui ne laissera aucune chance, ni aux américains ni à leurs alliés de tout bord. Les scènes dramatiques du sauve qui peut, que le monde entier avait vu, avec des hélicoptères qui se posaient sur le toit de ce qui restait de l’ambassade américaine à Saigon à l’époque afin de ramener les rescapés multicolores vers le porte-avion dans le large de la mer, vont inévitablement se répéter, mais en grandes dimensions à Bagdad] Le commandant Joaquin Villalobos, celui qui avait, au Salvador, donné l’ordre à ses guérilleros de prendre soins des neuf GI’s ainsi que du chef de la CIA, qui vit en ce moment aux Etats-Unis et en tant que conseiller international pour la résolution des conflits donne son opinion sur l’invasion de l’Irak : Dans la mesure où les gens de Bush maintiennent leur analogie entre l’Irak d’aujourd’hui et El Salvador de 1982, doivent s’apprêter – dans les meilleurs de cas – à attendre 10 ans avant de voir un résultat pacifique et démocratique en Irak. Je dis [Villalobos] dans les meilleurs des scénarios, car si on analyse sérieusement la différence entre les deux situations, si on tient compte que notre relation avec les Etats-Unis qui était une relation d’amour – haine, alors que leurs ennemis en Irak les mangeraient vifs, et enfin si on pense que l’Irak soit un pays géographiquement beaucoup plus grand que El Salvador, militairement plus difficile à manier, politiquement beaucoup plus complexe, on se trouve dans un conflit qui ne va pas durer seulement 10 ans, mais beaucoup plus que ça. ¿ Alors que signifie d’après vous cet emportement, ce zèle, cet empressement de Rumsfeld, Cheney et leur compagnie de chercher éperdument à arracher un espoir dans ce que – d’après ce qu’on voit de la part de ces gens du Pentagone – on appelle l’option du El Salvador ? – A mon avis [dit Villalobos] ils sont désespérés. Le chaos évident les a rendus tous fous, et, ça dans une guerre veut dire le chemin qui mène directement vers les pires des catastrophes. »
La Guerre contre le Terrorisme, ou le Détergent à Multi – Usages
Au moment où la machine militaire américaine se trouve bien embourbée dans les deux pays envahis – comme on l’a vu – en Afghanistan et en Irak, un autre instrument entre les mains de l’Administration de Georges W. Bush, non moins infernale, s’embourbe, lui aussi et à l’échelle internationale dans les scandales les plus terrifiants qu’on peut bien considérer comme des crimes en toute règle.
En effet derrière le bouclier de la Guerre contre le Terrorisme, non seulement les milliers d’agents des multiples services secrets américains séquestrent, enlèvent, expédient, torturent des dizaines et même de centaines de personnes dans le différents points du globe, mais aussi beaucoup de régimes notoirement connus pour leur mépris total des droits humains éliment autour d’eux toute opposition ou toute activité qui leur soit hostile. Dans le dernier Rapport de 2005 d’Amnistie Internationale commenté dans un article publié par El Pais du 26 mai sous le titre Amnistie Internationale accuse les Etats-Unis d’une nouvelle interprétation la torture, on peut lire : « Il y a un dangereux agenda qui est mis sur place et à travers lequel les gouvernements subtilisent le langage des droits humains pour – en son nom – redéfinir même la torture afin de la rendre tolérable. Cette organisation considère que la torture utilisée par les Etats-Unis contre les prisonniers dans leur Guerre contre le Terrorisme dans les lieux détentions de Abou Ghraib (Irak), Bagram (Afghanistan) et Guantanamo (Cuba) – et qui est interdite par toutes les Conventions Internationales – est exercée sous un nouveau langage administratif qui tend à la rendre admissible avec des expressions telles que manipulation sensorielle, positions stressantes ou manipulations de l’espace ambiant. A Londres la Secrétaire générale de cette organisation, Irène Khan, a même qualifié Guantanamo du Goulag de notre temps. Amnistie considère qu’en 2004 et pour la première fois elle a pu réunir des documents sur la sous-traitance de la torture contractés par les Etats-Unis auprès de pays dont le standard de protection des droits humains est très inférieur à celui des démocraties occidentales. Dans le cadre de cette politique, des centaines de personnes capturées par les Etats-Unis en Afghanistan ou en Irak ont été envoyées vers des prisons au Maroc, en Egypte et dans d’autres pays. Dans certains cas on n’en trouve plus aucune trace… Le fait qu’une puissance commette des abus de telles gravités, ça a généré un climat dangereux ; Il y a de solides indices qui indiquent que la Guerre contre le Terrorisme dirigée par les Etats-Unis et la violation sélective de leur part du Droit International, ont fini par fomenter et augmenter d’une façon vertigineuse les abus de la part de gouvernements et d’autres agents dans toutes les régions du monde. »
D’autre part et toujours dans le cadre de la Guerre contre le Terrorisme, dans un article publié par le quotidien mexicain, La Jornada sous le titre, justement, la GcT, comme franchise on peut lire : « La Guerre contre le Terrorisme, n’a jamais été une guerre au sens étymologique du terme, puisqu’il n’y a aucune cible spécifique ou un lieu déterminé visé. Par conséquent c’est une espèce de marque ou une idée dont pourrait facilement se servir – comme franchise ou comme détergent à multi – usages pour éliminer toute opposition ou résistance – n’importe quel gouvernement. On sait que la GcT, fonctionne avec des groupes internes comme Hamas ou les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC). Mais cet usage n’est que celui, disons, de base. La GcT pourrait être utilisée contre n’importe quel mouvement de libération ou opposition. Comme elle pourrait être aussi appliquée contre des immigrants indésirables, de bruyants activistes des droits humains et même contre des journalistes d’analyses et d’enquêtes dont on a des difficultés à écarter de son chemin.
Le premier à sauter sur la belle aubaine, la franchise de Bush, a été Ariel Sharon, le premier ministre israélien, qui est arrivé en courant vers la Maison Blanche pour souscrire les promesses de Bush à savoir, extirper de par ses racines cette plante sylvestre et détruire toute son infrastructure tout en passant à l’exécution en envoyant les bulldozers arracher les oliviers et les tanks raser les maisons des civiles. Et Sharon n’a pas non plus tardé trop longtemps à inclure dans l’infrastructure de la terreur, les observateurs des droits humains témoins gênants de ses hécatombes, ainsi que les volontaires sociaux et les journalistes.
Par la suite c’était le tour de l’ancien chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar, qui s’était saisi aussi de la franchise (…) »
Beaucoup d’autres gouvernements dans le monde se sont saisis de la même franchise pour régler des comptes à leurs opposants réels ou imaginaires en marge de toute norme légale ou juridique. Parmi ces gouvernements tous les régimes arabes et presque tous les régimes islamiques. Certains comme Moubarak d’Egypte, ou le régime du Maroc, ou celui du Pakistan, tout en rendant les services de sous traitants et experts en torture à Bush, ils profitent des mêmes instruments délivrés par les soins des agents américains à s’acharner sur leurs peuples, en général, et, sur toutes les organisations civiles en particulier. Des fois ils le font d’une manière sélective, selon la conjoncture du moment, séparément ou à titre individuel, mais dans leur ensemble quand il le faut et le tout d’une manière continuelle. Non sans oublier la dynastie des Saoud, la plus complice de tous les Bush dans sa franchise actuelle et dans les autres versions de terreurs qui ont précédé. Dans son numéro du vendredi 27 mai, El Pais a réservé un éditorial « grandiose à la gloire » de M. Moubarak et son dernier référendum et écrit : « 83% des égyptiens qui ont voté – un 54% du recensement électoral, selon le Gouvernement – ont approuvé la proposition du président Moubarak pour amender la constitution et ainsi permettre à plus d’un candidat de se présenter aux élections directes pour la présidence. La nouvelle serait bien réconfortante si sa signification était celle qui paraît être. Mais on constate que le référendum égyptien, sur la stèle de la démocratisation de Bush, se trouve tellement vicié à la source comme dans son développement, que rien n’est appelé à changer dans ce pays arabe le plus peuplé et où la dictature de Moubarak qui dure depuis 24 ans a la main mise sur chacun et l’ensemble de tous les rouages du pouvoir…Jusque là, les égyptiens pouvaient voter par oui ou par non à l’unique candidat postulant et désigné antérieurement par le parlement. Un parlement où les 90% des sièges sont tenus par le parti au pouvoir. De cette manière Moubarak a renouvelé son mandat quatre fois. A présent ça sera différent !? Pas tout à fait (…) Pour présenter un candidat, les partis devaient justifier de cinq ans d’ancienneté. Et en plus, génie de trait d’humour suprême, le parlement égyptien a établi que tout candidat indépendant devra avoir l’aval d’au moins 65 députés dans une Chambre Basse où le plus important parti d’opposition n’a pas plus de 15 sièges. La plaisanterie est si dangereuse au point que dans ce pays arabe asphyxié, commencent à se dessiner de plus qu’inquiétants signes de frustration populaire à l’ombre d’un pouvoir omniscient d’un seul homme. Pourtant de telles mises en garde n’ont pas empêché les Etats-Unis de continuer à cautionner le dirigeant égyptien, avec des soutiens explicités publiquement au cours de cette semaine, par Laura Bush lors de sa visite au Caire. Le même Washington qui se dit en faveur de la liberté politique dans les pays arabes (…) continue à engraisser le régime dictatorial de Moubarak avec presque deux milliards de dollars par an. »
Avec la même complaisance quant aux dictateurs et le même mépris envers les peuples, a répondu le même Bush au cri de détresse lancé d’Ouzbékistan : « Le monde ne peut nous abandonner entre les mains d’un assassin ! » Dans son éditorial du samedi 14 mai, El Pais écrit : « Ouzbékistan, un pays musulman de 26 millions d’habitants presque aussi étendu que l’Espagne, aussi monstrueusement appauvri que détenteur de grandes ressources énergétiques et en plus d’une grande importance stratégique (…) Au Kazakhstan, au Tadjikistan, en Turkménistan ou en Ouzbékistan, se maintiennent au pouvoir à différents degrés des implacables et corrompues tyrannies dirigées par des anciens hiérarques et caciques communistes qui se sont hissés au pouvoir après la dissolution de la URSS. Beaucoup plus grave que les sympathies de Poutine, ce que certains des ces régimes, et, dans ce cas celui de Karimov, ils jouissent tous de la bienveillance absolue de Washington – qui a installé une base aérienne importante en Ouzbékistan – et en échange ils apportent les appuis politiques et logistiques à Bush dans sa croisade antiterroriste. »
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