En marge de la sortie en France du film palestinien « Paradise now » de Hany Abu-Assad et du roman « L’attentat » de Yasmina Khadra, qui traitent des opérations suicides, voici quelques réflexions personnelles sur le sujet.
Ainsi, après des décennies d’occupation, Israël quitte Gaza (définitivement ?). Encore un coup de maître tactique et stratégique de Sharon (que les arabes ont tord de considérer simplement comme un boucher de guerre, ce qu’il est par ailleurs, et de ne pas faire plus attention à ses manœuvres politiques). Il se fait passer aux yeux du monde comme un héraut de la volonté de paix avec la Palestine (en réalisant ce que la gauche israélienne n’a pas osé réaliser) alors qu’en réalité, avec la construction du mur, le refus de déléguer des frontières et un espace aérien à l’autorité palestinienne (ajouter à cela l’état lamentable de la bande de Gaza qui n’est plus qu’un grand camp délabré), il ne fait que confiner les Palestiniens de Gaza dans un espace réduit, clos et invivable ; il ne fait que les couper du monde pour les laisser à leur misère. D’un autre côté, ce désengagement lui permet par un effet “poudre aux yeux” d’une médiatisation virtuosement menée d’avoir les mains libres pour annexer le plus de terre possible de la Cisjordanie à la faveur de la construction du mur de séparation qui en volera prés de 40% aux Palestiniens [1]. Mais encore, il permet à Sharon de poser subrepticement un piége aux Palestiniens, sur lequel nous reviendrons plus tard.
Depuis la fin du désengagement, il y a eu un attentat-suicide. Si le désespoir est compréhensible, pourtant, son instrumentalisation par de petits groupuscules intégristes pour commettre des actions kamikazes contre des civils israéliens est injustifiable.
Notes préliminaires
Avant d’entrer dans le vif du sujet je voudrais anticiper d’ors et déjà de mauvaises interprétations qui ne manqueront pas de surgir au vu des réactions que j’ai déjà eu sur les forums de nawaat.
Mon but est d’essayer à travers l’étude à la fois de l’évolution historique et des conjonctures actuelles, de dégager l’impact des opérations-suicides puis d’esquisser de meilleures alternatives résistantes pour le bien du peuple palestinien en premier lieu en dehors de toute considération raciale, religieuse et politique. Et indépendamment de la position de chacun vis-à-vis « de la création de l’Etat d’Israël et de son existence actuelle… du peuple juif et de la légitimité ou pas de son implantation sur les terres de Palestine et de la manière dont cela a été fait ». Le premier impératif à mon avis, pour le salut des Palestiniens est la paix (j’y reviendrais plus tard), car ils sont ceux qui soufrent le plus d’une guerre déjà perdue il y a longtemps, il faut bien se rendre à l’évidence. Ceci étant dit, ce que je voudrais essayer de démontrer c’est que cette paix ne sera à l’avantage des Palestiniens et ne leur permettra de revendiquer ce qui leur revient de droit et qui leur a été spolié qu’à la faveur d’une prise de conscience de l’impasse de certaines méthodes de résistance actuelles qui ne font qu’aggraver leur situation.
Pour ce faire et dans un souci de neutralité et d’objectivité la terminologie utilisée est la suivante : « opération-suicide » et « résistant ». Je n’emploierai donc pas ni « martyr » et ni à l’opposé « attentat » ou « terroriste » car ils me semblent être coulés dans des moules idéologiques antagonistes qu’il faudrait briser. Je crois que cette terminologie est la plus neutre et impartiale possible.
Je voudrais terminer ces précisions par ces paroles empruntées à Aimé Césaire : « Mon nom : Opprimé. Mon prénom : Révolté. Ma race : la race humaine. Mon age : l’Age de pierre. » Je voudrais dire par là que si je défends la cause palestinienne, ce n’est pas parce que je suis d’origine arabe, c’est parce que je pense que leur cause est juste, comme celle des tibétains, des tchétchènes ou de beaucoup d’autre non-arabe et/ou non musulman. J’espère que je n’aurai pas à subir les habituelles condamnations de collaborations au sionisme et autres aberrations du genre car quel débat pouvons-nous avoir et quelles avancées pouvons-nous faire si à chaque fois que la Palestine est évoquée en des termes démystifiants et aussi objectif que possibles, on finit par être accusé de « sioniste » ?
I) Réquisitoire contre les opérations-suicides
1. D’un point de vue humain (éthique et moral) :
Quoi qu’on puisse penser de la création de l’Etat d’Israël et de son existence actuelle. Quoi qu’on puisse penser du peuple juif et de la légitimité ou pas de son implantation sur les terres de Palestine et de la manière dont cela a été fait : les attaques systématiques contre des civils est la dernière chose à faire pour la résistance palestinienne. Si le terrorisme d’état israélien est injustifiable et barbare [2], les Palestiniens doivent faire le choix de ne pas répondre à la barbarie par la barbarie, à la violence par la violence. C’est le choix le plus difficile à faire mais en même temps le plus juste, le plus vital pour leur combat pour la liberté. Dans le cadre d’une éventuelle résistance armée, ils doivent concentrer leurs efforts à combattre l’occupant armé et ses chefs ; les soldats, les membres de la hiérarchie militaire et à leur tête : le premier ministre israélien, le ministre de la défense.
Souvenons-nous de l’épisode qui s’est déroulé il y a un siècle exactement dans la Russie tsariste, où un anarchiste, au dernier moment, n’a pas jeté sa bombe sur un membre de la famille royale parce qu’il était accompagné d’un enfant. Episode qui avait inspiré à Albert Camus sa pièce « Les justes. »
L’argument selon lequel « 90% des hommes et femmes israéliens sont des réservistes » est souvent repris pour justifier les opérations-suicides. Cet un argument ambigu, pervers et à double-tranchant car si on veut bien donner du crédit à cette idée (ce qui n’est pas mon cas) comment d’un autre côté s’indigner quand des sionistes disent « 100% des kamikazes sont des Palestiniens alors n’est-il pas légitime de combattre ses terroristes en puissance que sont les Palestiniens ? » D’un point de vue rationnel, cette position est indéfendable.
Elias Sambar définit courageusement un terroriste en disant que « c’est une personne armée, qui s’attaque à une autre personne qui est, elle, non-armée, pour des raisons politiques. » Cette définition démontre bien la nature pernicieuse de l’acte au moment où il s’accomplit.
2. D’un point de vue pragmatique :
Depuis la première opération-suicide perpétrée par un kamikaze palestinien contre des civils israéliens, les chiffres démontrent qu’il y a eu trois fois plus de Palestiniens tués en représailles. Aussi, la construction du mur de séparation, qui est une des plus grandes aberrations commises à l’encontre du peuple palestinien (qui en compte déjà une multitude) a eu pour prétexte et continue de se justifier par le prétexte de protéger les israéliens des infiltrations de kamikazes. Ensuite, jamais l’image de la résistance palestinienne et la justesse de leur combat n’ont été autant discréditées que depuis cette vague continue d’opérations suicide auprès des opinions publiques mondiales (excepté arabes). D’autre part, le terrain favorable à l’édification d’un état palestinien (premier pas à court terme pour rendre justice au peuple palestinien) a été de nombreuse fois retardé à cause de ces opérations (d’autres fois aussi à cause d’opérations israéliennes). Ajoutons à cela, la destruction de maisons des familles de kamikazes ainsi qu’innombrables autres effets pervers. Pour finir, depuis le désengagement de Gaza, il est impératif d’arrêter ces opérations non pas parce que ce désengagement est l’ultime étape pour la paix mais parce que c’est (entre autres choses déjà évoquées) un piège tendu par Sharon par lequel il entend démontrer que ce sont les Palestiniens qui ne veulent pas de la paix puisque même après le départ de Gaza, ils continuent leurs opérations-suicides. Il ne faut surtout pas tomber dans son piège : le peuple palestinien doit démontrer qu’il est un peuple mature dont le but n’est pas l’anéantissement de l’état d’Israël mais la paix avec celui-ci.
3. D’un point de vue historique :
Dans nombreux pays colonisés, nous remarquons que des attaques envers les civils colonisateurs ont été perpétrées. Nous remarquons également la systématisation de l’ampleur de la réaction et des représailles des colonisateurs (l’exemple notamment de certains faits survenus en Algérie). Ce schéma s’applique comme on l’a déjà signalé pour la Palestine. Essayons donc d’en tirer les constatations qui s’imposent à savoir que les libérations des peuples (dans des cas plus ou moins similaires à celui de la Palestine aujourd’hui [3]) ont été possibles grâce à la combinaison de la résistance armée contre les militaires et du combat diplomatique et politique.
Ainsi, il ne faut suivre ni le précepte qui dit : « Si on te frappe la joue droite, tend la gauche » ni celui qui ordonne : « Œil pour œil, dent pour dent » car une voie médiane est possible et je pense que pour la Palestine, c’est la meilleure.
Nous constatons donc la totale inanité de ces opérations et leur complète inaptitude à améliorer, d’une manière ou d’une autre, la situation du peuple palestinien. Au contraire, elles ne font que l’aggraver d’opération en opération.
II) Plaidoyer pour une paix juste et équitable en Palestine
1. Esquisses de combats éventuels à mener :
Lors de la première Intifada, un journaliste israélien avait écrit : « Au lieu de jeter des pierres, les Palestiniens devraient jeter des mots. » Rétrospectivement, cette « petite » phrase sournoise pourrait contenir une certaine vérité. Car ce que nous sommes obligés de constater, c’est que bien que légitime et juste, cette « guerre des pierres » contre des soldats hyper armés a coûté la vie de nombreux enfants et jeunes Palestiniens sans pour autant qu’elle ait des répercutions majeures sur le conflit, mais plutôt des résultats fortement relatifs étant donné les vies perdues alors, et les régressions ultérieures (je ne suis pas en train de spéculer sur un éventuel au-delà alors, s’il vous plait, épargnez-moi le discours sur les martyrs, les vierges et le vin qui coule à flot) [4].
Ainsi, deux batailles essentielles devront rapidement et impérativement être gagnées par les Palestiniens ; celle de l’éducation et celle de la communication. Bien évidemment, la situation sur le terrain est difficile, complexe et chaotique, mais la nécessité d’instruire les Palestiniens d’une part et d’instruire les opinions publiques pour les reconquérir d’autre part, est vitale, non seulement pour bâtir un édifice, mais aussi pour qu’il soit stable et durable.
De l’intérieur, il est primordial pour l’autorité palestinienne d’assumer pleinement ses responsabilités et de travailler dur et de façon intègre à la reconquête, cette fois, de la confiance de son peuple, car tant que, pour une raison ou une autre, des groupes intégristes continuent d’enrôler des jeunes prêts à se faire sauter, la pérennité et l’avenir de la Palestine ne sont pas assurés.
Une paix juste n’est possible que s’il y a équilibre des forces en présence pendant les négociations. Si la puissance économique, la puissance militaire, en un mot : toutes les formes de puissance matérielle, sont à peu prés quantifiables (et bien sur à l’avantage des israéliens) ; au contraire, la puissance intellectuelle, la puissance spirituelle, en un mot : toutes les formes de puissances in-concrètes, ne sont pas quantifiables et c’est sur ce plan-là que les Palestiniens peuvent, et doivent, gagner. Je ne vous apprends rien en vous disant qu’à une époque où Israël était beaucoup moins puissante qu’aujourd’hui et que l’équilibre géopolitique et des forces alors était beaucoup plus partagé, par trois fois, les arabes réunis se sont essayer à l’emploie de la force sans rien récolter que trois défaites, moins de territoire et plus de réfugies pour les Palestiniens ; en plus de l’exacerbation de haine et de rancœurs qui rendent de plus en plus difficile le règlement du conflit. Alors arrêtons le massacre, que les Palestiniens et les arabes avec eux s’ils le souhaitent gagnent cette fois-ci avec leur intelligence. Ainsi, il me semble que Mahmoud Darwich est plus utile à la cause palestinienne qu’un kamikaze. Ce n’est pas en tuant les israéliens que les Palestiniens vaincrons, c’est en leur parlant. Il suffit de faire passer le message, de faire avancer l’idée, de la propager pour qu’elle s’impose comme une nécessité…
Faut-il donc abandonner toute forme de résistance armée ? Bien sur que non. Si une forme de résistance est infructueuse, çà ne signifie nullement que La résistance elle-même est infructueuse. Ce qu’il faudrait entreprendre ce n’est nullement l’abandon des combats mais de trouver d’autres moyens de les faire. Il faut arrêter de tomber dans la facilité de s’attaquer aux cibles les plus faciles au mépris des conséquences négatives sur le combat que l’on mène ?
2. Et les peuples arabes ?!…
Quand à nous, peuples arabes, seuls irrémédiablement indéfectibles à la cause palestinienne (pour de mauvaise raisons d’ailleurs que j’analyserai plus loin), notre devoir vis-à-vis du peuple palestinien n’est pas de saluer son courage parce qu’un de ses membres s’est fait exploser dans un bus israélien remplit d’enfants, ni de pleurer sur son sort et de jeter la pierre sur les américains et les sionistes ; notre devoir en tant qu’êtres humains vis-à-vis du peuple palestinien et de l’histoire de l’humanité n’est pas de céder à la facilité de prier pour les « martyrs » devant nos postes de télévisions et nos écrans d’ordinateurs ; notre devoir est au contraire d’encourager les Palestiniens à entreprendre des actions justes, rationnelles et productives, de les aider à les entreprendre et pourquoi pas de les entreprendre avec eux pour qu’ils recouvrent pleinement leurs droits : une paix juste, équitable et durable avec un état indépendant possédant une continuité territoriale et accueillant en son sein tous ses enfants réfugiés en premier lieu. Comme l’a souligné Michael Moore lors de la contestation française de la guerre que les Etats-Unis allaient mener contre l’Irak : « L’ami véritable n’est pas celui qui vous encourage dans l’erreur, c’est celui qui vous dit que vous avez tord. »
D’autre part, la position plus qu’ambiguë de nos dictatures envers le conflit israélo-palestinien et leur gestion catastrophique de ce conflit depuis la création de l’état d’Israël jusqu’à nos jours devraient nous pousser à commencer une refonte radicale de notre contestation et de notre combat aux côtés des Palestiniens. Car nos gouvernements composent de manière plus ou moins habile et rusée avec les différentes forces en présence : distillant çà et là au grés du vent de manière parfois cachée et parfois révélée, sans véritable convictions ni états d’âme, des preuves d’appui à la Palestine (sans jamais rien faire de concret ni de significatif) et des critiques « indignées » de la politique israélienne clamées haut et fort mais aussi d’un autre côté, ils font preuve de soumission à son pouvoir et à ses exigences (notamment pendant la rédaction des traités de paix qui sont plus dictés que discutés et unanimement acceptés). Embourbés qu’ils sont dans leur corruption, leur bâtardise et leur bêtise. Donc, notre combat pour la liberté dans nos pays peut être corréler à celui des Palestiniens : nos dictateurs et leurs alliés ne sont rien d’autre que des occupants issus de nous-même et quand nous nous débarrasserons d’eux, si nous arrivons à construire des démocraties effectives, nous pèserons de notre poids pour aider le peuple palestinien en « dé-passionalisant » et désacralisant le conflit dans un premier temps ; en arrêtant d’applaudir l’instrumentalisation du désespoir des forces vives palestiniennes par des forces occultes dans un second temps ; et en canalisant ce désespoir pour en faire une force créatrice et non destructrice, en fin de parcours. Ce travail de longue haleine, s’il ne trouvera son plein épanouissement que dans des environnements démocratiques, laïques et libres que nous ne possédons pas encore dans nos pays, peut cependant commencer à prendre une forme embryonnaire dés à présent. Pour la Palestine, c’est le projet à court terme qu’il nous faut bâtir. C’est de cette manière que l’état palestinien verra le jour le plus rapidement et le plus parfaitement possible.
Le soutient arabe aux Palestiniens semble découler de mauvaises raisons :
- La raison religieuse qui est non seulement impertinente, mais de plus, dessert complètement la cause palestinienne et donne raison aux israéliens : si un peuple fonde sa notoriété territoriale sur un argument religieux, il faut de ce fait, reconnaître aux autres religions la justesse de leur cause aussi. Dans ce cas, dire que Jérusalem revient aux Palestiniens car c’est leur troisième lieu saint donne aux juifs un argument encore plus fort, elle leur revient, elle et toute la Palestine, puisque la première c’est leur premier, seul et unique lieu saint et que la deuxième est leur « Terre promise ». Désacraliser le conflit et baser nos revendications sur des arguments rationnels, logiques et structurés et non sur des affinités religieuses enlèvera aux israéliens le seul argument sur lequel ils fondent leur implantation en Palestine.
- La raison nationaliste. Il est surprenant de constater à quel point les nationalismes arabes et juifs se ressemblent. Nés à peu prés au même moment, au sein de peuple opprimés (les juifs persécutés en Europe orientale et les arabes colonisés) ayant les mêmes modèles à savoir les Etats-nations de l’Europe occidentale, se constituant autour d’une langue commune (l’hébreux d’une part et l’arabe de l’autre), chacun prônant la supériorité du peuple auquel il appartient, de son histoire et ayant pour but un projet de territoire. Ces deux nationalismes finirent donc par se confronter sur une terre qui n’appartenait ni à l’un ni à l’autre. On connaît tous les conséquences désastreuses des trois guerres arabo-israéliennes sur la Palestine. Les israéliens en profitant à chaque fois pour occuper de plus en plus de terrain à la faveur de trois victoires consécutives qui ont fait germer dans les cœurs des vaincus un sentiment d’aversion pour le vainqueur qui est tout à fait normal mais dont il est temps de se débarrasser.
- Ces deux raisons conduisent à l’élaboration d’une propagande d’une grande ampleur au sein du monde arabo-musulman à l’encontre des juifs, d’Israël, des sionistes etc.. La démagogie a finit par donner un anti-sémitisme latent qui ne fait qu’aggraver la situation. Cette propagande est relayée principalement par l’éducation, les mosquées et les médias. Cet endoctrinement qui a des racines dans l’appartenance raciale et religieuse a finit par fausser complètement la solidarité dû au peuple palestinien qui est devenue largement belliqueuse, haineuse et fasciste. Ainsi, à côté des milliers de jeunes musulmans qui crient vengeance, se complaisant dans une attitude agressive et improductive, d’autres milliers d’occidentaux s’engagent, vont sur le terrain et font plus pour les Palestiniens. Sous couvert d’être pro-palestinien, fondamentalement, la contestation arabe n’est qu’anti-juive.
La rhétorique de cette propagande en est arrivée jusqu’à un refus total et absolu de discutions, de négociations, etc., qui ne témoignent que d’une sclérose identitaire qui a perdu la Palestine et continu de la faire perdre aux siens. Les arabes dans leur ensemble et depuis des décennies, à quelques rares exceptions prés, ont lamentablement échoué à réellement apporter des solutions alternatives et fructueuses aux Palestiniens en répétant le même discours belliciste, raciste et vains d’il y a plus de 50 ans mais ce qui est grave, c’est qu’il se répète encore aujourd’hui inlassablement sans retenir aucune leçon des échecs passés. D’autre part, ce discours, à y regarder de prés, est un discours de vengeance et non de justice, qui ne permets d’entretenir que la haine, l’incompréhension et l’impasse, dont les premiers à souffrir sont les Palestiniens [5].
D’autre part, il faut noter la relation « malsaine » que les arabes entretiennent avec les Palestiniens : généralisant leurs vertus immaculées (parmi les Palestiniens comme parmi tous les peuples, tous les pays, tous les quartiers, toutes les familles, comme dans un chacun d’ailleurs, se mêle le bon ou mauvais ; parmi les Palestiniens donc : il y a les collabos, les lâches, les corrompus, les gens simples qui ne font pas ce que vous dites mais tiennent à la vie et ils ont raison parce que c’est ceux qui croient à une issue, ceux qui vivent en-dehors de la Palestine et qui se foutent éperdument de ce qui se passe là-bas et bien sur d’autres qui se battent, qui se sacrifient, qui militent pacifiquement, qui aident au niveau de leur modestes moyens ou qui vont se faire sauter, etc., etc.), s’indignant des critiques qui peuvent leur être formulées… Ce genre de mythification fait que les choses ne changent pas et font en sorte que la condition des Palestiniens stagne dans l’horreur depuis des années et des années. Ne sont-ils pas des humains, sont-ils des dieux pour qu’ils ne puissent pas se tromper ? Donc, une compréhension strictement affective réelle et juste ne veut pas dire forcément légitimation philosophique impérative de ce qui en découle. Pour être clair, il est primordial d’être solidaire du peuple palestinien sans pour autant cautionner aveuglément tout ce qu’ils font soit individuellement soit collectivement.
Pour finir et pour revenir au problème des opérations-suicides je voudrai ajouter que la société palestinienne, comme la société israélienne, comme la société tunisienne, comme la société française et comme toutes les sociétés du monde sans exception, est une société hétérogène et protéiforme. Ne nous leurrons pas : tous les Palestiniens ne sont pas d’accord sur les opérations-suicides. Qu’ils soient personnages publiques qu’anonymes, le camp opposé à ces opérations existe aussi : de Marouane Bargouthi à Elias Sambar en passant par Mahmoud Darwich ou d’autres Palestiniens inconnus.
Comme l’explique si bien Mahmoud Darwich [6], il est aujourd’hui hypocrite, de mauvaise foi et irréaliste de demander la disparition totale de l’état d’Israël et le retour de la terre de Palestine au peuple palestinien. Dans l’immédiat, l’idéal étant une paix juste entre deux pays distincts pour qu’un jour puisse naître l’espoir d’une réconciliation et de la réunion des peuples juifs et Palestiniens au sein d’un même pays multiconfessionnel et multiethnique. C’est mon vœu le plus cher pour ces deux peuples qui, il n’y a pas si longtemps, n’étaient qu’un seul et pouvaient très bien le rester mais l’histoire n’en a pas voulut ainsi. Aujourd’hui, il faut rompre le cercle vicieux de la violence pour le bien des deux et en premier lieu pour le bien des Palestiniens.
Merci à Barmaki, tunis2005, Nationaliste Arabe, Chamseddine, bilel, echebi et tarzan, dont les conversations sur le forum « Taht essour » de Nawaat m’ont permis de finaliser cet article.
orar
mardi 6 – lundi 19 septembre 2005
http://www.u-blog.net/amarades
[1] Pour revenir aux images des colons expulsés : c’est malheureux de les voir incapables de se rendre compte que ce qui leur arrive, ils l’ont fait subir aux Palestiniens il y a peu de temps et de façon encore plus massive et impitoyable. Il est encore plus dommage que les arabes ne fassent rien pour le leur faire comprendre de façon censée, rationnelle et logique.
[2] Je voudrais signaler ici que la violence israélienne est encore plus blâmable que celle palestinienne car si la deuxième est perpétrée par des individus isolés la seconde est celle d’un état qui se dit démocratique, moderne, etc., et qui attaque des civils désarmés par vengeance et pratique des sanctions collectives strictement interdites par les institutions internationales.
[3] Il est évident que l’on ne peut pas plaquer des situations précises sur d’autres mais les rapprochements peuvent être établit et c’est ce que nous essayons de faire dans cette partie.
[4] Il faut bien voir ici, que je ne nie pas les effets positifs de la première Intifada, je les nuance et essais de leur jeter un regard diachronique puisque 15 années sont passées et qu’il est temps pour les Palestiniens en premier lieu et pour les arabes en second, de commencer un travail de démystification de cette période. Et puisque j’ai rappelé la distance qui nous sépare de ce soulèvement, il est bien évident que bien des évènements se sont déroulés depuis, et le jugement que je porte les mets tous en perspective, je ne juge pas la première Intifada dans son essence.
[5] Un certain discours se prétendant antisioniste est en réalité teinté de thèses et d’idées néo-nazies. Je trouve dommage pour notre culture et notre civilisation qu’elle en arrive au point qu’elle propage ces idées ; et dommageable pour les Palestiniens qu’on ne leur propose que ces arguments contre le sionisme et la colonisation à laquelle ils sont confrontés. Pour finir, sous plusieurs autres angles, le sionisme peut être combattu et est combattu de meilleure façon par nombreuses personnes de toutes races et de toutes religions, à commencer par les juifs orthodoxes dont les arguments sont beaucoup plus convaincants et profitables au combat des Palestiniens…
[6] in « La Palestine comme métaphore », Paris, Sindbad/Actes Sud, 1997.
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