Alors qu’en l’espace d’un an la Tunisie accuse le meilleur taux de pénétration d’internet/population au Maghreb (~28%), dont plus de 77% utilisateurs de réseaux sociaux, la liberté d’expression sur internet devrait être garantie. Malheureusement, non !

Justice : Où en sommes-nous ?

Un an après l’annonce de la mort d’Ammar404, nous risquons son retour irréversible. La censure reverra le jour, plus forte que jamais si la décision de la cour de cassation confirme le filtrage du contenu pornographique lors du procès qui oppose l’Agence Tunisienne d’Internet à un groupe de citoyens début février 2012, une décision qui fera jurisprudence pour d’éventuels autres procès du même genre visant d’autres contenus.

En parallèle, des plaintes sont déposées par-ci par-là contre des administrateurs de pages Facebook, ou propriétaires de blogs pour de la diffamation ou autres raisons…

Par ailleurs la justice opère toujours dans l’inexistence d’un cadre juridique pour Internet en Tunisie.

Politiques : Changement de discours ?

Quant aux politiques, et après avoir longtemps soutenu ce fondement de toute démocratie que représente la liberté d’expression, les candidats ayant « acquis » des postes gouvernementaux ont changé leur position à ce sujet, de la clarté des propos vers un avis nuancé…

Je prends l’exemple de Monsieur Le Président de la République, alors que le candidat Moncef Marzouki déclarait lors de la campagne électorale :

« …Internet ne doit pas être surveillé par le gouvernement ni les entreprises… La liberté sur internet doit être la base et non l’exception…Je suis pour une liberté avec des cotés négatifs et contre la censure même si on y trouve un coté positif… il faut laisser les internautes libres et les éduquer/ informer… Je refuse que le gouvernement alloue un budget à l’achat d’équipements de censure… »

L’interview de M.Marzouki par MalissOnline le 5 octobre 2011.

Et Le Président qui dit:

«… Je suis pour la liberté d’expression mais il n’existe aucune liberté dans l’absolu… Il faut des lignes rouges qui limitent cette liberté… il ne faut pas que ces lignes rouges soient des prétextes à la censure … la ligne doit être discutée et acceptée par les uns et les autres… ce n’est pas à moi de commenter une décision de justice»

à partir de la minute 35 dans L’interview faite par Taieb Moalla le 9 janvier 2012 .

J’ai toujours cru qu’une démocratie ne pouvait se faire sans compromis, mais dans ce cas précis, il n’y a pas de compromis à trouver puisque la Troïka, représentant le peuple, est du même avis « catégoriquement contre toute forme de censure » [voir les avis Ennahdha Takattol ].

Internet un jeu pour enfants ?

Oui c’est bien ce que croient la plupart des « non-internautes » et certains Facebookeurs. Pour les non-internautes ce moyen de communication n’est autre qu’un jeu que l’on offre à un enfant, et à qui on enlève (censure) quand on veut le réprimander. Sauf que ces parents n’ont pas pris la peine de lire le guide d’utilisation de ce jeu (demander le contrôle parental à la signature de l’abonnement internet), ni expliqué à cet enfant les dangers (les sites à caractère pornographique).

D’autre part, pour qu’internet ne soit pas considéré comme un jeu aux yeux de ses parents et autres (Gouvernement), il faut que cet enfant soit adulte et ait un minimum de maturité, ce qui n’est pas le cas pour certains internautes qui dérivent notamment sur les réseaux sociaux comme Facebook, nous avons des droits que nous réclamons mais aussi des devoirs vis-à-vis desquels nous sommes responsables.

Internautes : Silence ou désengagement ?

J’avoue que cette question, je n’arrête pas de me la poser depuis des mois, même si je me réjouis à la lecture de rares articles sur des blogs, certains tweets, mais j’en reviens toujours à me dire « Et si nous n’étions qu’une minorité à se soucier du retour de Ammar404 ? », peut-être que le tunisien n’a pas en tête la « NetFreedom » comme priorité, mais nous sommes tout de même presque 3 millions d’internautes ! Qu’attendons-nous ? Alors que partout dans le monde les défenseurs de la liberté d’expression scandent leurs refus de différents projets de censure comme Hadopi en France ou SOPA aux états unis, nous autres Tunisiens avons « oublié » que le danger nous guettait encore, rappelez-vous de ce que vous avez vécu sous ZABA, du rôle qu’a joué Internet pour le dégager, du fabuleux sentiment de liberté retrouvée mais hélas qui pourrait disparaitre au mois de février.

En somme, en Tunisie, un an après, entre #7ell (Ouvre) et #Sakker (Ferme/Censure), la liberté d’expression balance, et comme l’avait prédit la campagne de RSF Tunisie : « Libres… Jusqu’à quand ? »