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Par Nadira Kaci-Belaïd,

Ma première naissance civile date de 1969.

Née de parents algériens, et vivant en France, j’ai toujours été finalement peu bavarde sur mes origines, voir même discrète et « fondue » lors de mes études et mon parcours professionnel à travers les français « d’origine »…

Connaissant les rouages de la politique française ou européenne, j’étais finalement très peu initiée à la culture politique du monde arabe. De facto cela s’était imposé comme tel.

J’avais suivi de loin les évènements d’Algérie en 1988 mais à part cela… J’étais persuadée qu’il régnait dans le monde arabe un immobilisme latent et que finalement l’idée démocratique n’était pour nous qu’un concept idéologique.

La succession des évènements en Tunisie jusqu’à l’abolition du régime de Ben Ali a été pour moi à titre personnel d’une grande violence intellectuelle.

Avais-je fermé les yeux ?

Ce qui était enfoui en moi renaissait, mon identité arabe, ma prise de conscience.

Cette émotion fût à son comble quand j’entrepris des lectures et regardais attentivement via les réseaux sociaux ou les journaux ce qui se tramait autour de nous. Le monde arabe était là, présent, il bougeait et je vibrais avec.

Bien-sûr, la révolution tunisienne doit être vécue collectivement et elle appartient uniquement à son peuple car c’est lui qui l’a initié et accouché.

Mais qui ne se l’est pas « appropriée » à titre personnel ?

Certains pour dire leur fierté d’être tunisien, d’autres plus largement pour dire leur fierté d’être arabe et d’autres plus largement encore pour dire leur fierté pour la liberté d’expression dans le monde, le refus des dictatures et l’avènement de la démocratie.

Nous avions été passifs devant ces images mais nous pouvions réagir.

Cette révolution est loin d’être neutre : elle a été celle de chacun à sa manière et pour ma part, je le revendique :

– Oui j’ai pleuré en regardant ces images
– Oui j’ai expliqué à mes enfants le prix de la liberté de parole et sa valeur
– Oui je me suis exprimée très largement auprès de mon entourage sur la politique du monde arabe et mes convictions.

Ouf ! La discrétion n’était plus de mise : j’avais fait la révolution de mon identité arabe.

Aujourd’hui, le peuple tunisien détient un joyau entre les mains et nous sommes tous fébrilement dans l’attente… Cette fois, c’est moi qui ai envie de me mettre des œillères quand je lis ce qui se passe : les partis qui se déchirent, le débat des élites et les conditions de vie du peuple, l’éventuelle intervention de pouvoirs politiques étrangers… Pire ! Je tremble en lisant l’implication faible dans le vote : 400 000 personnes seulement se sont inscrites sur les listes électorales !

Mais je veux garder l’espoir.

Ce vote démocratique tunisien est une chance à saisir, un espoir pour nos peuples, pour le peuple tunisien mais aussi pour nous personnellement….

Saisissez cette chance de vous souder à nouveau autour de ce vote démocratique car si je me suis permis de « m’approprier » cette révolution, ce n’est évidemment que le temps de cet

article. Plus aurait été de l’impudeur…Cette révolution a eu ses martyrs.