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Par Imed Abid,

Préambule :

Je pense qu’il est nécessaire avant d’aborder la question laïque en Tunisie, de rappeler que face à cette question complexe et sensible, il est sage d’éviter les approches superficielles ou abstraites. Une approche superficielle conduit souvent à une vision binaire (c’est ou bien l’islam ou bien la laïcité) parfois caricaturale. Une approche rationnelle mais purement abstraite sera dénudée de tout contexte historique et culturel et donc inappropriée.

Je pense aussi que ce débat n’est pas un débat futile et qu’il faut l’accepter même si les mouvements laïques en Tunisie restent minoritaires (sur le plan national mais répandus dans les sphères influentes). Refuser le débat (ne pas confondre avec interdire) prétextant que c’est un mouvement minoritaire et qu’il y a des sujets plus prioritaires en ce moment ouvrira la porte grande ouverte aux accusations de dogmatisme et de déni de démocratie. Je rappelle à ce sujet qu’il est devenu assez courant de lier systématiquement le dogmatique et le religieux. Dans cet article, je reprends la définition la plus générale : « le dogmatisme est synonyme d’intransigeance, d’autoritarisme, d’étroitesse d’esprit et de raideur : il est le fait de quiconque dogmatise, c’est-à-dire affirme sans preuve, ne tolère aucune discussion, parle d’un ton tranchant, porte des jugements péremptoires ». Le dogmatique est donc celui qui aborde les questions sous un angle exclusif, figé et absolu. (Il peut avoir un caractère religieux en se prenant pour la parole de Dieu sur Terre comme il peut avoir une logique rationnelle mais en considérant son point de vue comme le point de vue absolu et le centre unique de ce qui est vu et à voir).

Je crois aussi que pour aborder ce débat de manière constructive et utile, il est nécessaire d’éviter les raccourcis en prenant soin de définir les termes avec précision. Laïc, islamique, islam modéré ou islamiste sont tous des termes qu’on a souvent tendance à utiliser sans pour autant s’assurer qu’ils sont définis et compris de la même manière par le locuteur et son interlocuteur, générant incompréhension et dialogue stérile.

Modèle(s) laïque(s) :

La laïcité est un modèle (ce n’est pas une valeur) résultant du processus de sécularisation qu’a connu un certain nombre de pays. Le qualifier d’universel me parait abusé et très subjectif. Ce qui est ou pourrait être qualifié d’universel ce sont les principes historiquement sous-jacents à savoir la liberté de conscience, la libre pratique des cultes et l’égalité citoyenne. Ce modèle n’est pas unique et les processus de sécularisation qui ont abouti à ces modèles ne l’étaient pas non plus. Le processus de sécularisation n’est pas le même en Turquie et en France. Certes, les pays ayant un héritage culturel commun et une histoire commune ont eu des processus similaires et donc des modèles qui se ressemblent. Il est quand même important de noter que même les pays européens qui ont en commun un héritage culturel, historique et religieux, ont vu naitre des processus différents du fait des différences et spécificités de chaque culture, de chaque histoire et de chaque peuple. Ainsi on trouve des pays européens qui sont sous le régime du concordat avec le Vatican, des pays qui accordent une place à l’éducation religieuse dans les établissements publics (Italie, Grèce). D’autres reconnaissent une religion d’état (Angleterre et Danemark), d’autres imposent un impôt pour l’église et dans d’autres, il est inimaginable de penser à un impôt pour l’église ou à intégrer l’enseignement religieux à l’école publique, la séparation juridique entre l’église et l’état étant complète(France).

Je considère dans la suite deux modèles : le modèle français et le modèle turque.

Modèle français :

Le processus de sécularisation en France s’est opéré sur trois niveaux. Sur le plan institutionnel, la sécularisation s’est traduite par la séparation de l’église et de l’état. Philosophiquement, ça s’est traduit par la distinction entre le dogme et le rationnel. Théologiquement, la sécularisation s’est traduite par la séparation du religieux et du social. Il est important ici de noter que dès le moyen âge, l’église était devenue un pouvoir économique et politique de premier ordre en se substituant aux pouvoirs locaux pour broyer toute résistance à ce qu’il faut bien appeler une «pensée unique». Elle a entraîné dans ses abus le pouvoir politique jadis basé sur la féodalité dont l’inquisition et l’esclavage n’étaient que les aspects apparents de ses injustices. Les abus de l’église catholique à l’époque ont mis à mal la religion et ont poussé les gens à la stigmatiser. Le combat pour la liberté et l’égalité passait donc forcément par une forme de séparation (sur le plan institutionnel) de l’église et de l’état. D’ailleurs l’origine du mot laïc est le Laos, terme repris au grec d’église qui signifie « commun, du peuple ». Philosophiquement, les réflexions sur la distinction entre le religieux et le social ou entre le dogme et le rationnel remontent assez loin dans l’histoire. D’Héraclite en passant par Averroès (Ibn Rushd), De Voltaire et M. Lauter jusqu’à la révolution française et la loi de 1905, le modèle laïque sous sa forme actuelle n’est pas né du jour au lendemain.

Modèle turque (Vision Kémaliste) :

En Turquie, la sécularisation s’est faite d’une manière plus brutale et a été imposée. Le garant du modèle laïque turque est l’armée. Mustafa Kemal, fondateur de la république laïque était partisan d’un nationalisme restrictif (modèle de la Petite Turquie) et anticlérical. Son modèle de référence était ancré dans la France des Lumières. Ses méthodes par contre étaient fondées sur le volontarisme et un certain populisme (malgré le peuple, pour le peuple) dans le but d’aboutir à une société unie, unique et turque avant tout. Il s’agit donc d’un modèle imposé car jugé nécessaire. La situation rétrograde de l’empire ottoman était une des raisons qui ont facilité un tel changement. L’échec des tentatives de modernisations entamées en 1808 pour sauver « l’homme malade de l’Europe » et la défaite en 1913 lors la seconde guerre balkanique amène les Jeunes-Turcs (Parti Union et Progrès) au pouvoir. La aussi, la religion fait les frais de cette rupture et a été stigmatisée. La langue aussi après le remplacement par exemple de l’alphabet ottoman d’origine arabe par l’alphabet latin en 1928.

Le modèle laïque turque, contrairement à l’idée répandue, ne fait pas une séparation totale entre la religion et l’état. Il s’agit plutôt d’une mise sous tutelle de la religion par l’état, chacun reste cependant libre de ses croyances. C’est ainsi que la religion est mentionnée sur les papiers d’identité et qu’il existe une administration dite « Présidence des affaires religieuses » (Diyanet). Cet organisme étatique finance uniquement le culte musulman sunnite, les cultes non-sunnites doivent assurer un fonctionnement financièrement autonome, quand ils ne rencontrent pas d’obstacle administratif à ce même fonctionnement. Notons aussi que la vision kémaliste de la laïcité interdit le port du voile dans les institutions, les établissements scolaires et d’enseignement supérieur.

Le modèle laïque kémaliste a été imposé à coups de décrets, d’emprisonnement et d’exécutions. La révolution kémaliste en coupant la Turquie de ses racines orientales et musulmanes a crée un profond traumatisme au sein de la population, qui s’est vu imposée brutalement par la force un système de valeurs en ruptures avec ses traditions et sa culture à l’époque (la laïcité n’est qu’un exemple parmi d’autres). La popularité de l’AKP aujourd’hui est certes due en partie à ces réussites économiques mais on peut y voir aussi le signe que la Turquie redécouvre son identité profonde. Aux structures autoritaires de l’Etat turc, il faut opposer la démocratie, à l’Etat-nation centraliste et uniformisateur, la pluralité des identités. L’AKP est parvenu à réaliser la synthèse entre Démocratie, Foi, et Economie de Marché. Suivant une logique où l’esprit d’entreprise se substitut à la confrontation, le parti de Tayip Erdogan réinterprète de manière positive la tradition islamique.

Le modèle AKP :

Au lieu de suggérer le modèle laïque turque (ou plutôt la vision kémaliste du modèle laïque turque), Il est plus judicieux de suggérer le modèle AKP : un parti dont l’identité se définit autour de trois axes: moraliste et national (et non pas nationaliste) au niveau culturel, démocrate pluraliste au niveau politique, et libéral dans le domaine de l’économie. Historiquement, l’AKP est l’héritier de l’aile des « réformateurs » qui composait avec l’aile des « traditionalistes » le parti FP (parti de la vertu, un parti d’inspiration islamique prononcée et assumée dont quelques idées telles la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée ou encore la ségrégation sexuelle dans les transports publics ont précipité sa chute. L’armée avait lancé un ultimatum en 1997 pour mettre en garde le FP contre tout populisme islamique ce qui a conduit ces derniers à démissionner du gouvernement et le parti fut dissous un an après).

L’AKP semble tendre vers une synthèse entre conservatisme religieux et libéralisme. Il me semble important de noter que la mouvance islamique pure et dure a été lourdement sanctionné (2.5% de votes pour le SP, parti issu de l’aile traditionaliste du FP) pendant les élections de 2002, comme quoi un parti d’inspiration islamique, d’action libérale, d’attitude démocrate, et moderne peut être un rempart très efficace contre les mouvances radicales. Je tiens aussi à préciser dans un souci de clarté, que j’utilise le mot « islamique » dans sa définition première à savoir relatif à l’islam et non dans le sens politique récent et manquant de clarté. Ainsi, on entend de nos jour parler d’islamique, d’islamiste, d’islam modéré … sans que l’on sache si par islamiste on désigne les adeptes de l’islam ou ceux qui cherchent à promouvoir un islam politique ou tout simplement les musulmans « pas gentils », sans que l’on sache si par islamique on désigne ce qui est relatif à l’islam ou qu’il y a une connotation péjorative derrière, sans que l’on sache ce que veut dire islam modéré et selon quel référentiel cette modération est mesurée. L’imprécision lors de l’usage de ces termes suscite souvent de l’incompréhension entre interlocuteurs et est à l’origine de beaucoup de raccourcis.

L’AKP tout en respectant le cadre légal dans lequel il est né (et qu’il n’a pas choisi), ne cherche pas à cacher l’idéologie islamique qui est la sienne mais refuse « catégoriquement d’imposer une idéologie à la nation et d’exploiter les valeurs religieuses sacrées et les ethnicités en tant qu’instruments politiques » (discours d’inauguration prononcé par Erdogan).

Toutefois, l’action gouvernementale fait ressortir la dimension islamique de l’AKP clairement. Je suis même sur que si un parti du même registre voit le jour en Tunisie, et propose les mêmes actions en prenant soin de gommer dans son discours audible toute référence à l’islam, il se verrait brandir le drapeau de la laïcité en demandant son interdiction. L’AKP a par exemple tenté de libéraliser le port du voile dans les administrations et les universités. On peut aussi citer le projet avorté de criminalisation de l’adultère, l’influence grandissante des banques islamistes ou encore la réappropriation décomplexée du passé ottoman. J’aimerais à ce sujet rappeler que même s’il l’on peut gommer toute référence religieuse du discours audible, on ne pourra jamais gommer les références implicites ou indirectes du discours non audibles sans porter atteintes à des droits fondamentaux tel que la liberté vestimentaire. Par exemple, une femme voilée candidate à une élection présidentielle, n’a pas besoin de faire référence à l’islam dans son discours. L’électeur saura d’office qu’elle n’agira pas contre sa conscience et ses convictions. La question de la sécularisation dans les pays majoritairement musulmans n’est ni simple dans sa possible application, ni dans les approches qu’on peut lui appliquer.

Le contexte actuel :

Concentrons-nous maintenant sur le contexte historique et culturel islamique dans les pays où la question d’un modèle laïque peut être posée, particulièrement en Tunisie et regardons si les bases culturelles, sociologiques, préalables à un modèle laïque existent.

Je pars tout d’abord d’un constat : les tendances laïques en Tunisie (ceci est vrai aussi dans le cas de l’Égypte et dans d’autres pays arabo-musulmans) se sont conjuguées ou bien à des dictatures, ou bien à la colonisation et donc au déni de la démocratie et à la répression. Et, ironie de l’histoire, c’est le processus de sécularisation qui se retrouve aujourd’hui stigmatisé. Rien ne permet d’associer dans l’histoire récente des pays arabo-musulmans, la sécularisation et la laïcité à plus de liberté, au respect de la pluralité religieuse et à la démocratie.

Il s’ensuit que « laïcité » est perçue majoritairement dans les pays musulmans comme un produit purement occidental et que l’idée selon laquelle la laïcité est une condition nécessaire pour aboutir à une démocratie n’est pas une idée partagée par tous.

Cette réticence et ce refus sont ravivés par le discours porté par certaines tendances laïques en Tunisie. Ce discours est parfois peu claire (ne fournit pas un projet de société bien défini) voir parfois hypocrite ou laïcard.

Dans un pays à majorité musulmane et où la pratique religieuse est massive, la religion est intégrée de facto à la sphère publique. Parler de sphère publique et de sphère privé et de séparation totale entre les deux sphères n’a aucun sens pour les masses musulmanes. Vouloir cantonner toute expression religieuse dans la sphère privée dans un pays majoritairement musulman est injuste, dangereux et inefficace. Cette volonté d’éradiquer la religion de l’espace public se heurte d’abord à la proximité des sphères privées et publiques dans l’Islam. Le discours prônant un modèle laïque n’est pas en mesure ou ne souhaite pas pour le moment se définir de manière plus claire et sur le plan pratique ce qui engendre méfiance et réticences.

Cette méfiance s’accentue lorsque certains islamophobes (oui, ils existent et oui, ils ont totalement le droit d’avoir la pensée qui leur convient) qui n’osent pas dire que la religion est l’opium des peuples, que l’islam en particulier est une religion sanguinaire, qui incite à la haine, qui est un réel danger pour la femme et ses acquis, que Dieu est mort et s’il n’est pas mort, il faut le tuer, s’immiscent dans le débat en se cachant derrière la laïcité pour des fins totalement étrangère à cette dernière. C’est pour cette raison qu’ils procèdent de nos jours à une nouvelle méthode, extrêmement hypocrite, qui consiste à insister sur le fait qu’ils sont de « bons musulmans », et en même temps, ils insistent sur le fait que l’Islam n’est rien d’autre qu’un simple culte, dans le but de l’exclure de tous les domaines de la vie des être humains, ou qu’ils sont progressistes ou féministes et qu’ils ont simplement peur pour la femme, pour la démocratie, pour les libertés. On assiste aussi à une exploitation de la peur d’une tournure éventuellement fâcheuse que pourrait prendre la Tunisie, sans donner de garanties quand à une tournure fâcheuse que pourrait prendre un état laïque. On assiste à un discours où les interrogations et les attaques pro-laïque tournent essentiellement autour de l’islam en tant que religion déviant ainsi le débat et dévoilant une partie de la face à peine cachée de certains.

Je ne dis pas que les laïcs convaincus ou que les féministes animé(e)s d’une réelle volonté de défendre leurs convictions n’existent pas, mais ils ne représentent pas à eux seuls les voix qui réclament aujourd’hui un système laïc et radical, loin de là, j’ai même l’impression qu’ils ne sont pas majoritaire chez les laïcs tunisiens. D’ailleurs, et là j’avoue que c’est un peu paradoxal, ils n’hésitent pas à utiliser les mêmes slogans superficiels du genre : « La laïcité, c’est la solution » rappelant ainsi la célèbre devise aussi bien superficielle des frères musulmans en Egypte « L’Islam est la solution » ou d’annoncer que leur unique et seul objectif c’est d’assurer aux musulmans une pratique libre de leur culte. Drôle d’idée dans un pays ou la religion d’état est l’Islam, qui garantit dans sa constitution le libre exercice des cultes et qui a été un modèle de tolérance interreligieuse depuis très longtemps.

Laïcité imposée :

Un modèle laïque imposé ou importé sera donc un modèle qui sera rejeté. Les masses ne suivront pas et pire encore on risque d’assister à un repli identitaire et religieux violent aux lourdes conséquences qui cherchera à chasser ce modèle perçu comme une forme de colonisation ou un corps étranger.

Approches alternatives :

Plutôt qu’un modèle imposé et/ou importé, une approche plus sage et plus intelligente serait une approche qui part de l’intérieur, qui est enracinée dans l’héritage culturel et religieux.

L’approche que je partage est celle qui se fixe comme objectifs la construction d’un état de droit, de libertés (de conscience, de pratique religieuse, vestimentaire, de parole…) basé sur la citoyenneté égalitaire et le suffrage universel. Le modèle choisi devra garantir ces objectifs en tenant compte de notre identité, de notre histoire, de notre culture et de nos différences. L’approche utilisée devra avoir ses racines dans notre culture et dans nos valeurs. L’attitude à avoir est celle qui s’éloigne de tout dogmatisme. Faut-il encore rappeler que l’esprit dogmatique n’est pas forcément un esprit religieux et qu’il peut tout à fait s’agir d’intelligences très rationnelles ?

Héritage culturel et religieux :

Selon Tariq ramadan, « Les enseignements de l’islam ne s’opposent pas – mais au contraire tendraient à promouvoir s’ils sont bien compris et contextualités – la référence à l’Etat de droit, la citoyenneté égalitaire, le suffrage universel, la responsabilisation des élus et la séparation des pouvoirs. Ces cinq principes fondamentaux sont ceux qui forment le socle de l’impératif démocratique. »

Il rappelle aussi « que dès l’origine on a établi dans les sciences du droit et de la jurisprudence (fiqh) une distinction entre les méthodologies appliquées aux domaines du credo et de la pratique (pour lesquels les textes sont l’unique référence) et celles appliquées aux affaires sociales pour lesquelles les textes ne fixent que les orientations générales (le cadre éthique) mais au sein desquelles la rationalité individuelle et collective, la créativité intellectuelle et les contextes sociaux, politiques, culturels et économiques sont intégrés et partie prenante de l’élaboration juridique. Dans l’ordre du droit musulman, il existe dès l’origine une distinction entre l’ordre de la dogmatique qui s’impose et l’espace de la rationalité collective, qui débat, négocie et cherche le meilleur modèle d’organisation sociale et politique pour son temps. »

L’étude de l’héritage d’Ibn Rushd (Averroès) sur la question peut être un point de départ très intéressant. Ibn Rushd est à la fois musulman et aristotélicien, juriste traitant d’obligations fondées sur un texte révélé et philosophe alliant aux doctrines d’Aristote. Pour lui, il n’y a pas de contradiction entre la philosophie et la loi divine: celle-ci, au contraire, appelle à étudier rationnellement les choses. Dans la même logique, il se propose d’unir le rationnel (ma‘qul) et le traditionnel (manqul) et juge que c’est possible. Si les préceptes pratiques s’imposent à tous les musulmans indistinctement, les comportements doivent nécessairement différer en matière théorique. Ibn Rushd insiste aussi sur le fait que la seule attitude qui ne soit pas justifiée est celle des mutakallimun (théologiens) qui, communiquant aux gens du commun des interprétations mal fondées, jettent le trouble dans les esprits; faute de connaître les véritables méthodes rationnelles, ils s’en tiennent à des argumentations simplement probables, sur quoi rien de certain ne peut se fonder.

L’ironie de l’histoire fait qu’ Ibn Rushd est symétriquement le principal philosophe musulman de l’Occident et aussi l’un des savants qui ont été persécutés par des musulmans à la fin de sa vie et c’est à des juifs et à des chrétiens attachés à conserver et traduire ses œuvres qu’il doit son influence posthume.

Conclusion:

Je conclus simplement sur la nécessité d’une pensée musulmane contemporaine qui fait continuellement preuve de créativité car le modèle d’hier n’est pas le modèle d’aujourd’hui et ce dernier ne sera probablement pas le modèle de demain.