S’il est un secteur d’activité en Tunisie dont l’avenir est irrémédiablement condamné, plombé, et dont la situation est réellement désespérée et sans issue, c’est bien le secteur de l’information, de la presse et du journalisme.
Toutes les structures et institutions de ce secteur sont aujourd’hui gangrénées, nécrosées, moribondes.

Les entreprises publiques de presse (Agence TAP, Radio et Télévision, SNIPE) sont « dirigées » pas des hommes liges, des supplétifs, des exécutants, des commissaires politiques zélotes, sans aucune envergure. Des carriéristes dont la seule et unique préoccupation est de se gagner les faveurs de leurs protecteurs et bienfaiteurs à qui ils doivent leur poste, d’anticiper leurs désirs et de prolonger au maximum la durée de leur carrière.
En aparté, ces soi-disant responsables se gaussent allègrement de la naïveté de ces journalistes tunisiens simplets qui croient encore au père Noel, en réclamant tout simplement que le discours politique les concernant et dont ils sont les premiers relais, soit corroboré par des faits concrets.

A La SNIPE qui brasse, chaque année, plusieurs milliards de dinars de recettes publicitaires et qui fait depuis quelques mois la Une de l’actualité sociale dans le pays, à part une minorité de privilégiés, la majorité des journalistes de la boîte vivent une situation réelle de désarroi, de frustration et d’impuissance, face à l’incurie qui ronge leur entreprise. Les pétitions de protestation adressées aux autorités ne se comptent plus et le ministre de tutelle avait, lui-même, dénoncé, publiquement, les dysfonctionnements que connaît cette prestigieuse institution.
L’actuel premier responsable de la SNIPE ne doit son maintien à la tête de cette entreprise qu’à la bienveillante protection de son auguste bienfaiteur. Il vit dans l’angoisse de commettre, un jour, le même impair fatal qui a coûté la carrière de celle qui l’a précédé à ce même poste et qui était, elle-même, la protégée du même saint patron.

A l’Agence TAP, les PDG qui s’y sont succédé, ces dernières années, étaient si occupés de préserver leur carrière et celle de leurs bienfaiteurs qu’ils ont oublié qu’ils étaient à la tête d’une entreprise publique qui a une mission d’intérêt général et qui doit continuer à fonctionner après leur départ.
Après une brève accalmie qui n’aura duré que quelques mois, à la suite du changement de la direction, l’été 2007, la colère et la grogne des journalistes de cette entreprise, devenue une véritable officine de propagande et de désinformation, ont repris de plus belle.
Avec un effectif qui se réduit comme peau de chagrin, avec les départs à la retraite et les départs forcés ou volontaires, qui se sont accélérés ces derniers temps, les journalistes de l’Agence ne sont plus en mesure de faire face à une masse de travail en augmentation exponentielle, en raison, principalement, de cette course effrénée et endiablée et de cette surenchère logorrhéique que se livrent les différents attachés de presse et autres chargés de mission et chefs de cabinets qui sont, en réalité, les vrais patrons de l’entreprise et qui, eux seuls, dictent la loi en exigeant que leurs papiers indigestes soient diffusés tels quels et que pas un mot ne doit être ni changé ni biffé.
Le ministère de tutelle qui invoque des raisons budgétaires pour justifier le manque de recrutement à la TAP, ne serait-ce que pour remplacer les partants et assurer la relève au sein de l’entreprise, n’hésite pourtant pas à prolonger, pour la 4ème année consécutive, la carrière post-retraite de trois responsables de la rédaction qui n’ont pas écrit un traître mot depuis plus d’une vingtaine d’années. Ces trois responsables dont la masse salariale et les privilèges en nature font perdre à l’Agence TAP l’opportunité de recruter, au moins, une quarantaine de journalistes SIVP, sont, aujourd’hui, une réelle source de tension et de discorde au sein de l’entreprise. Exécrés et vomis par tout le personnel de l’Agence, leur présence est devenue des plus nocives, en raison de leurs comportements nuisibles, pernicieux et revanchards.
A l’agence TAP, aujourd’hui, ce sont les mêmes pratiques qui perdurent depuis des années. C’est le règne du favoritisme, du népotisme, du copinage et du passe-droit. Ce sont toujours les plus méritants et ceux qui triment comme des nègres qui sont les plus pénalisés. Toutes les faveurs et tous les privilèges sont réservés à une minorité d’arrivistes, de rentiers et de notables qui, profitant de la situation de gabegie et d’anarchie qui règne au sein de l’entreprise, jouent astucieusement sur les conflits d’intérêt, montent les agents les uns contre les autres, multiplient les coups bas et n’hésitent pas à recourir aux méthodes les plus ignobles pour préserver et pérenniser leurs intérêts.
A l’Agence TAP, les congés de maladie et les affections psychosomatiques on atteint, ces dernières années, des proportions alarmantes à cause des pressions multiples exercées, quotidiennement, et de toutes parts, sur les journalistes, et de la situation de stress et de tension qui règne dans les salles de rédaction.

Les établissements de la Radio et de la télévision sont, eux, gardés comme des forteresses. Ils fonctionnent comme de véritables garnisons. Les journalistes y entrent au moyen de laissez-passer, de sauf-conduits ou de badges de visiteurs. Plusieurs dizaines d’entre eux y triment comme des brutes, depuis plusieurs années, dans une situation d’extrême précarité, pour un salaire de misère, sans couverture sociale et sans aucune perspective de carrière.

Le Ministre de tutelle, lui, pense avoir déjà tout réglé. Que tout est déjà sur les rails. Le seul dossier qui lui reste sur le bureau est le suivant :

  • Comment noyauter le nouveau syndicat des journalistes tunisiens (SNJT) pour le paralyser et l’empêcher d’accomplir sa mission,
  • Comment éloigner les professionnels de cette structure devenue aujourd’hui pestiférée, alors que son premier noyau, son comité constitutif, a vu le jour sur ordre du pouvoir lui-même, pour faire contrepoids au syndicat indépendant, créé en 2004, et barrer la route devant la création d’un syndicat sous l’égide de l’UGTT,
  • Comment obtenir l’alignement de ce syndicat et son soutien à la candidature du président Ben Ali à l’élection de 2009, comme si le soutien du SNJT est devenu le seul facteur déterminant pour que le chef de l’Etat obtienne son nouveau mandat.

Les entreprises de presse, prétendument privées, ne sont pas mieux loties. Nous y reviendrons dans un prochain article avant de traiter, dans un autre papier, de la responsabilité incontestable, avérée, voire criminelle, de certains barons ou jeunes loups de la profession qui ont entraîné, par leur connivence, leur complicité et leur petitesse, toute une corporation dans une situation de décadence et de décrépitude.

Journalistes libres