Kairouan, une des villes les plus conservatrices du pays, une ville dont on entend peu parler. Pourtant même ici les jeunes prennent les choses en main et s’organisent. Les membres de l’association Kairouannais pour la culture de la citoyenneté travaillent sur plusieurs fronts pour que chacun se sente citoyen.
Le local de l’association est niché au deuxième étage d’une maison de la médina. L’engagement se voit aussi à ça : au fait que la jeunesse prend sa place au cœur de la vieille ville.
Amira Achouri, 28 ans, est professeur de civilisation anglaise à la faculté de Kairouan. Une jeune parmi les jeunes, avec un bon contact avec ses étudiants. « Ils n’hésitent pas à venir me voir pour parler des conditions de vie au foyer, de la sécurité. » Cette jeune femme pleine d’entrain est présidente de l’association Kairouannais pour la culture de la citoyenneté.
L’association est jeune, elle a été officiellement créée en juin 2011. « L’idée a vu le jour en janvier 2011 mais il a fallu du temps pour avoir les papiers. On a contribué à une action pendant la révolution libyenne. On a fait une collecte de dons, médicaments, nourriture, vêtements… c’était la première idée et du coup on a lancé l’association comme ça » se souvient Amira.
En quelques années d’exercice de sa profession, Amira a vu les choses changer : les étudiants sont plus conscients et plus exigeants. Ils ont également peur de voir la situation reculer, de perdre la liberté d’expression acquise depuis peu. Alors elle leur parle de la nécessite de travailler sur le terrain.
« Après le 14 Janvier les choses ont changé. Les gens ont pris conscience de ce qui n’allait pas et qu’il fallait agir maintenant. Critiquer ne suffit pas, il faut travailler sur le terrain et pour ça il faut miser sur la société civile, bouger, ne pas rester les bras croisés. »
L’action pour les réfugiés libyens a été le départ, la motivation pour travailler dans la vie associative est partie de là. Le fait d’être en groupe et de travailler à une action a motivé Amira et ses amis à se réunir de manière plus formelle. Ils sont aujourd’hui une vingtaine de jeunes âgés de 20 à 35 ans, dans l’électronique, la gestion, la finance, l’audiovisuel, les langues… différents secteurs et de multiples compétences pour essayer de balayer le plus de terrain possible.
L’association Kairouannais pour la culture de la citoyenneté travaille sur différents fronts : elle a d’abord organisé des séminaires, notamment pour parler de l’économie et du développement local. Pour les membres de l’association il faut réfléchir à une nouvelle stratégie pour développer le pays et réussir la révolution. S’attaquer à la question économique semble donc primordiale.
Mais son action ne se limite pas à la sphère de la réflexion et d’autres projets vont bientôt voir le jour. Ainsi l’association travaille à la mise en place d’une formation pour les femmes le Women Enterprenership for Sustanibility, un programme qui doit permettre à près de 200 femmes de la région de Kairouan, chômeuses et jeunes diplômées, de lancer un projet, en se formant à l’entrepreneuriat.
L’association a aussi pour projet de s’occuper des jeunes et veut monter une académie de football à Kairouan raconte Amira : « Nous allons recruter des entraîneurs, car il n’y a pas d’espace pour que les enfants jouent et s’amusent ici. »
Et pour les jeunes qui n’aiment pas le foot l’association a proposé le week-end dernier un atelier de blogging et de journalisme citoyen : « L’activité culturelle et artistique est vraiment restreinte à Kairouan, il n’y a rien à faire et beaucoup de jeunes s’occupent avec Internet. Ils veulent donc savoir comment faire passer l’information, poster leurs photos et raconter ce qui ce passe » explique Mohammed Rammeh, membre de l’association.
Il y a aussi dans les cartons le projet de restaurer le Bassin des Aghlabides : « Nous souhaitons en faire un lieu de rencontre et d’échange, pour les familles et pour les jeunes. »
L’association s’intéresse à tous les publics, car c’est ainsi qu’elle conçoit la citoyenneté : incluant tous les âges et tous les individus, pour que tous se sentent appartenir à une communauté qu’ils peuvent faire évoluer.
« La citoyenneté est la clef de la réussite. A Kairouan nous ne sommes pas habitués au travail associatif. C’est donc une opportunité de commencer dans cette voie, que les gens aient conscience que désormais on ne peut pas rester les bras croisés, on doit se mobiliser » explique Amira.
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