Tout était dit ou presque, nulle doute que l’affaire est grave, nulle doute qu’un symbole aussi important que le prophète est malmené, nulle doute que des millions d’individus sont offensés, nulle doute qu’une religion mal comprise est ridiculisée, nulle doute que la conception de la liberté et de ses limites sont différemment appréciées, nulle doute que la provocation ne peut que susciter plus de méfiance et plus d’incompréhension et plus de barrières…surtout lorsqu’elle s’exprime sans talent et sans connaissance de son environnement et de ses propres limites ! Nulle doute que « la démocratie n’a rien à gagner à ces excès, la liberté tout à y perdre »
Mais devant cet acte et les événements qu’il a suscité, une question pourrait s’imposer, une question qui pourrait extrapoler la situation dans l’avenir et permettre de la percevoir sous un autre angle, sous une autre grille de lecture : Pourrait-on positiver ces évènements ?
Les masses dans la rue qui dit mieux ?
Ces manifestations qui ont secoué le monde musulman demeurent, tout en restant non violentes, des actes nouveaux et insolites notamment dans la partie arabe, bien qu’elles soient des contestations dirigées vers l’extérieur. En effet la chape de plomb et le rideau de fer qui ont quitté les pays de l’ex bloc soviétique ont trouvé refuge dans cette partie du monde, ou l’hégémonie de la pensée unique, de la voie unique, du parti unique, ont balayé toute forme de contestation et marginaliser toute forme d’opposition, les masses sont cantonnées dans la misère pour certains, et le mutisme pour d’autres… Ceci n’est plus une révélation, le monde arabe dans sa majorité connaît le silence des cimetières malgré la présence de temps en temps de quelques étincelles de réveil soudaines et instantanés, qui jaillissent et meurent dans le noir et les cris !
Les masses sont dans la rue, et le pouvoir semble apprécier et jouer le jeux de la défense de la religion, certains diront que le gouverneur est un individu comme les autres qui était offensé dans sa foi, d’autres diront que l’amour de Mohammed et sa défense ne sont le monopole de personne, d’autres diront que les gouvernements n’avaient pas le choix, ils se trouvaient entre le marteau et l’enclume, laisser la rue à sa guise… et c’est la récupération par le mouvement islamique qui ne tardera pas ; ou bien interdire la contestation et refuser les manifestations, et c’est encore pire, le peuple n’acceptera pas et pourrait tomber dans l’excès, ce qui pourrait générer des actions violentes aussi bien contre l’étranger mais surtout contre les régimes en place. Suivre l’effervescence de la rue semble la solution idéale, ou du moins celle du moindre mal.
Mais quelques soient les finalités, quelques soient les interprétations, les masses sont dans la rue et c’est là où l’événement prend toute son ampleur et sa dimension intérieure et « révolutionnaire », l’apprentissage que va acquérir la masse en descendant dans la rue, l’habitude de réclamer pacifiquement et à bouche ouverte et à haute voix ses revendications, ses demandes et ses désirs. Et c’est dans ce sens, et sans exagérer notre optimisme, que ce mouvement de foule peut s’installer dans la conscience et dans les faits. La peur de manifester sa peine ou sa joie vis à vis du régime peut être ébranlée, car un peuple qui s’habitue à la rue ne pourrait plus la quitter.
Positiver la sortie des masses signifie acquérir cette volonté de bouger, cette mentalité d’écarter la peur et de concrétiser ses choix et ses exigences sur le terrain. Et c’est dans ce sens qu’un éventuel processus de changement « à l’ukrainienne » dans lequel la rue aura son mot final, pourrait tisser sa toile, la démocratie serait imposée par la rue dans la rue et à travers la rue !
Toute fois l’absence de cette possibilité d’une révolution « orange » dans le monde arabe ne tient pas au manque d’ingrédients , ni l’Ukraine ni la Géorgie n’avaient une tradition de rue certes, tous les deux venaient de sortir d’un long tunnel de mutisme et de silence, la rue ne constitue en faite que le catalyseur et l’étincelle qui ébranle et détruit le mur de la peur et broie la chape de plomb, elle constitue la première forme de défis et les premiers pas vers la libération. C’est une prise de conscience du rôle de la rue, et du rôle de la masse dans le changement. La rue demeure une école d’action et de revendications qui ne peut pas remplacer la volonté d’un peuple à réagir mais pourrait concrétiser ce désir à la liberté et coopérer à sa réussite.
La liberté oui mais dans les deux rives !
Une fausse confrontation s’était installée entre d’une part une société, une tradition, une culture qui vit de liberté et la sacralise ; et une autre société moyenâgeuse, une culture obscure, et une censure dominante qui règne sur la conscience et les gestes. Sans s’arrêter sur l’éventualité d’une déviation que pourrait générer de telle amalgame, toute fois dans ces propos il y’a une partie de vérité qui forme cet état de censure et de manque de liberté dans nos pays.
Ce n’est pas aujourd’hui que le monde découvre l’état de délabrement avancé des libertés dans le monde arabe… Oui il y’a une différence entre les deux rives vis à vis de la place de la liberté dans le processus de développement, oui il y’a une différences entre les régimes et systèmes entre les deux rives, oui il y’a d’un côté une liberté tout aussi relative mais régnante et défendue par la loi, et dans l’autre une censure et un manque de liberté défendu par l’arbitraire et la corruption… Mais fallait-il attendre ces événements regrettables pour les souligner ?
Nous estimons que le manque de liberté dans cette partie du monde est une pierre angulaire de la mauvaise gouvernance dans ces pays, et que l’arbitraire et son hégémonie sur toute la vie sociétale est une réalité que subit des millions d’individus condamnés au silence, le rôle des occidentaux est d’être « justes » et cohérents avec leurs principes et leur histoire. Exiger la liberté au-delà de leur rives est une demande morale et une revendication éthique qui étaient souvent absentes ou marginalisées devant les exigences des intérêts des uns et des craintes des autres.
Positiver les événements actuels c’est pousser l’Occident à la prise de conscience que la liberté n’a pas une seule et unique adresse, et que des millions d’individus regardent avec un air d’étonnement et de rejet cet air de deux poids deux mesures.
Enfin il y’a sûrement d’autres voix, d’autres angles d’autres grilles pour positiver ces événements regrettables, nous pensons surtout à la question de l’universalité et la particularité qui pourrait engendrer d’autres réflexions et générer peut-être une prise de conscience de l’existence de l’autre, sans toute fois que l’un ni l’autre nie ses racines ni épouser l’arbitraire, mais ceci c’est un autre débat et un autre issu peut-être !
Source : le site du LIQAA
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