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Photo by Sami Ben Gharbia - nawaat (manif. Jan 28, 2012)

L’un des slogans de notre révolution était : « plus jamais peur », mais ce matin, nous avons tous eu peur d’aller manifester car les islamistes et les salafistes ont proféré des menaces contre nous. Nous avons eu peur d’emmener nos parents avec nous et qu’un malheur ne leur arrive, dans cette manifestation pourtant citoyenne et pacifique. Nous avons ressenti cette même inquiétude que le matin du 14 janvier, lorsque les milices de Ben Ali rôdaient dans la ville.

Le nombre de personnalités menacées de mort explose. Chaque jour, nous entendons parler de nouvelles agressions : les salafistes empêchent les touristes de visiter la mosquée de Sidi Sahbi, les salafistes agressent Zied Krichen et Hamadi Redissi, ils occupent illégalement des établissements publics etc.

Leur barbarie a été attisée par la déclaration récente de Sadok Chourou, qui en appelant à la crucifixion, au démembrement et au bannissement, sous couvert d’un verset du Coran, s’est rendu coupable d’appel à la violence. Ce membre de l’Assemblée Constituante dont l’une des missions aurait dû être d’œuvrer pour la réconciliation nationale appelle au désordre, voire à la guerre civile et profite de sa tribune d’élu pour laisser cours à ses divagations de fanatique.

Au vu de la montée des extrémismes, notre devoir est de rester vigilants et de continuer à manifester en grand nombre, afin que le gouvernement n’ait pas d’autre choix que de nous écouter et d’arrêter toute personne qui enfreint la loi, et ce sans distinction de ses idées politiques.

En effet, j’ai récemment entendu une curieuse déclaration d’un responsable de l’enseignement supérieur, nahdhaoui de son état, dont j’ai oublié la fonction pour être honnête. Dans une interview donnée à des journalistes français et diffusée sur M6, lorsqu’on lui a demandé pourquoi il ne faisait pas évacuer la faculté occupée illégalement par des salafistes, il a répondu que l’ère de la violence était révolue et que l’on souhaitait à présent favoriser le dialogue.

Ce que les autorités semblent oublier, c’est que l’Etat de droit signifie non seulement que les droits de tous les citoyens doivent être garantis, mais également que le droit doit s’appliquer de manière effective dans le respect de la justice, de l’égalité et de l’équité. Si le respect des droits constitutionnels de tous les citoyens, y compris la liberté de culte, est non négociable, il ne peut s’exercer que dans le respect des libertés des autres citoyens et du maintien de l’ordre public.

Nous sommes donc tous stupéfaits de constater que dès lors qu’un individu s’affiche avec une barbe ou en niqab, les autorités préfèrent fermer les yeux. S’agit-il de remplacer la violence policière de l’ère Ben Ali par une violence encore plus sournoise et tout aussi nocive, qui consiste à regarder sans réagir une minorité bruyante d’exaltés agresser et menacer leurs semblables ?

Protéger les citoyens est une fonction régalienne de l’Etat et une mission obligatoire pour ceux qui le gouvernent. Elle ne peut être exercée de façon arbitraire et « à la carte ».

Les autorités doivent arrêter toute personne qui commet une infraction, lui lire ses droits et les respecter. Si la loi n’est pas respectée de façon rigoureuse, les citoyens seront contraints de se défendre eux-mêmes et le pire sera alors à craindre… En conclusion, nous refusons de croire que les martyrs de la révolution tunisienne ont donné leur vie pour que la dictature policière de Ben Ali laisse la place à un système totalitaire et liberticide. Nous continuerons de nous opposer sans relâche à l’oppression sous toutes ses formes car nous n’aurons plus jamais peur.