Nombreux sont les journalistes tunisiens, membres de l’AJT, qui, en bons joueurs, étaient fortement persuadés que certains parmi leurs représentants au sein du bureau directeur de l’AJT, se revendiquant comme indépendants, n’étaient en réalité que des figurants, des faire-valoir démocratiques. Des personnages naïfs et idéalistes, sans influence, instrumentalisés par le RCD pour sauver les apparences et donner un semblant de crédibilité à une association que le parti au pouvoir contrôle sans partage depuis près de 20 ans.
Il aura fallu l’épisode du syndicat indépendant, le SJT, et tout récemment l’affaire de la création d’un syndicat des journalistes sous l’égide de l’UGTT, pour mettre au grand jour le vrai visage de ces hypocrites, ces bonimenteurs doucereux. L’ancien président de cette Association, qui se prépare actuellement à reprendre les choses en main, n’est, en définitive, qu’un enfant de chœur, comparé à ces nouveaux tartuffes. Il a, au moins, le mérite et le courage d’afficher clairement ses convictions politiques. Il semble, d’ailleurs, qu’il soit déjà dans le collimateur de ces « indépendants », parce qu’il constitue, pour eux, le seul concurrent sérieux. Parce qu’il est, quelque part, leur maître à penser et parce qu’il chasse sur leur propre terrain.
L’AJT est, en fait, une association atypique. Dans le paysage associatif national, qui compte aujourd’hui plus de 8000 associations (sic), elle est parmi les rares structures que le RCD s’emploie, depuis « le changement », à préserver, en la plaçant au dessus du lot et en s’en servant comme vitrine pour relancer et promouvoir son discours démocratique. Sans doute parce qu’il n’a pas d’autre choix et ne peut pas faire autrement. Le prestige de cette association, son itinéraire militant, l’élite qu’elle représente et la mission dont elle est investie sont autant de facteurs qui lui interdisent d’en faire, ouvertement, une organisation satellite.
C’est essentiellement pour cette raison, qu’à chaque congrès de l’AJT, le parti au pouvoir insiste, depuis 1990, à concocter une liste de « consensus » en y injectant quelques « indépendants » à doses homéopathiques.
Jusqu’à la fin des années 80, c’était le contraire. C’était les indépendants qui, par souci de transparence et d’équité, cherchaient à inclure, dans leurs listes électorales, des journalistes travaillant dans des organes de presse du parti, choisis en fonction de leurs compétences, de leur professionnalisme, de leur influence et de leur engagement à défendre réellement leur métier.
Les bureaux de l’AJT étaient, jusqu’à cette date, constitués sur la base d’un dosage très subtil d’indépendants et de « militants » – en fait des journalistes salariés d’un parti au pouvoir -, travaillant en bonne intelligence au service de la corporation et de ses intérêts. Beaucoup de ces « représentants du parti » au sein de l’AJT avaient de la personnalité, de l’ascendant et de l’influence. Inutile de citer des noms, au risque de flatter ou d’écorcher certains Egos.
Depuis 1990, c’est une nouvelle école qui est en vogue. Celle de l’opportuniste, de l’arrivisme et du cynisme.
Aujourd’hui, les représentants du RCD au sein de l’AJT sont, à quelques rares exceptions, des personnages atones, insipides et sans envergure. Ils ne sont investis d’aucune mission particulière, d’ailleurs. Sauf d’être vigilants, bien sûr.
Le gros du travail de propagande, de marketing politique et de promotion est, désormais, du ressort des « indépendants ». Des élèves prodiges et surdoués qui ont surclassé leurs maîtres. Des opportunistes patentés qui font de la rhétorique et de la surenchère sur le dos de leurs camarades et qui, en contrepartie, bénéficient de privilèges exorbitants.
Certains d’entre eux auront fait le tour du monde d’ici la fin de leur mandat. D’autres ne sont pas loin de penser qu’ils ont désormais un destin national. D’autres, enfin, ont acquis une certaine contenance et une dose d’immunité leur permettant même de faire de la politique sur une chaîne de l’opposition tout en ayant l’apparence de parler de questions professionnelles.
Ce sont, bizarrement, quelques uns de ces « indépendants » qu’on retrouve aujourd’hui à la tête d’une campagne hostile à la création d’un syndicat de journalistes sous l’égide de l’UGTT. Ce sont ces pseudo-indépendants qui insinuent que notre centrale syndicale agit sous la pression d’un diktat étranger, eux qui ont remué ciel et terre et dépensé plusieurs millions de dinars, aux frais du contribuable, pour récupérer le siège de l’AJT au sein de la FIJ. Ce sont, enfin, ces pseudo-indépendants qui ont largement contribué au sabotage du projet du syndicat indépendant, le SJT.
Le congrès de l’AJT est dans quelques mois. S’il y a encore des journalistes réellement indépendants dans ce pays, ils devraient, honnêtement, refuser de faire partie de la prochaine liste électorale du RCD, et se contenter d’un statut de membres adhérents qui, de toute manière, moyennant une cotisation modique de 30 dinars, donne le droit, à ceux qui le désirent, de bénéficier automatiquement de toutes les faveurs et autres largesses accordées à cette association. Y compris et surtout le grand projet de logement en cours de finalisation, « le plus grand de tous les temps », paraît-il
Mais de grâce, offrez-nous la chance, au moins l’espace d’un mandat, de voir un peu plus clair et de pouvoir juger sur pièces ce qu’est une AJT pur jus !
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