J’ai voulu m’adresser aujourd’hui à cette majorité silencieuse que je ne connais pas personnellement parce qu’elle parle au nom d’une majorité silencieuse et contexte qu’une autre personne parle au nom du peuple et dénigre le message de la kasbah.

J’ai voulu m’adresser à ceux qui m’ont dit : taisez-vous et laissez parler le peuple !

Je peux comprendre la peur du néant d’une certaine frange de la population qui veut que le calme revienne, mais je me pose la question : quel calme voulez-vous ? Celui de la matraque ou celui de la dictature ?

Je peux comprendre qu’une certaine frange veuille accepter l’inacceptable juste parce que ça permet de les rassurer. Je ne veux pas faire d’interprétation abusive, mais il s’agit généralement de ceux qui ont accepté et veulent accepter encore la démocratie du goutte-à-goutte.

La majorité silencieuse a voulu intervenir quand Mohamed Ghannouchi a décidé de partir. Mohamed Ghannouchi qui ressemble, il est vrai, dans leur inconscient au bon père de famille, intègre, travailleur, qui rentre tard le soir pour embrasser son petit enfant, une image qui rassure en d’autres termes.

Mais il fallait comprendre que dans ces temps-ci, nous n’avons pas besoin d’une image, nous n’avons pas besoin d’une personne, nous avons besoin d’institutions.

Il est vrai que nous venons de vivre en deux mois, une chose étrange pour la majorité des tunisiens, les ministres sont tombés de leur sacralité, eh ben oui, un ministre peut dégager, comme toute personne dont le profil n’est pas adéquat au poste doit dégager.

Le message était clair, il fallait une feuille de route politique, qu’elle soit présentée par Ghannouchi ou Caid Essebssi, là n’est pas l’essentiel.
Par rapport à la manifestation d’elKobba, je voulais m’adresser à ceux qui veulent manifester, la revendication ne peut jamais être : telle personne ne nous représente pas ou telle personne n’est pas le peuple.
La revendication ne peut jamais être contre la revendication de l’autre, elle doit porter un message. Je me pose donc la question : Quel est le message porté par ceux qui parle au nom de la majorité silencieuse ?
A priori, d’après ce que j’ai pu entendre, ceux qui parlent au nom de la majorité silencieuse revendique une assemblée constituante, des élections libres et transparentes, n’est-ce pas le message porté par ceux de la kasbah ?

Mais malheureusement, certaines personnes croient naïvement que nous sommes déjà en démocratie ! Sic, je leur rappelle que la loi sur le terrorisme existe encore, que la loi sur les partis et associations existent encore, comme je leur rappelle, comme m’ont informé les anciens, que nous avons vécus en 1987, une année et trois mois de « démocratie ».

Les journaux parlaient, les associations se faisaient et les partis étaient occupés naïvement à la préparation des élections, et l’arnaque fut faite en 1989 pour une deuxième dictature.

Malheureusement certaines personnes croient naïvement que le projet politique démocratique sera accordé sur un plateau d’argent à cette majorité silencieuse, gratuitement, sans effort, sans sang, sans sacrifices.

Je voudrais rendre hommage à tous ceux qui sont à la kasbah, les libres, bourgeois ou des classes populaires, comme je voudrais rendre hommage à ceux qui sont mobilisés chez eux derrière un écran, ou en comité ou en famille ou avec des amis pour porter un message clair : il faut la rupture avec le passé, la rupture avec la dictature, la rupture avec le système ben ali, et ce n’est pas aussi facile qu’on puisse le croire.

Je m’adresse à ceux qui ont peur aujourd’hui, à ceux qui avaient peur un 14 janvier, à ceux qui avaient peur le 15 janvier, à ceux qui ont cru à l’eau empoissonnée, au retour des militaires, aux forces du mal de l’UGTT, aux côtés obscurs de la force, à ceux qui ont peur du chaos, et je leur dis :


إذا الشعب يوما أراد الحياة
فلا بدّ أن يستجيب القدر
ولا بد لليل أن ينجلي
ولا بد للقيد أن ينكســر


Lorsqu’un jour, le peuple aspire à vivre
Le destin se doit de répondre !
Les ténèbres se dissiperont !
Et les chaînes se briseront !

Par Mohamed Madhkour