L’une des préoccupations principales du groupe de travail Yezzi, était de trouver des moyens pour contourner la censure et étendre la portée des revendications de cette initiative. Cet impératif a renforcé la conviction du groupe de l’importance d’une communication efficace répondant aux exigences de la situation. Dans cette recherche de moyens inédits pour assurer la présence médiatique de la manifestation Yezzi pendant la période du SMSI et suite à une proposition de Centrist, le groupe de travail a décidé de lancer une campagne d’annonces Adwords sur le fameux moteur de recherche Google.
C’est un système qui permet de gérer en temps réel une campagne d’affichage sur le moteur de recherche Google ainsi que sur ses sites partenaires. Il s’agit d’associer une ou plusieurs annonces ou un groupe d’annonces à une liste de mots-clés qui déclenchent l’affichage de celles-ci. Ce système permet la parution de l’annonce à droite de la page de résultat de Google ou dans les liens commerciaux en tête de la même page de recherche. Cet affichage des annonces se prolonge également auprès des sites partenaires qui diffusent les annonces commerciales de Google ainsi que sur les mails des utilisateurs de Gmail (messagerie de Google). L’annonce s’affiche donc sur les pages de résultats de recherches pour toute requête impliquant l’un des mots-clés de la liste.
Bien que les coûts soient fonction de l’enchère minimum pour chacun des mots-clés, du prix payé pour chaque clic et du nombre d’impression de l’annonce (nombre de fois où l’annonce s’affiche), il est néanmoins possible de fixer un budget quotidien au-delà duquel l’annonce cesse d’être diffusée. Cette option permet une gestion quotidienne des dépenses de la campagne évitant ainsi les dérapages des coûts.
Pour le cas de Yezzi, et suite à l’exposé de Centrist au groupe des avantages de ce procédé, très vite la proposition a été mise en application. El Ansari a ouvert un compte Adwords et s’est proposé de prendre en charge sa gestion. Une fois le compte ouvert, il a fallu faire une liste de mots-clés en relation avec la manifestation Yezzi et rédiger une courte annonce qui présente le lien vers le site Yezzi.org. Bien sûr, le choix des mots-clés et le texte de l’annonce sont d’une importance capitale puisqu’ils déterminent selon leur pertinence, l’affichage ou non de celle-ci. L’expérience de Tiz comme administrateur de Tunezine et les conseils de Rana, ont permis à El Ansari de définir une liste de 98 mots-clés et de rédiger une annonce qui devait, pour des considérations techniques, être concise (un titre de 25 caractères et deux lignes de 35 caractères chacune). Toutes ces questions formalités réglées, nous avons lancé la campagne le 12 novembre 2005 de façon à profiter de l’intérêt certain qui allait se porter sur les préparatifs du SMSI et sur la situation des libertés en Tunisie.
Des les premiers jours de la campagne, les résultats ont dépassé toutes nos attentes ! En effet, 3 jours après le lancement de la campagne, le nombre d’impression de l’annonce a atteint 36 688 qui ont généré 139 clics. Un trafic qui nous a obligé à augmenter notre budget quotidien de campagne pour rester visible le plus longtemps possible. A la veille de l’ouverture du SMSI, les statistiques de la campagne affichaient un total de 84 000 impressions dont 49 000 sur des sites tunisiens ou parlant de la Tunisie. Impressions qui ont généré 210 clics directement issus desdits sites et 168 clics par l’intermédiaire des moteurs de recherches. D’ailleurs, c’est en suivant quotidiennement les statistiques, que El Ansari a relevé une augmentation considérable de l’enchère minimum pour les mots-clés qui sont en relation directe avec la campagne. Des mots comme « ben ali », « SMSI », « liberté d’expression », « Tunisie », ont vu leurs enchères minimums grimper jusqu’à 5€ (cinq euros) par clics sachant qu’une enchère minimum tourne généralement au tour de 0.09 centimes !
Cela est bien sûr dû en partie à l’augmentation logique des requêtes contenants ces mots-clés à la veille d’un événement dont la Tunisie est le centre médiatique. Mais cela n’explique pas tout.
L’enchère minimum, correspondant au prix minimum à payer pour chaque clic généré par un mot-clé donné, dépend donc du nombre d’annonceurs utilisant les mêmes mots-clés et du prix qu’ils sont prêts à payer pour l’utiliser.
En observant de plus près ces annonceurs, l’on s’est aperçu qu’il s’agissait principalement de :
- l’UTICA qui étalait les mérites et les préparatifs pour le sommet des entreprises tunisiennes, notamment celles dont les activités sont en rapport avec les nouvelles technologies ;
- et d’un Blog tunisien (tunisietransparence.net) qui, selon ses créateurs, des « jeunes tunisiens soucieux de l’avenir de leur pays », veut faire « toute la lumière » sur « la campagne calomnieuse » de l’opposition tunisienne pendant les préparatifs du sommet.
Ces deux annonces étant les seules qui s’affichaient pour les mots-clés « ben ali », « liberté d’expression », « SMSI » et leurs dérivés. On pouvait clairement identifier une volonté de concurrencer l’annonce de la campagne de Yezzi surtout quand les campagnes de ces sites ont commencé le lendemain du lancement de la nôtre et s’est arrêté un jour après sa fin. Pour faire face à cette manœuvre, nous avons, pendant les 3 jours du sommet, augmenté sensiblement l’enchère minimum de nos mots-clés ainsi que notre budget quotidien de manière à assurer l’affichage de notre annonce constituant ainsi, une provision suffisante pour répondre au nombre de clics générés par ce trafic. Cette augmentation du budget quotidien a eu une répercussion directe sur les statistiques de la campagne qui affichaient à la clôture du SMSI, 128 945 impressions, déclenchant 555 clics. Les jours qui ont suivi l’événement, la tendance à la hausse dans les indicateurs de la campagne s’est confirmée. A la fin de cette action (le 22/11/05), l’annonce de la campagne de Yezzi a enregistré 170 363 impressions, générant un total de 849 clics. Parmi ces impressions, 136 437 ont eu lieu sur des sites à contenu qui ont généré 477 clics.
Les statistiques de cette campagne ont montré qu’un tel procédé pouvait s’avérer efficace pour diffuser à grande échelle une information. En plus de cet avantage, le fait que les annonces s’affichent pour des mots-clés en relation directe avec la manifestation, garantit de s’adresser à un publique sensible au contenu de l’annonce et augmente ainsi les probabilités de connexion sur le site de la manifestation. La possibilité également offerte de cibler des sites selon leurs contenus, nous a permis de toucher plus spécifiquement les sites tunisiens ou parlant de la Tunisie (non censurés en Tunisie). Ceci n’a pas échappé aux organes de la propagande du régime et les manœuvres constatées pour noyer le message de Yezzi par la propagande de circonstance, confirme l’efficacité de cette action.
Enfin, l’aspect le plus cocasse de cette action, c’est peut-être d’avoir réussi à faire faire la promotion de la manifestation Yezzi par des sites * pourtant accoutumés à assurer la propagande du régime de Ben Ali. Et pourquoi ne pas signaler que par la faute de Yezzi, certains administrateurs, ont dû, « les pauvres », suspendre l’affichage des annonces de Google sur leurs pages d’accueil, renonçant ainsi à une source de revenu, juste pour faire cesser l’affichage automatique des annonces de la campagne Yezzi !
Capture d’écran de Tunisie Blogs.
* Dont Jeune Afrique, Tunis Hebdo, Bab Net, Karim Ben Amor, mac125…, etc.
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