A moins de deux mois maintenant de la grande échéance électorale, je me suis permis cette petite lecture des alliances, des stratégies et des visions politiques des principaux partis qui forment l’échiquier tunisien aujourd’hui, disons pour le moment. Cette lecture est bien évidemment tout à fait subjective étant donné mon identification aux valeurs d’Ettakatol, mais je laisserais à mes amis, et aux autres, le soin de juger si ma sympathie et mon adhésion au FDTL altère ma clairvoyance.

Commençons par le plus simple avec le « الائتلاف الوطني », une coalition très intelligente qui permet à la majeure partie des partis appartenant à l’opposition de « décor » de refaire peau neuve tout en s’épargnant l’effort de changer de nom, ni des personnes. UDU, PSL et que sais-je encore se sont alliés à quelques ex figures RCD, plutôt situés à gauche –ou du moins ils l’étaient quand ils étaient jeunes avant d’être recrutés par le RCD-, et à de nouveaux partis pour être blanchis tout d’abord mais surtout afin de faire l’impossible et gagner en notoriété, mais l’impossible n’est pas arrivé et la révolution a permis non seulement de leur donner leur véritable taille mais elle les a encore plus ridiculisés.

Passons à l’autre tentative qui m’a permis de connaître réellement les pensées véritables d’Ettajdid, le Pôle démocratique moderniste (PDM), ou tout simplement le « rempart anti Ennahdha ». Pensé pour attirer la majorité silencieuse, la société civile libérale au sens sociétal tout en essayant de faire de l’œil à quelques réactionnaires, ce pôle n’est en réalité qu’une Coalition pour Ettajdid et qui n’a pas séduit, rien qu’à voir ceux qui ont rejoint les troupes, quelques associations, quatre nouveaux partis dont un est déjà issu d’une fusion entre deux partis, l’alliance républicaine, et deux partis respectables venant de la gauche militante d’avant le 14 Janvier, le PSG (scision du POCT) et « الوطد », Le Mouvement des Patriotes Démocrates, mais je donnerai à parier que ces deux partis ne tarderont pas à prendre de la distance pour les raisons que j’essayerai d’exposer. La coalition d’Ettajdid a rendu les choses encore plus difficiles pour l’électeur moyen, qui peine à retenir le nom d’un parti et d’un ou une personnalité politique que voilà un Parti, comme un téléphone à double puce, communique une fois au nom d’Ettajdid et une fois au nom du Pôle. Les limites du pôle réside également aux limites de l’ex Parti Communiste Tunisien, qui d’un côté ne veut pas assumer tout son historique et d’un autre côté dans ses dogmes, dans son organisation interne et dans le « filtrage » des futurs dirigeants du Parti est resté confiné à son idéologie historique, et je ne parlerais pas de l’attitude post 14 janvier qui a complètement désorienté les adhérents ou les sympathisants (dont j’ai cru en faire partie), mais disons que c’est de l’histoire nouvellement ancienne. Enfin, il est clair que le PSG et « الوطد », ont rejoint au départ le pôle beaucoup plus par démission du front 14 janvier, où ils ont compris qu’il restera confiné dans un rôle contestataire, alors que Chokri Belaid, se construit de jour en jour un discours apaisé sortant de la dissidence de la période terrible d’avant le 14 janvier pour rejoindre les forces politiques voulant être de gouvernement et de proposition.

Ce qui permet la transition au POCT et à Hamma El Hammami, un homme que je respecte énormément et qui fait partie des rares hommes politiques qui a été cohérent dans le passé et qui le reste toujours et qui, par ailleurs et avec toute l’honnêteté du monde, symbolise réellement l’esprit révolutionnaire au sens politique et représente valablement la démocratie révolutionnaire. Mais il est regrettable de constater que ça fait déjà plus de cinq mois que Hamma El Hammami prie ses anciens camarades de revenir et rejoindre le front du 14 janvier qui s’est évaporé comme glace au soleil à partir du moment où justement ses « camarades » ont compris que Hamma restera Hamma, notre futur porte parole du « LCR » (Ligue Communiste Révolutionnaire) ou de Lutte Ouvrière ou encore le NPA, notre Parti Communiste Ouvrier, toujours cohérent mais surtout toujours dans la contestation. Mais ce positionnement n’est pas sans mal, bien au contraire, je pense qu’il a un très grand rôle à jouer, à savoir un Parti Politique de contre pouvoir, qui appellera à la révolution, le jour où un des partis qui nous gouvernera d’ici là n’aurait pas retenu la leçon de la fin des dictatures.

Je ne parlerai pas du PDP mais je parlerai de Néjib Chebbi, qui au lendemain du 14 Janvier a laissé transparaître son véritable leitmotiv pendant les années de l’enfer. S’il n’a eu que des revirements de positions depuis le 14, Néjib Chebbi a été clair sur deux points : IL VEUT ETRE PRESIDENT, un point c’est tout. Et le deuxième : JE SUIS LE REMPART CONTRE ENNAHDHA (comme l’autre parti, mais l’un à cause de dogme –Ettajdid- et lui pour le clientélisme) et pourtant Dieu seul sait qui a rempli les rangs du PDP dans les années de la terreur et qui a permis de remplir la caisse. Néjib Chebbi, ANC pour les plus proches, n’a pas besoin d’un parti il a besoin d’une machine à gagner des élections, ce n’est pas un homme à bureau politique (qu’il vient d’élargir) c’est un homme plutôt autoritaire, mais ce n’est pas forcément le défaut qui le fera perdre, le véritable défaut c’est celui de croire qu’il pourra gagner des élections en se basant uniquement sur sa personne et la notoriété qu’il vient de gagner. Néjib Chebbi a fait également le choix de parier sur une équipe qui « a gagné », à savoir le RCD, en recrutant en masse sans pour autant faire attention à sa base, mais encore là n’est pas le plus dangereux. Ce qui l’est, à mon sens bien sûr, c’est qu’au vu des positions de Chebbi et nécessairement son Parti, les discours, les actes et non actes politiques, je ne serai pas étonné d’un rapprochement avec L’initiative (المبادرة) de kamel morjan et AL WATAN (الوطن) de jegham, comme ça la famille est au complet (avec en prime deux autres petits partis ex RCD). La stratégie n’est pas bête (d’ailleurs pour l’anecdote si le Parti Afek Tounes le plus immature politiquement a compris – du moins ses dirigeants – qu’il était préférable de se rapprocher de Morjan et Jegham plutôt que du Pôle DM, il est évident que Chebbi doit y penser), après tout qui a le réseau des gouverneurs, des délégués, du ministère de l’intérieur, de l’administration mais surtout qui a le véritable réseau des hommes d’affaires qui ont réellement peur des renversements de situation ? Et comme dirait l’autre on ne change pas une équipe qui gagné ? Mais ne serait-ce pas une insulte à l’intelligence du peuple ? et surtout attention Chebbi d’être l’arroseur arrosé et croire utiliser morjan et jegham alors que ça peut être le contraire !

Ennahdha, la très chère Ennahdha, ce parti qui a la plus grande notoriété fait tout de même face à deux problématiques ou disons deux défis pour être constructifs. Le premier, c’est que le parti stagne, depuis le moment où il a commencé à se structurer, Ennahdha n’arrive pas à décoller, elle a repris ses premiers adhérents, revivifié ses réseaux mais RIEN, les intentions sont toujours les mêmes, les adhésions connaissent une croissance d’un parti très mature, que faire alors ? (mais répondre à cette question est très lié au deuxième défis d’Ennahdha auquel je reviendrais). C’est ainsi qu’elle a tout essayé pour faire le « Buzz », mais NADA, changement de LOGO, rien, Chaque nouveau numéro de « الفجر », le journal du parti, de nouvelles couleurs, une nouvelle charte graphique, rien, on passe à l’action politique : Gagner la rue à sa cause : EL KASBAH 3 (et là je parle de la première tentative qui est passée inaperçue pas la deuxième fortement plus médiatisée) et rien, fiasco total ! à deux reprises un « Cinéma » est organisé à la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, deux démissions, l’une suite à la rédaction du Pacte Républicain, et j’y reviendrai et l’autre suite à la question du financement, où du coup Ennahdha, qui a pris le train en marche lors de KASBAH 1 et 2 et la demande de l’assemblé constituante faite par « مجلس حماية الثورة » (Assemblée de protection de la révolution), trouve cette instance illégitime bien qu’elle ait voté le décret loi sur les élections. Ce cinéma a été organisé tout simplement pour « s’approprier la rue » et être LE CONTRE POUVOIR du gouvernement de transition. Tout ces actes aurait été épargnés si et seulement si, Ennahdha aurait répondu à la 2ème question, ou deuxième défis : Comment Ennahdha envisage-t-elle le pouvoir ? Est-ce qu’elle veut faire partie des partis de gouvernement, mettre la main à la pate et être constructive ou est-ce qu’elle préfère rester dans la contestation jusqu’au jour où elle aura le pouvoir absolu, à savoir un 80% ? Répondre à cette question permettra d’apaiser une bonne fois pour toute non seulement ceux qui ont de l’appréhension mais également les propres adhérents de ce Parti. A mon avis je donnerai le crédit à la première alternative pour les anciens d’Ennahdha (les dirigeants) ne serait-ce qu’en voyant l’effort déployé afin de gagner à leurs causes quelques partis et quelques noms connus, telle cette volonté de faire une coalition avec le MUP (Mouvement d’Union Populaire) d’Ahmed Ben Salah, du MPUP (fusion en cours de scission entre Béchir Essid du Mouvement Populaire Progressiste et Krichi du Mouvement du Peuple, justement à cause de cette éventuelle coalition) qui a ajournée sa décision au lendemain de son congrés, du MDS (décidemment) qui a vite fait de démentir (mais biensûr laisser la porte ouverte, qui sait un jour Ennahdha pourrait prendre le pouvoir et laisser le faux MDS comme parti d’opposition de « décor » qui appelle à voter Rached Ghannouchi), au Congrés pour la République de Marzouki qui a toujours eu au sein de son parti dit « Laïc » une mouvance islamique tendant le bras à Ennahdha comme il a suivi le parti lors de sa sortie de la haute instance, mais le même marzouki ne se prive pas de dénoncer les pratiques Ennahdha deux jours après avoir signé, par l’intermédiaire de Ben Amor, un communiqué commun avec eux, et enfin Koumani avec son parti de la Réforme & Développement sauf que celui-ci n’est pas sorti de la haute instance et penserait nécessairement à laisser la porte ouverte, aujourd’hui ou demain, à une autre coalition éventuellement de centre droit qui aurait une stratégie beaucoup plus claire qu’Ennadha car on voit bien que cette coalition a réellement du mal à naître. Je terminerai pour ce Parti en disant qu’il devra résoudre rapidement cette question et j’espère que ses cadres prendront la bonne décision, celle de la raison plutôt que le populisme, en se débarrassant de leurs extrémistes, en assumant qu’ils sont pour un Etat civil (d’où le pacte républicain qu’Ennahdha a refusé de signer) et qu’appliquer la « Chariaa » ne veut absolument rien dire, mais elle décevra ainsi beaucoup de ses sympathisants, surtout ceux de la nouvelle génération, enfants des premiers militants qui sont encore dans le passionnel : Mais en a-t-elle réellement le courage ?

Pourrais-je parler d’Ettakatol sans être incriminé de partial ? Je tente le coup quand même. Ce qui est sûr et je ne pense pas qu’il y ait quelqu’un à contredire le fait que c’est un parti qui est resté toujours cohérent avant le 14 janvier, le 14 et les jours qui en suivi et jusqu’à nos jours, et c’est un parti qui a gagné le respect de tout le monde. Le deuxième fait, et là au contraire tout le monde a blâmé ce Parti, en disant qu’il était mou qu’on ne le voyait pas à l’œuvre, alors que tout le monde a compris par la suite que c’est un parti qui avance à pas sûrs, qu’il ne fait pas beaucoup de bruit mais qui travaille sérieusement, en étant le premier à présenter son projet de programme électoral au public, et qu’il a toujours eu le meilleur timing et la meilleur vision politique. Coalition ? Cela a toujours était refusé au sens qu’il ne peut y avoir de « Coalition Electoraliste » qui amènerait à l’assemblée un groupe sous différentes couleurs sans avoir « Un Programme Commun », c’est ainsi que les rapprochements se font, un dans le naturel avec sa propre famille, mais surtout sur la base d’un programme qui serait construit sur des bases solides, c’est ainsi que le parti a convenu d’un travail en commun avec le Parti du Travail Tunisien, de Abdeljelil Bedoui, qui avance également avec des pas sûrs, afin de former un groupe dans la durée qui pourrait voir venir d’autres partis sérieux qui ont su se métamorphoser d’un parti de dissidence en parti de gouvernement et de proposition.