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Par Ridha Fraoua ,

J’ai longtemps hésité avant de vous adresser ces quelques lignes, mais devant les dérives de toutes sortes qui risquent de remettre en question les acquis de la révolution des jeunes et de profaner ses martyrs, je ne peux plus me taire et je dois ajouter ma voix à toutes celles et à tous ceux qui sont inquiets quant aux acquis de cette révolution et à l’avenir de notre pays.

Les maladresses du premier ministre et de certains des ministres désignés, les atermoie-ments des partis politiques et de l’UGTT, les démissions successives ne font qu’aggraver mon désarroi. Face à un tel dilettantisme comment se taire !

Oui pour la rupture, non à l’aventurisme

Dans les circonstances politiques actuelles, faire table rase, tant du point de vue institution-nel que personnel, ne peut conduire qu’au chaos et à l’anarchie. Cette phase transitoire exige d’abord un strict respect de la Constitution et de nos institutions, aussi imparfaites soient-elles. A l’heure actuelle, nous avons besoin de réalisme, de visions politiques, de sang-froid et d’un sens aigu des priorités pour traduire les acquis de la révolution dans notre système politique. Devant les ennemis, internes et externes, de la révolte et les multiples dangers qui la guettent, la fuite en avant et l’approche du tout ou rien est suicidaire tant pour cette révolte que pour le pays. Souvenons-nous de la lutte d’indépendance de la Tunisie et de la stratégie progressive de Bourguiba! Vouloir tout de suite de nouvelles “têtes” politiques, une nouvelle constitution et … des emplois, c’est illusoire, pour ne pas dire naïf. Du reste, qui sera appelé à participer à la rédaction de la nouvelle constitution et d’où tirerait-il sa légitimi-té? Même en cas de consensus national quant à la nécessité de se doter, au plus vite, d’une nouvelle constitution, ce consensus volera en éclats dès les premières escarmouches sur des sujets aussi fondamentaux que la place de la religion dans notre société ou le maintien du régime présidentiel ou le recours à un régime parlementaire. Par ailleurs, engager tout de suite des réformes législatives ambitieuses, allant au-delà de ce qui est strictement néces-saire à l’organisation des prochaines élections présidentielles et législatives, est constitution-nellement problématique et aléatoire eu égard à la composition actuelle des deux chambres du parlement et du manque total de crédibilité et de légitimité de leurs membres.

Cela dit, réalisme ne veut pas dire immobilisme, ni conservatisme.

Les jeunes veulent une rupture avec un régime dictatorial, criminel et sclérosé. Le moins que l’on puisse dire est que la composition du gouvernement transitoire et la pléthore de ses membres ne reflètent pas cette volonté de rupture. Et c’est là un signe manifeste d’un manque de sensibilité politique et d’un autisme face aux revendications populaires.

Pour sortir de l’impasse actuelle, il convient dans un premier temps de :

  • maintenir le président ad interim, garant de la continuité constitutionnelle.
  • respecter le choix du président ad interim de désigner M. Mohammed Ghannouchi comme premier ministre du gouvernement transitoire.
  • limiter la composition du gouvernement transitoire à 7 ou 9 technocrates au maximum, in-dépendants de tous les partis politiques et d’autres mouvances politiques, syndicales ou pa-tronales. Le premier ministre et les membres de son gouvernement transitoire ne devraient pas avoir le droit de participer aux prochaines élections présidentielle et législative.

  • Je reste tout de même optimiste et je fais confiance au génie propre au peuple tunisien.