Le lundi 28 février, un jeune protestataire originaire de la ville de Regueb qui participe au sit-in de la Kasbah a identifié un individu qui se mêlait à la foule comme étant, selon ses dire, “un membre de la police politique”.

Ameutant ses amis regroupés dans la tente au couleur de la ville, il a essayé de l’appréhender avec leur aide. Le jeune manifestant assure avoir reconnu l’individu, un certain “Tarek”, comme étant l’auteur du meurtre de “Raouf Kaddoud”, un jeune de sa ville, lors du soulèvement populaire qui a mené à la fuite de Ben Ali. L’individu, s’est fortement opposé blessant un des manifestants. L’armée a du intervenir pour le soustraire d’entre leurs mains.


Les jeunes de la ville de Regueb parlent de l’individu appréhendé le 28 février 2011 et affirment qu’il est l’auteur du meurtre de “Raouf Kaddoud”. (A partir de 04.15)

Or il se trouve que lors de cette altercation, l’individu a perdu une carte mémoire et son téléphone portable qui ont été récupérés par des jeunes manifestants. N’ayant pas les moyens de les exploiter sur place, la carte mémoire et la puce contenant les données du téléphone ont été confiées à un des contributeurs et ami de Nawaat qui se rend régulièrement à El Kasbah pour apporter son aide aux manifestants.

Au premier coup d’œil, la carte mémoire ne contenait rien d’intéressant. Juste 3 exemplaires d’un contrat de vente ! mais un recours à un logiciel de récupération de données effacées va révéler 4 documents exploitables. Des documents qui ne laissent aucun doute sur les activités de l’individu.

Le premier document contient des rapports d’agents de terrain de la Brigade de Recherche et d’investigation, transmis par les services de la direction du district de Tunis de la gendarmerie nationale. Les rapports, de longueurs variables, rendaient compte du déroulement des élections des conseils scientifiques des différentes sections du complexe universitaire de La Manouba. Assez objectifs, ils rapportent principalement la lutte entre les étudiants “RCDistes”, le reste des tendances politiques et les indépendants. A chaque nom cité l’appartenance politique est systématiquement mentionnée.

S’il est difficile de savoir si ces rapports étaient des copies de ceux envoyés ou alors des rapports reçus, ce qui est en revanche certain c’est que notre homme ne pouvait les avoir sur lui que s’il appartenait à l’appareil sécuritaire de l’état tunisien.

Un court rapport rédigé le 15.12.2010 relate les protestations qui ont suivi l’introduction par la force d’étudiants “RCDistes” dans le bureau de votre des élections des conseils scientifiques de la faculté et la destruction des listes de UGET, le syndicat des étudiants.

Le deuxième document contient les listes complètes des membres des conseils municipaux des villes de Tunis, Le Bardo, El Kram, La Marsa, Carthage et Sidi Hassine, avec noms, prénoms, professions, appartenance politique et pour certains numéros de carte d’identité nationale.

Un autres document, plus sensible, synthétise, dans trois tableaux, les dispositifs de sécurité des banques, bureaux de poste et trésoreries des villes de Manouba et Tborba. Pour chaque catégorie il y est indiqué les adresses des établissements, le dispositif de sécurité et ses faiblesses et noms et adresses des responsables.

Ici, pour toutes les banques de la région, le tableau indique les adresses des établissements, le dispositif de sécurité et ses faiblesses et noms et adresses des responsables.

Mais la véritable surprise va être le quatrième document. Une présentation PowerPoint de 137 tableaux intitulée “Dispositif de sécurité spécial à l’occasion de la visite du Président de la République dans une ferme modèle dans la sous-préfecture du Btan le 12/05/2010” émanant de la direction générale de la gendarmerie nationale du district de Tunis. Un dispositif impressionnant qui s’étale sur une semaine et mobilise cinq services de police et de gendarmerie et des centaines de policiers.

L’intitulé de la présentation : “Dispositif de sécurité spécial à l’occasion de la visite du Président de la République dans une ferme modèle dans la sous-préfecture du Btan le 12/05/2010″

Bien évidement, il est parfaitement usuel que les services de police disposent de ce genre d’informations, mais ce qui est en revanche intriguant c’est qu’un simple agent en bas de l’échelle ne pouvait y avoir accès. Le prénommé “Tarek” ne pouvait être qu’un gradé probablement de la Brigade de Recherche et d’investigation mais cela reste impossible à affirmer avec les éléments dont nous disposons. La puce électronique contenant les informations de son téléphone portable pourrait peut être nous donner la réponse.

Nous reviendrons plus en détail sur ces documents, plus spécialement celui du dispositif de sécurité démesuré du dictateur en fuite qui montre sa peur maladive des tunisiens mais aussi le degrés de sophistication de l’appareil sécuritaire tunisien.

Malek
La rédaction
Nawaat.org