Un constat alarmant
“Quelle importance peut-on (…) accorder à la presse telle qu’elle existe aujourd’hui, avec sa quotidienne dépense de poumons pour hurler, assourdir, exciter et effrayer ? La presse est-elle autre chose qu’une fausse alerte permanente qui détourne les oreilles et les sens dans une fausse direction ?”
A lire ces quelques lignes, le lecteur pourrait s’attendre à des propos récents, exprimés après une fine étude de la scène médiatique tunisienne post 14 janvier. Il s’agit malheureusement (ou fort heureusement) ni plus ni moins de Friedrich Nietzsche. Des propos qui décrivent d’une si fidèle manière la cacophonie ambiante et la médiocrité qui règne depuis bientôt un quart de siècle, et qui s’est avantageusement renforcée depuis un an.
Avec plus de 180 nouveaux titres baptisés depuis un an, de nouvelles stations radios et j’en passe, c’est encore un témoignage éloquent qui vérifie encore une fois l’adage “la quantité ne fait pas la qualité“. Jamais par le passé un tel foisonnement, voire diarrhée journalistique n’a été constaté. Jamais non plus une telle soif d’information de la part des citoyens (internautes ou autres) n’a connu un tel niveau.
Cette consommation des médias est principalement motivée par le désir de “ne pas passer pour un idiot (…) d’en savoir assez pour discuter avec des collègues (…) et ne pas être exclu de la communauté de ceux qui savent”. Toutefois, savoir ne signifie ni connaître ni comprendre. La preuve ? Peu de personnes peuvent se targuer à juste raison d’avoir et de disposer d’explications claires et factuelles d’une situation aussi complexe que celle de la Tunisie actuellement. Ce qui explique la volonté de certains de faire “des cures de désintoxication d’infos“.
Par ailleurs, la crise de confiance dans les médias tunisiens n’est pas à son terme, d’autant plus que le lecteur n’a jamais été aussi trahi et ne s’est jamais autant senti mal-informé et désinformé. A coups de scoops de caniveaux, de démentis contredisant d’autres démentis, d’une course au buzz et au gonflement artificiel de l’audimat, il est évident que le larmoyant, le sensationnel et l’immédiat deviennent les seuls et uniques critères de référence d’une scène médiatique agonisante. Le journalisme, doucement et sûrement, est en train de subir une profonde mutation génétique, en usant à tort et à travers la logique de la télévision et de la hâte.
Responsabilités partagées
Cette situation trouve ses origines dans des responsabilités partagées entre les différentes parties prenantes de la scène médiatique tunisienne.
Un pouvoir assoiffé et affamé
Les partis politiques et de manière beaucoup moins importante les entreprises, appliquent à la lettre l’expression chère à Tony Blair “You have to make the weather”, pour être présents partout, là où il le faut, coûte que coûte. Ils font alors appel à des professionnels de la communication et de la publicité.
Lesquels professionnels ont la malchance d’avoir la majorité écrasante de leurs références principalement dans le secteur agroalimentaire ou industriel : yaourts, couches, pièces mécaniques et j’en passe et des meilleurs.
Il s’agit d’une tactique de saturation des médias et d’occupation des terrains, une manouevre inspirée des opérations militaires portant le nom de “carpet bombing”.
Et encore, la scène actuelle ne dispose pas de firmes bien installées et spécialisées en lobbying, RP Politiques, ou encore des Spin doctors.
Un lecteur perdu et déboussolé
Quant au lecteur, citoyen croulant sous des avalanches de données contradictoires, incomplètes, parfois atemporelles, souvent non qualifiées, il fait avec les moyens du bord. Par fainéantise intellectuelle et mentale, par absence de réflexes et de grilles de lectures, par manque de formation ou de pédagogie, un article objectif est alors défini comme un article qui correspond aux propres idées et préjugés du-dit lecteur.
Et de ce fait, il n’y a pas plus hypocrite que l’objectivité d’un journaliste. Et avec la logique de la demande, le lecteur choisit les contenus qui vont avec ses principes, valeurs et référentiels, le poussant sensiblement et délicatement vers une forme d’autisme, dont le fer de lance est l’usage de Facebook, l’outil de lobotomisation collective pour internautes non avertis.
Le Web et l’Internet ne sont plus alors la preuve de l’ouverture et de la richesse mais plutôt de la médicorité et du conformisme. Autrement dit, le Web (et dans son acception tunisienne la communauté Facebook, la communauté Twitter et quelques espaces dans cette immense univers) amène à se bâtir sa propre sphère (à la Second Life) en prenant soin d’éliminer à coup de signalement, unfollow & co tout ce qui pourrait déstabiliser cet équilibre éphèmère.
Et ce ne sont pas les nouveaux titres numériques (collaboratifs, collectifs, privés ou associatifs) ni les réseaux sociaux tels qu’ils sont aujourd’hui qui vont participer à l’assainissement de la situation et de la scène médiatique. Les frontières sont ainsi plus brouillées, moins claires, de même que les temporalités.
Nous sommes en présence d’un vaste marché du junk-food informationnel pour ne pas dire de maisons closes de l’information, se pliant aux exigences et aux desiderata de tel ou tel pouvoir politique ou économique, interne ou externe.
Si certaines initiatives sont à saluer, encourager et développer, il n’en demeure pas moins que le mélange des genres et l’approche bipolaire constituent un danger d’extermination grave et pour les médias et pour les lecteurs.
Ainsi, le blogueur se dresse contre les médias traditionnels en proposant une autre vision des problématiques, plus ou moins critique d’ailleurs. Il dispose ainsi d’une responsabilité éditoriale en tant que producteur de contenu, qui selon lui est plus vrai, sans pour autant qu’il soit plus exact.
La démultiplication des canaux ne signifie pas forcément un pluralisme riche. Sur le Web, nous sommes ainsi en présence d’une des plus grandes caisses de résonnance mondiales, reproduisant sans limite les contenus, sans véritable effort systématique de qualification et de vérification.
Des médias le cul entre deux chaises
Quant aux médias, il est évident que les handicaps en terme de formation et les déformations identitaires professionnelles des dernières années ne leur ont pas facilité la tâche. Au lieu de jouer leur rôle légitime de contre-pouvoir, d’assurer un travail de recoupement, de vérification et d’interrogation, ils s’occupent plutôt à noyer le poisson dans l’eau, et pour une majorité à attendre le nouveau Vizir histoire d’accorder leurs tempos.
Dans cette ambiance du scoop et de l’instantané, plus de prise de recul ni de hauteur, mais surtout, un réflexe prédominant : trop bon pour être vérifié. En d’autres termes, pas le temps de s’auto-critiquer ni de subir un retournement de situation.
Michael Gartner, Président de NBC News le décrit clairement : “Maintenant, il s’agit de régurgiter des faits, des rumeurs, des insinuations, souvent hors contexte et sans distinction entre un fait et une rumeur, ni entre un fait important et un fait anecdotique”.
Ceci se rajoute donc à une profonde crise de confiance dans les médias, et surtout à une rupture du contrat de lecture, ce qui ne préfigure en rien, si ça continue comme ça, une construction solide et durable d’une oeuvre démocratique. Et pour reprendre les mots de Régis Debray : “Aujourd’hui ne devient légitime que ce qui est populaire et ça fonctionne en boucle.“.
Quand le corps du métier confond objectivité, indépendance, pertinence, il est plus que jamais temps de se poser et s’interroger sur le futur et ses perspectives, de privilégier l’honnêteté intellectuelle et l’esprit de remise en cause. Nos médias ne doivent pas oublier que dans un Etat de droit, l’information est un droit et ne peut être un combat. Un retour aux sources serait fortement recommandé, et à titre d’illustration, communication vient du latin communicare, et avait entre autres signification jusqu’au 16ème siècle : mettre en commun, partager, faire participer… A bon entendeur.
Nos médias doivent aussi passer outre cette confusion entre suivi et suivisme. Nos journalistes, et je ne sais dans quels référentiels, ont cet art de mélanger le suivi d’un évènement et le suivisme autour d’une annonce ou d’une action. Ils sont aussi cette particularité de confondre liberté de presse et liberté de tout écrire, avec une absence totale du sens de la responsabilité et de la maturité professionnelle.
Heu…..j’ai rien appris….
en un mot:
La presse est un moyen de manipulation dans le monde entier. est au service de celui qui paye le plus.
cordialement et patriotiquement
wild el bled
usa.
et le titre de cet article, il n’est pas raccoleur peut-être ? balayer devant sa porte !
J’envie la personne qui a écrit cet article pour une telle éloquence…une telle cohésion du contenu et fluidité…une tentative fort bien réussite de composer l’image d’ensemble… J’envie
Tout comme Zola dit un jour “J’accuse”, je dis: j’envie !
continuez :)
Sans rentrer dans les détails du contenu de nos journaux tunisiens, juste à regarder que la mise à jour d’un quotidien comme Assabah,se fait à dix heures du matin on peut conclure que notre presse a beaucoup de chemin à faire. A L’époque de nouvelles technologies etc.. à une époque où l’information est consommée immédiatement, en Tunisie il faut attendre que nos journalistes et nos techniciens se réveillent, prennent leur petit déjeuner et rejoignent leurs bureaux pour qu’ils mettent à jour leur journal. PAUVRE PRESSE!
proxy list says
I’m a long time watcher and I just believed I’d drop by and say hello there for your very first time.
kan allé vou nou débarasé de set lang fransèz à l’ortograf bordélik et gramèr infernal ??
kan allé vou nou débarasé de sé “grandzékol” = klub mafieu é féodo = teknoburokrat inutil ??
kan allé vou oublié la Frans é son kolonianizm kuturel ??
Bonané 2012 !!
l’ortograf ?? hahaha …
@Francocon, à quoi bon cacher ta NULLITÉ derrière un soi disant mépris de la langue française? Quand on est un nul, il faut également assumer, c’est un signe d’intelligence.
The User says
Hi, I’m the best user in the world!
Le journalisme et la “Tola & Dhina” en Tunisie ce presque la meme chose.
Le journalisme en Tunisie,tout comme plusieurs autres métier comme la mécanique et la tôlerie automobile ou bien la maçonnerie(su sens commun du terme, non pas la franc maçonnerie)souffre du non-professionnalisme.Comme il vous suffit d’apprendre comment placer une brique et manier un marteau pour devenir maçon ou tôlier, il est aussi suffisant pour devenir journaliste, de savoir manier une plume ou un clavier et de passer quelques moments dans une rédaction.Ce peu être suffisant pour devenir un journaleux, mais certainement pas assez pour devenir journaliste.
@westernculturel en l’état, c’est un miroir de la société, chacun avec sa part de responsabilité. J’en parlais ici http://t.co/byLf0t2X