Pendant des années, les Tunisiens ont souffert de l’omerta des médias au sujet de l’atteinte du régime aux droits numériques, les blocages de sites web ainsi que la surveillance des citoyens. Puis, grâce au travail acharné de défenseurs des libertés d’expression, qui, pour de nombreuses années ont travaillé à sensibiliser l’opinion sur ces dépassements et contrôles omniprésents, la censure est tombée avec le régime de Ben Ali qui avait annoncé la fin du filtrage dans son dernier discours du 13 Janvier, avant de prendre la fuite vers l’Arabie Saoudite.

Cependant, avec Ben Ali disparu, les tribunaux tunisiens sont devenus le prochain champ de bataille crucial dans l’effort continu pour un Internet libre de censure en Tunisie, avec l’Agence tunisienne d’Internet (ATI) prise entre exécution des ordres de censure tout en arguant en faveur de la libre expression.

Le 13 Janvier, les Tunisiens ont finalement eu accès à la liberté pour laquelle ils avaient combattu si dur. Mais une liberté de courte durée: En mai, Al Jazeera a rapporté que le gouvernement intérimaire a été de tenté de conserver les éléments de censure de l’ancien régime, l’ATI a reçu l’ordre d’un juge d’instruction du Tribunal militaire permanent de Tunis pour bloquer la page Facebook de Jalel Brik (militant en exil). L’ATI exécute alors les ordres, et publie la liste des URL sous censure par ordre de justice, en expliquant que les interdictions étaient temporaires en raison de l’absence de lois concernant le filtrage des contenus en ligne.

Le 27 mai, les utilisateurs d’Internet ont reçu un autre coup apporté à la liberté d’Internet, le tribunal de première instance de Tunis ordonna le blocage de tous les sites à caractère pornographique en réponse à une plainte de trois avocats locaux qui ont soutenu ” les méfaits sociaux, éducatifs et psychologiques » desdits sites. Bien que l’ATI ait fait appel de l’ordre d’exécution, la décision fut confirmée et l’ATI accepte, en Juin de se conformer en initiant le filtrage, tout en continuant à faire appel de l’ordonnance du tribunal. Le militant pour la libre expression Slim Amamou, qui avait été nommé au ministère gouvernement intérimaire juste quelques mois avant, a critiqué la décision, démissionnant peu après.

L’appel de l’ATI – qui affirmait, entre autres choses, que l’agence n’avait pas les ressources financières et techniques à mettre en œuvre la censure, a également été rejeté, dans un jugement rendu par la cour d’appel de Tunis, le 15 août. L’ATI a l’intention de déposer un dernier recours auprès de la Cour de cassation de Tunis, mais en attendant, l’Agence doit exécuter.

Le but de l’ATI comme déclaré est de devenir le point d’échange Internet (IXP) officiel pour la Tunisie. En tant que tel, l’agence soutient le droit des fournisseurs internet à proposer les solutions personnalisées et volontaire des services de contrôle parental, l’Agence a même proposé une assistance technique à cette fin. Néanmoins, l’ ATI s’oppose fermement au rôle que les tribunaux jouent pour tenter de censurer le contenu en ligne.

Sur Facebook, et moins, sur Twitter, les internautes tunisiens ont également exprimé leur colère et leur frustration au sujet de la décision de censurer. Beaucoup voient dans le blocage des pages Facebook, en particulier, une tentative de bloquer la critique de l’armée (un acte qui est interdit par l’article 91 de la loi militaire de justice).

Bien qu’il existe une communauté motivée par des préoccupations religieuses et qui se réjouit de la décision de bloquer la pornographie, la majorité des internautes Tunisiens ont exprimé leur désaccord. Alors que certains ont fait valoir la liberté d’accès à Internet en tant que principe fondamental des droits humains, d’autres comme l’ATI l’a souligné, voient que cette censure risque de conduire la Tunisie vers un retour à la censure de l’ère Ben Ali.

Bien que les activistes tunisiens aient exprimé leur mécontentement sur les médias sociaux (leurs avatars, les logos anti-censure), la couverture médiatique de la décision du tribunal a été minime.

Comme l’ATI et les citoyens tunisiens, nous sommes gravement préoccupés au sujet de l’exécution d’un tout nouveau filtrage en Tunisie. Alors que l’interdiction de la pornographie peut être bien intentionnée, la censure aboutirait presque toujours au blocage, ou l’inclusion involontaire de sites non reliés à l’interdiction. Prenez, par exemple, le cas de l’Australie, où l’interdiction de «contenu illégal» a été proposée, la liste noire de sites, révélée par Wikileaks, inclus aussi le site d’un dentiste du Queensland, ainsi que d’autres contenus non liés.

Le filtrage est également inefficace et coûteux. Après des années à contourner les interdictions sur YouTube, les sites de news et d’autres contenus, les Tunisiens sont devenus avisés au moyen d’indicateurs et d’autres outils pour contourner le filtrage. Par ailleurs, en plus du coût financier du maintien de la censure, le filtrage peut conduire à la dégradation de la bande passante, une préoccupation soulevée par le président directeur général de l’ATI.

L’EFF appuie la décision de l’ATI de faire recours devant la cour de cassation, du jugement de filtrage de la pornographie, et invite le tribunal à prendre la bonne décision pour assurer la liberté d’expression pour tous les citoyens tunisiens.

Par : Jillian York
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(Texte traduit de l’original EFF Supports Tunisian Internet Agency in Protecting Free Expression Online) par Dhoha Ben Youssef