Tunisie, J-7 avant les élections. Sous une chaleur encore tenace, à quelques jours de l’élection d’une Assemblée Constituante, les Tunisiens restent les yeux rivés sur le favori du 23 Octobre ; le parti islamiste Ennahda. En neuf mois à peine, le mouvement sorti de l’ombre après 23 ans de persécutions a su s’imposer au sein de la société post-Ben Ali.
La Tunisie, territoire minuscule coincé entre deux géants pétroliers et qui a connu deux dictatures et quelques millions de touristes est un petit pays à tendance schizophrène. Schizophrène parce qu’il oscille entre un libertinage à l’européenne et un article premier de la Constitution qui déclare clairement que « La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’Islam ». Par conséquent, en toute logique des choses, le Tunisien moyen se moquera de ces «kofar » (mécréants) d’étrangers sans Dieu, ni valeurs avant d’aller partager une bière avec eux. Ainsi, fonctionne la société tunisienne, à la fois attachée à ses valeurs religieuses mais revendiquant clairement sa modernité héritée d’un Bourguiba visionnaire et de sa proximité avec l’Europe.
Néanmoins, les dernières années ont vu émerger en Tunisie un retour du religieux qui est resté longtemps caché derrière les couches de propagande mauve du dernier dictateur (Noté que le mauve était sa couleur préférée). Les clivages sociaux de plus en plus importants, se sont mutés en clivages religieux. Les classes populaires, les jeunes diplômés au chômage abandonnés par un pouvoir trop occupé à s’enrichir se sont tournés vers le refuge que constitue pour eux la religion. Les régions abandonnées par l’Etat ont vu fleurir des mosquées au détriment d’autres infrastructures. Entre Tunis capitale-vitrine, les littoraux-cartes postales et les régions désertiques du centre où dit-on, il n’y a que minarets à l’horizon, le fossé s’est creusé.
Mais il a fallu attendre le 14 Janvier pour que le tunisien voit tout ça a l’œil nu. Car les portes de l’islamisme avaient été fermées à double-tour par un Ben Ali, à coup d’emprisonnements et d’exils.
Ainsi, la nouvelle terreur postrévolutionnaire a été la découverte de pratiquants purs et durs, de mouvements salafistes mais aussi d’un parti islamiste renaissant de ses cendres. La première réaction de l’opinion publique a été de s’insurger contre le retour du leader du parti islamiste, Rached Ghannouchi, de crier gare contre les « barbus » qui voulaient faire du pays un deuxième Iran. Cette mauvaise publicité, relayée par les médias et les réseaux sociaux (combien de groupes Anti-Ennahda compte-t-on aujourd’hui sur Facebook !) aurait dû en théorie desservir le parti. Mais c’est là où le génie d’Ennahda s’est exprimé.
Le parti a non seulement su profiter de la publicité gratuite que lui faisait l’opinion publique mais il a aussi cherché à démontrer l’inexactitude des accusations d’extrémisme dont on l’ l’assaillait.
Il a d’abord revendiqué son idéologie islamiste modéré en affirmant son soutien à la parité homme-femme au sein des listes électorales (loi votée en Mai) et il a érigé en modèle absolu la Turquie de l’AKP.
Il est l’unique parti à disposer de bureaux et de membres dans quasiment toutes les régions de la Tunisie, (et notamment les régions du centre et du sud toujours délaissés par le pouvoir) et il a su rallier à sa cause les élites du pays (aussi bien des imams, des théologiens que des personnalités de la vie publique respectés et surtout reconnus). Mais le fer de lance de cette opération séduction a été d’user de l’argument moralisateur pour attirer les électeurs.
Le parti savait qu’après 23 ans sous le joug d’une famille cupide dilapidant les ressources du pays, mettre en avant l’honnêteté de dirigeants était l’argument permettant d’attirer un nombre d’électeurs considérable. Et, ainsi Ennahda s’est retrouvé non sans grande surprise à la tête de tous les sondages grâce à une solide stratégie de communication et une organisation sans faille.
Néanmoins, bien que le parti clame haut et fort sa modération le danger d’une dérive conservatrice si Ennahda accédait au pouvoir est bien réel.
Il faut prendre en considération qu’Ennahda est une structure géante englobant toutes les tendances islamistes, d’avocats modérés aux salafistes conservateurs qui constituent la base du parti. Et quand on voit qu’en réponse à la diffusion sur la chaîne de télévision Nessma de Persepolis, où apparaît la représentation de Dieu (alors qu’elle est interdite dans l’Islam) ces mêmes salafistes décident d’attaquer la chaîne en question, le danger de l’islamisme apparaît plus que jamais réel en Tunisie.
L’enjeu majeur des élections et des années à suivre en Tunisie sera de pouvoir à la fois concilier la foi musulmane des classes populaires et l’occidentalisme des classes moyennes et des élites bourgeoises. Ennahda pourra-t-elle être garante de cette schizophrénie tunisienne, cette diversité d’opinions, qui est à la fois l’atout et le péril du pays ? Pas si sûr ..
Bon début d’article qui hésite néanmoins à enfoncer le clou en restant dans l’expectative des événements sans dénoncer plus énergiquement le danger imminent des salafistes et de leurs alliés objectifs, qui visant, tous, le pouvoir absolu, nous exposent, de façon certaine au retour de la tyrannie!
Tres bon article de la part de Mme Amri.
a story can’t be proclaimed successful until completed.
aren’t you jumping the gun a bit and declaring an outcome for a progressive event.
what guarantee have we got that the electorate will give them the
green light.
their success will be measured by what they do with a mandate.
before we arrive at the judgement junction: a lot of water would’ve passed under the bridge.
by then historians will pass their verdict.
success is an outcome not a foretell/forcast story.
a kind of a cross between tarot card reading and political science
in a dagazza magazine edition.
good one myriam?.
Nous n’en savons rien. Si النهضةjoue double jeu ou est sincère. Il est clair que ce parti, sans réellement proposer de programme concret de reprise en main du pays a profité et capitalisé de la meilleure manière la publicité géante autour de sa diabolisation. Il y a aussi le fait qu’il est quasiment le seule parti confessionnel qui soit visible. Cela lui a été d’un grand secours.
Mais, soyons honnêtes. Personne ne saurait dire à l’heure qu’il est le poids réel de ce parti dans le pays. Pour l’heure, tout chiffre avancé est pure spéculation. L’éffet épouvantail dessert les partisans du parti de la “Renaissance” et d’ailleurs, renaisance de quoi?
Moi, en tant qu’électeur, je suis curieux de voir ce que ferait Ennahdha si elle venait au pouvoir. Est-ce qu’elle gérerait le pays d’une manière rationnelle et équitable, tout en combattant la corruption où, se servira-t-elle du levier du pouvoir fraîchement acquis pour mettre main basse sur l’économie et s’assurer que personne ne puisse le lui confisquer dans l’avenir?
Autre question. Si les dirigeants d’Ennahdha étaient sincères sur leur volonté de تطهير الفساد, pourquoi diable refusent-ils de rendre publics leurs comptes de compagne? Tout comme je crains un Chebbi qui serait la main exécutrice du FMI et de la Banque Mondiale (en se servant au passage), je redoute une mise sous tutelle de la Tunisie par les Américains par Saoudiens interposés. Les exemples au Golfe ne manquent pas. (Bahraïn, Yémen, etc).
En tant que diplômé et instruit, introduit à l’économie de marché, je trouve le programme d’Ennahdha creux et vide. Ses promesses utopiques. Comment comptent-ils résorber le chômage des jeunes, régler une bonne fois pour toutes la question de la dette? autant de questions auxquelles le parti ne répond pas. N’eût-été la basse récupération des sentiments religieux des citoyens, je ne me serais pas limité à Ennahdha. Car, au moins, avec d’autres partis, nous pouvons raisonner, mais point de raison dans la foi. à bon entendeur.
Quand les islamistes nahdistes derape: VOUS ETES KOFAR ..et en VERRA dit: un voteur barbu ….
Je partage les mêmes avis sur le fait qu’Ennahda est complètement vide d’un point de vue économico-social.
Je suis également d’accord sur le fait qu’il faut éviter de se faire exploiter par d’autres grandes puissances.
J’ai aussi étudié et travaillé dans la recherche en économie et en gestion internationale. La Tunisie a une population très qualifiée sur laquelle elle peut s’appuyer pour se développer.
Si on regarde les pays qui étaient pauvres et qui se sont développés rapidement (Japon, Corée, Chine, Brésil…), le modèle de développement est globalement le même:
-Se concentrer sur plusieurs industries dans lesquelles ont peu développer un avantage compétitif.
-Développer l’export au maximum
-Faire rentrer l’argent et remonter progressivement en gamme en investissant: aller dans des industries plus spécialisées, avec plus de valeur ajoutée
La Tunisie a tout le potentiel pour réussir, qu’est ce qu’on attend.
@l’auteure,
Bonjour,
Le “génie” du parti islamiste sera encore plus fort après les élections. En cas de “victoire”, ce mouvement, loin de renier la démocratie, l’usera jusqu’à la corde pour faire prévaloir ses thèses, celles formulées pendant la campagne électorale et surtout celles latentes et néfastes. Ce sera, en effet, au nom de la démocratie (disons d’une pseudo-démocratie) que les Tunisiens, en votant pour ce mouvement, boiront la coupe jusqu’à la lie. En somme, voter Ennahda équivaudrait à voter pour nos prochaines souffrances…, mais démocratiquement.
Quant aux “classes moyennes et des élites bourgeoises” que vous qualifiez d’occidentalistes et que vous distinguez des “classes populaires” qui jouiraient seules de la “foi musulmane”, même si je trouve cette vision très manichéenne, elles auront tout fait avec leur intégrisme laïc pour renforcer cette pseudo-démocratie que j’ai évoquée plus haut, donnant ainsi plus de chance au mouvement islamiste de s’en emparer et d’exprimer ainsi son “génie” démocratique.
De ce télescopage entre deux intégrismes, celui des islamistes et celui des laïcs, ni l’Islam, ni la vraie démocratie tant attendue n’en sortiront indemnes.
D’où la nécessité, puisqu’élections il y aura, de continuer le combat au lendemain du 23 octobre. Un combat pacifique, mais fait de vigilance et de volonté de contôle afin que ne soient jamais reniés, et que soient concrétisés, les voeux et désirs des révolutionnaires du 17 décembre 2010.
Tahar,
Une question qui me tarraude ; Qu’est-ce que la “vraie” démocratie ?
Avec mes salutations.
La Suisse,
ou le peuple vote ses propres lois,
ou les 7 principaux ministres sont de 4 partis différents,
ou n’importe quel citoyen peut créer un référendum s’il a assez de signatures (s’il gagne le référendum, son texte devient une loi).
La Suisse est un état fédéral, sur quelle base définirez-vous les cantons en Tunisie ? De plus, chaque tâche des cantons sont explicitement décrites dans la constitution de l’état fédéral. Après, chacun de ses derniers a ses propres lois mais il dépend tout de même des limites que lui aura fixé la constitution.
Quant aux initiatives populaires, les démocraties ont généralement un article de leur constitution qui précise les modalités. C’est le cas de la Suisse ou même de l’UE elle-même avec le traité de Lisbonne. Mais pour l’ensemble des démocraties, il existe des limites à ces initiatives populaires.
Avec mes salutations.
Je suis en accord complet avec vous sur le fait qu’un tel fonctionnement doit être effectué sur des bases constitutionnelles.
Pour moi les “autres démocraties”, ou la représentativité (les parlements) est plus forte que la voie directe (référendum, initiative populaire) ne sont pas complètement des démocraties.
La Tunisie, de par sa taille modérée et sa population éduquée se prêterait aisément au modèle Suisse.
J’admets toutefois que d’autres facteurs puissent entrer en compte et que le modèle ait besoin d’adaptations.
Je suis beaucoup plus compétent en économie, de par ma formation, qu’en science politique. Je suis par conséquent très intéressé par vos avis (d’autant plus s’ils sont divergents).
Bonjour,
J’adhère à la réponse de RamiD, en rappelant que le sens du mot démocratie est le pouvoir du peuple. Ce pouvoir doit être bien réel, aux niveaux local, régional et national. La vraie démocratie, c’est le contôle continu des affaires de le cité par le peuple. C’est le droit pour chaque citoyenne et pour chaque citoyen de “concourir personnellement” et à tout moment à la décison et à la chose politiques, comme l’indique, je cite de mémoire, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est cela la vraie citoyenneté; ce n’est pas seulement voter, c’est participer directement: par comités et référendum interposés, mais aussi par un contôle permanent des affaires de la cité…sans nécessairement passer par l’intermédiaire des représentants…
Bien joué les gars , avec votre ‘laicisme’ intégriste et les attaques inutiles a coup de programmes tv bidons contre ennahda , le parti a su retourner la situation a son avantage et se faire passer pour la victime.
Révolution ratée
Voir Ennahdha forte dans le paysage politique tunisien est une preuve irréfutable qu’il y a un changement dans ce pays.
Je n’ai pas envie que mon pays legalise le mariage des filles à 12 ans, le port du voile intégrale, oblige les gens à faire leur prière. non , je n’en veux pas , je veux être libre……
Il y a des centaines de personnes qui sont mortes pour que l’on soit libres…..
Le voile integral ne vient pas de l’islam….
Ca montre bien votre amateurisme
La seule façon de contrer Ennahdha est d’arrêter de voter pour des partis politiques minuscules, qui ne servent que l’interet d’ennahdha en diluant les votes de ceux qui ne veulent pas de ce parti extremiste. J’espère être compréhensible….
Voter PDP , ettakatol ou afek….mais arrêter de voter pour les petits qui de toute façon n’auront aucun poids.
Votez utile….
si un gouvernement islamique avait reussi ca se saurait.Le cas de la turquie qui a reussi c est parceque justement l AKP s est detourne de l islamisme,sinon il aurait echoue