Spot sur la télé syrienne : "Conseil du peuple...Pluralisme Démocratie"

51,26% est le taux de participation aux élections du Conseil du Peuple syrien annoncé aujourd’hui par le Président de l’Instance supérieur des élections après une semaine du déroulement du scrutin. En direct du Palais de Justice à Damas, une conférence de presse s’est tenue ce matin pour répondre aux questions des journalistes syriens et de plusieurs pays étrangers.

M.Khalaf Azaoui, Président de l’Instance, a refusé de répondre quant aux raisons pour lesquelles des candidats se sont retirés de la course. En effet, lors des élections, on a observé des noms barrés des listes. Quand on a été sur place, les responsables des bureaux nous ont répondu qu’ils se sont retirés pour des « raisons personnelles ».

M.Azaoui a aussi refusé de répondre à la question la plus importante, notamment celle concernant le nombre de sièges que le Baas, parti au pouvoir, aurait raflé dans le nouveau Conseil du Peuple syrien.

Une autre journaliste voulait savoir pourquoi 14 centres du Rif de Damas ont dû refaire les élections mais la réponse a été laconique voire paraphrastique. M.Azaoui a juste expliqué qu’il y a eu des transgressions et que ces bureaux ont du refaire les élections.

Revenons au lundi 7 mai 2011. Après avoir raconté la première et la deuxième journée, voici la troisième et la plus importante. Je faisais partie des journalistes de la délégation tunisienne- dont les membres étaient pro Bachar Al Assad. Un bus est venu nous prendre de l’hôtel pour faire le tour dans les bureaux de vote et voir le déroulement des élections. Il est 9h30 passées alors que les élections ont déjà commencé à 7 heures du matin.

Le conducteur du bus, M.Abou Farres nous accueille avec beaucoup de bonne humeur. Je lui demande d’allumer la radio pour écouter la station Damas. On passe en boucle des chants syriens, des informations en direct des bureaux de vote et on ne parle que de trois choses répétées à longueur du trajet qu’on a emprunté: “Elections démocratiques, pluralistes et transparentes.


On passe au premier bureau de vote. Une dizaine de jeunes distribuent les listes des candidats. Il n’ y a pas de file d’attente comme ça l’a été en Tunisie lors des élections du 23 octobre. Mise à part l’équipe qui s’occupait du déroulement de l’opération ainsi que les délégations qui remplissaient à chaque fois les bureaux, les électeurs se faisaient très rares.

Au bureau de vote, je vois cinq jeunes femmes venues ensemble pour voter. Elles me regardent en souriant. L’une d’elle, Oumaima, me brandit son doigt trempé dans l’encre pour me montrer qu’elle a déjà voté. Ses attentes sont claires : se débarrasser des groupes armés opposés au régime syrien et que le pays soit en paix à nouveau. Je leur demande si elles sont dans un parti politique. « Oui, on est adhérentes au parti Baas (Parti de Bachar Al Assad) » me répondent-elles.

Il est dix heures. Dans le même bureau, trois femmes supervisent les élections. Je demande le nombre de votants qu’il y a eu de 7 à 10 heures du matin.

« Le vote se passe bien » me dit l’une d’elles. Je réitère ma question « Environ cinquante votes » me répond celle du milieu.

Sur le mur, parmi la liste des candidats accrochée au mur, plus de soixante-dix noms sont barrés.
– «Pour quelles raisons sont-ils barrés ?»
– «Pour des raisons personnelles » me répond-t-on avec le sourire.

On passe au deuxième bureau. Pareil, des jeunes gens sont devant la porte en train d’attendre les électeurs. Les groupes de journalistes auxquels je fais partie débarquent et l’endroit se remplit. La chaine syrienne filme tout le monde.

Troisième bureau. Quelques électeurs passent et repassent. J’interpelle une syrienne venue voter. Elle n’appartient à aucun parti politique. Elle souhaite “que tout le monde vienne voter”. Elle veut “que les choses changent”. Elle m’explique “que les étudiants qui n’ont pas cours aujourd’hui se sont sûrement réveillés un peu tard d’où le nombre limité d’électeurs”.

Il est important de signaler que le gouvernement n’a pas fait en sorte que ces élections se passent le vendredi, jour de repos hebdomadaire en Syrie. En effet, ce lundi 7 mai, les employés dans les établissements étatiques travaillaient normalement.

Quatrième bureau, celui du gouvernorat de Damas (mouhafaza). Il y a du monde mais la plupart des présents font partie non des électeurs mais des organisateurs des élections, de Radio Damas qui couvre les élections en direct et des délégations auxquelles je fais partie.

A l’intérieur, il n’y a pas de file d’attente. Les journalistes filment le local et les électeurs venus voter.
Sur chaque mur de la ‘mouhafaza’, on remarque la présence d’au moins deux ou trois portraits de Bachar Al Assad de chaque côté.

Je demande à quelques Syriens leur avis quant au déroulement des élections et l’affluence des électeurs mais ils refusent d’être interviewés et se montrent silencieux.

Je finis par interpeller une femme sur les lieux et il s’avère qu’elle fait partie du groupe jordanien. Elle n’est pas journaliste. Elle m’informe qu’elle est venue avec la délégation juste pour soutenir « Bachar ». Elle se met près de l’urne et demande à un homme qui l’accompagne de la prendre en photo avec le portrait du « guide ».

Il est 16h30. Au conseil du peuple syrien, au centre de Damas, à peine deux électeurs sont venus au bureau de vote. Il y a un seul responsable qui accueille les gens. Je lui demande le nombre de votes de 7 à 16h30.
“Trois cents cinquante votes” me répond-t-il.


On sort du batiment du Conseil du Peuple. Sur le chemin, on tombe sur un vendeur qui s’avère être tunisien. Sur le trottoir, il étalait sa marchandise. Il vend des drapeaux syriens et russes, des pin’s et des t-shirts avec l’effigie de Bachar Al Assad.

Je propose au groupe des Tunisiens avec qui je suis d’aller faire un tour au souk. L’ambiance y est très agréable et l’endroit est très peuplé. On oublierait presque qu’une guerre civile sévit à quelques kilomètres du centre de Damas.

Dossier de la Syrie
A lire aussi :

Première journée en Syrie : Invitée aux élections du Conseil du Peuple syrien !

Deuxième journée en Syrie : “Si je parle, on me tue”

Troisième journée en Syrie : Bureaux de vote presque vides

Les Tunisiens en Syrie se trouvent dans une situation critique

Ahmed Manaï : “La Ligue arabe a enterré le rapport des observateurs en Syrie”