Caricature parue dans le Canard enchaîné du 31.12.08En Occident, le Hamas a mauvaise réputation, affirme au “Canard” un haut diplomate français. Et les roquettes que ses commandos tirent sur le sud d’Israël ne contribuent pas à améliorer son image. Tout comme les proclamations hystériques de leurs chefs. » Puis, après avoir admis qu’il énonce là d’autres « vérités premières », il ajoute :

« Face à l’offensive contre Gaza, la communauté internationale, qui n’en a que faire, et les membres de la Ligue arabe ménagent comme d’habitude les dirigeants israéliens. A l’instar du président Sarkozy. »

Au Quai d’Orsay, ce genre de critique n’est pas aujourd’hui politiquement correct. Mais les propos désabusés de notre diplomate sont assortis d’une prévision « plus décapante », comme il le concède :

« La violence des bombardements et le nombre considérable de victimes vont permettre au Hamas de renforcer son influence politique en Cisjordanie, contre l’Autorité palestinienne et son chef Mahmoud Abbas, dans les Etats arabes et au Proche-Orient. Voilà qui est bien joué, pas vrai ? Mais les Israéliens ne sont pas à même de comprendre cela. »

Leur comportement peut s’expliquer ainsi, selon les analystes français de la Direction du renseignement militaire : « Barak, patron du parti travailliste, ministre de la Défense, et ses généraux ont repris à leur compte la théorie américaine dite “Shock and Awe”, selon laquelle on frappe pour faire peur et pas seulement pour éliminer une menace.» De plus, en prévision des élections législatives de février prochain, le gouvernement israélien ne voulait pas que son adversaire de droite extrême, le Likoud, puisse lui reprocher d’être trop mou…


Caricature parue dans le Canard Enchaîné du 31.12.08

Gaza à l’asphyxie

Les chefs du Hamas, eux, rêvent de mériter la comparaison avec ceux du Hezbollah libanais, qui, en 2006, ont infligé une défaite aux Israéliens, comme ces derniers l’ont d’ailleurs admis. Mais si leurs tirs de roquettes « terrorisent » les habitants des petites villes proches de Gaza, « ce ne sont en fait que des piqûres de moustique. Elles n’ont tué que trois ou quatre civils », remarque un membre de l’état-major français. Cela n’empêche pas ministres et diplomates israéliens de parler d’une « armée du Hamas » lors de leurs interventions dans les médias français. Drôle d’armée, qui ne possède même pas de missiles sol-air capables d’abattre un seul avion ou le moindre hélicoptère.

Son arsenal est en effet des plus limités, sauf, peut-être, en missiles antichars. Selon des renseignements barbouzards, certains commandos ont été formés en Iran, et le Hamas avait en magasin quelque 25 000 roquettes d’une portée réduite et d’une précision relative (dont environ 600 ont été lancées sur Israël, ces dernières semaines). Quant à la « trêve » entre Israël et le Hamas, dont tout le monde faisait mine de se satisfaire, elle n’a jamais été vraiment respectée.

Bilan établi par les services américains de renseignement militaire et transmis à leurs homologues français : en onze mois, depuis le 1″ février 2008 jusqu’au 29 décembre (non inclus), 125 Palestiniens (parmi lesquels des femmes et des enfants) ont été tués à la suite de frappes aériennes menées de façon sporadique. Tout au long de cette année, il n’a donc pas suffi à Israël d’asphyxier Gaza, où la population ne survit que grâce à une aide internationale limitée. Ni d’exercer un blocus que la Communauté européenne a parfois condamné, mais avec sa modération habituelle. La comparaison du nombre de victimes de part et d’autre est, si l’on ose dire, à l’avantage d’Israël. Au 30 décembre, déjà, on dénombre près de 400 morts palestiniens, et largement plus d’un millier de blessés (dont certains ne survivront pas), contre quelques Israéliens victimes des roquettes du Hamas.

Arithmétique refusée

Cette notion de « disproportion » —un terme que les médias commencent à employer… — est rejetée par les chefs militaires israéliens. Lesquels considèrent, selon leurs homologues français, qui les connaissent fort bien, que cela ne peut en rien les concerner. Car il s’agit pour eux d’effacer leur échec au Liban, contre le Hezbollah, et – d’« effrayer la population de Gaza ». Avec l’intention de la rendre « plus conciliante », dans les années à venir, envers le Fatah dirigé par Mahmoud Abbas.

Pendant que des pilotes israéliens tentent de mettre en pratique cette étonnante stratégie, et de rendre « conciliants » les habitants de Gaza, les télévisions internationales diffusent chaque jour le film de leurs exploits. Et la cote du Hamas, elle, n’en souffre pas.

Claude Angeli
Paru dans le Canard Enchaîné du 31.12.08
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