L’Agence Tunis Afrique Presse (TAP) est à nouveau à la Une de l’actualité après la diffusion du énième épisode du feuilleton consacré à cette entreprise de presse, par l’hebdomadaire Al Mawqef qui publie, cette semaine, un article décapant intitulé « l’Agence TAP, une entreprise d’un autre âge ».
Faute d’espace, sans doute, l’organe du PDP n’a, cependant, pointé du doigt que la partie visible de l’iceberg. Car, en réalité, cette institution prestigieuse qui regorge de compétences, véritable école de journalisme, qui a donné au pays le meilleur et le pire dans ce domaine (*), a atteint aujourd’hui les abysses en matière de médiocrité et de grotesque.
Les situations à la fois dramatiques et ubuesques que vivent les journalistes dans cette entreprise de presse sont à peine croyables. En voici quelques spécimens :
C’est le parti au pouvoir, le RCD, qui est, en grande partie, à l’origine de ce type de situations. Et pour cause : son représentant au sein de cette entreprise de presse, le président de la cellule, bras droit du PDG, en charge de toutes les basses besognes, est une fripouille notoire, un personnage inculte, analphabète bilingue, qui mène une carrière de parasite et ne relève d’aucun hiérarchie.
Ancien planton, promu standardiste, puis documentaliste, il est devenu, en 1992, journaliste professionnel. Son « grand frère » et ami, Mohamed Ben Salah, qui joue actuellement les deuxièmes prolongations post retraite ; ancien et, probablement, futur président de l’AJT, avait à l’époque pesé de tout son poids, à des fins purement électoralistes, pour lui attribuer la carte de presse.
Il bénéficie, depuis lors, de tous les avantages accordés aux journalistes, en plus d’une prime mensuelle spécifique de 150 dinars qu’il perçoit en qualité de manager et d’accompagnateur de l’équipe de football de l’agence, sans compter les multiples faveurs et menus privilèges qui lui sont accordées par d’autres structures et institutions telles que la FTF où il travaille comme contrôleur de billets dans les stades.
Dans cette entreprise de presse dont les statuts juridiques énoncent que « le concours est la règle exclusive de recrutement », aucun concours n’a été organisé depuis plus d’une dizaine d’années Le dernier en date a été fait à l’envers : le recrutement s’est fait par la queue. Les meilleurs candidats ont été recalés et ceux qui n’ont pas eu la moyenne ont été recrutés !!! (C’est véridique !).
Cela ne signifie pas, pour autant, que le recrutement est bloqué. Au contraire, l’effectif de l’Agence est aujourd’hui pléthorique, surtout dans les services administratifs et financiers. Mais, les recrutements sont désormais rigoureusement filtrés. Ils se font, la plupart du temps, sous forme de casting, notamment pour la gente féminine, sur recommandation expresse de certains barons du régime, ou par téléphone.
L’évolution de carrière et l’attribution des postes fonctionnels au sein de cette entreprise de presse n’obéissent plus à aucun critère objectif ni à aucune règle logique. Des journalistes qui ont trente ans de boîte travaillent aujourd’hui sous les ordres de confrères ou de consoeurs qui ont parfois moins de 5 ans d’ancienneté. On peut désormais postuler, après trois ans d’activité, au poste de chef de service ou devenir sous-directeur même sans avoir le certificat d’études primaires.
La TAP est, tout le monde le sait, une agence officielle. Nos amis journalistes de l’agence, avec qui nous discutons très souvent, en sont tout à fait conscients. Ils connaissent leurs limites et savent pertinemment que leur marge de manœuvre, en matière de liberté d’informer, est très réduite. Mais ce qu’ils savent aussi, en tant que professionnels, c’est que depuis l’effondrement du bloc soviétique et la disparition de l’Agence TASS, aucune agence au monde, officielle, publique ou privée, ne travaille d’une manière aussi archaïque et anachronique. La compétence et le professionnalisme des journalistes de l’agence ne sont évidemment pas en cause. Ni leur patriotisme d’ailleurs. L’origine du mal est ailleurs. Elle se situe principalement dans cette obstination manifeste et impassible de faire d’une entreprise publique de presse, financée par l’argent du contribuable, une vulgaire officine de propagande de bas étage au service d’un parti politique dominant, omnipotent et omniprésent.
Mais, dira-t-on, où sont donc les autorités de tutelle ? Et que font-elles pour remédier à des situations pareilles ?
Sur le plan administratif et financier, il semble que le premier ministère ait accompli convenablement sa mission. Une commission d’enquête, qui a séjourné pendant plusieurs mois au sein de l’agence, a établi un rapport conséquent dont les conclusions, encore confidentielles, pointent du doigt d’importantes lacunes en matière de gestion des ressources humaines et financières.
Sur le plan politique, en revanche, c’est une autre paire de manche. L’actuel ministre de la communication, que d’aucuns présentent comme un bon et honnête gestionnaire, véritable commis de l’Etat, sait pertinemment qu’il n’est pas le maître du jeu.
Echaudé par l’expérience de ses deux prédécesseurs, MM. Afif Hendaoui et Slaheddine Maaoui, qui, tous les deux, se sont fait éjecter en un temps record, par instinct de survie ou par calcul politique, M. Rafaa Dkhil, qui aurait toujours le dossier de l’agence bien en main (**), n’a ni l’envie, ni les moyens d’engager les hostilités avec le véritable patron de l’Agence TAP, l’actuel ministre des affaires étrangères, celui qui contrôle d’une main de fer et depuis de longues années tout le secteur de l’information dans le pays et le seul membre du gouvernement à bénéficier de l’insigne privilège de voir sa photo affichée à la Une des quotidiens nationaux, à côté de celles du président de la république et de son épouse.
Comme tous les autres responsables des entreprises de presse en Tunisie, l’actuel PDG de la TAP est, précisément, un homme lige du ministre des affaires étrangères, et tant que ce dernier est en poste il n’a donc absolument rien à craindre. Ce n’est certainement pas un article d’Al Mawqef ou un pamphlet anonyme dans Tunisnews qui vont le déstabiliser !
De l’Information en général et de l’agence TAP en particulier
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Sadok Amine
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