Lecture de l’enquête sur l’affaire de la jeune femme violée par deux policiers

La grande médiatisation de l’affaire de la jeune femme violée par des agents de sécurité a suscité, de tous bords, de vives réactions. Elle a fait scandale entre une partie incriminant le viol et accusant les agents de sécurité d’abus de pouvoir et de fonctions et une autre justifiant l’acte soit par une négation totale du fait soit par la lubricité de la jeune femme. Elle aurait donc, séduit les policiers « vertueux ».

Cette polémique sur le viol de la jeune femme a dévoilé certaines pathologies sociales dont la gravité transcende les dissensions politiques actuelles. Elle a révélé une sérieuse défaillance administrative imputable à tous les gouvernements qui se sont succédés après la révolution.

A ce propos, l’expert en sécurité et le psychologue Dr.Yosri Delli affirme que :

« Sous l’égide d’une administration corrompue et complice, la dictature a engendré, pendant des décennies, des comportements maladifs chez l’agent de sécurité comme le développement d’une mentalité criminelle et la dissimulation des actions répréhensibles des collègues. L’harcèlement sexuel représente aussi une pathologie sociale répandue dans la rue et dans toutes les administrations tunisiennes y compris le Ministère de l’Intérieur (il a cité des exemples). Malgré le fait que l’acte de viol soit un acte individuel, ses causes remontent à des défaillances bien ancrées dans le système sécuritaire grâce à des décennies de dictature. Selon la logique de l’agent de sécurité, être policier signifie « immunité » et « impunité ». »

Après avoir pris connaissance du dossier d’enquête sur l’affaire de la jeune femme violée et partant de notre profonde conviction que la transparence doit être de mise dans les affaires d’opinion publique, nous avons décidé de publier les extraits les plus importants du dossier. Nous gardons secret les noms de la jeune femme et de son fiancé ainsi que les détails relatifs à leurs vies personnelles.

Les faits remontent à la nuit du 3 septembre dernier. Une jeune fille, à bord de sa voiture, s’est dirigée en compagnie de son fiancé vers la banlieue nord de Tunis ou plus exactement, vers ce qu’on appelle « La localité d’Ain Zaghouan ou « La localité des Jardins de Carthage Nord ». Vers minuit, elle a garé la voiture dans un endroit calme pour discuter avec son compagnon.

Vers minuit quarante-cinq minutes, une « Alpha Roméo » blanche arrive. Trois agents en civil abordent la jeune femme et son fiancé leur demandant de descendre de la voiture. Ils menottent, séance tenante, le fiancé et un autre agent le prend à l’écart. Mais, que s’est-il passé entre-temps?

Le 4 septembre, lors d’un procès-verbal dressé au sein de la sous-direction de la protection sociale du département de la police judiciaire, la jeune femme relate ce qui suit : 

« (…) Ils m’ont ordonné de monter dans leur voiture. Deux individus dont j’ignore l’identité, mais que j’arriverai à reconnaître au moment de la confrontation, sont restés avec moi. Par contre, le troisième est monté à bord de la voiture de mon compagnon et ils se sont dirigés vers un endroit inconnu. Entre temps, l’un des individus m’a demandé d’avoir un rapport sexuel avec lui. Face à mon refus, il s’est installé, à mes côtés, sur la banquette arrière, a pris ma tête et m’a obligée, de force, à lui faire une fellation. Ensuite, il a soulevé mes vêtements et a fait pénétrer son pénis entièrement dans mon vagin me contraignant à avoir un rapport avec lui, au moment où l’autre conduisait le véhicule. Ce dernier ne s’est pas arrêté lors du rapport sexuel. Il se sont relayés sur moi, sur le même rythme. »

La jeune fille rajoute que l’un des deux agents l’a violée une deuxième fois dans sa propre voiture, avant l’arrivée du troisième agent. Ce dernier s’est disputé avec ses collègues quand il a constaté le viol.

Le même jour du 4 septembre, la jeune femme a déclaré dans le procès-verbal de la confrontation avec les trois agresseurs présumés :

«  Je confirme que le dénommé Mohamed Elbarhoumi (tout en le montrant du doigt) n’a pas eu de rapport sexuel avec moi. Il s’est contenté de monter dans la voiture de mon compagnon. Par contre, les dénommés Walid Elferiani et Mohamed Chawki Ben Ammar( elle les désigne du doigt) m’ont violée de force. (…) »

D’un autre côté, les agents de police ont totalement nié avoir eu des rapports sexuels avec la jeune femme, tout en niant aussi le recours au gaz paralysant contre le fiancé raccompagné par le troisième agent, lequel a examiné les faits. Ils s’opposent ainsi catégoriquement, aux déclarations de la jeune femme, son fiancé et les deux témoins-gardiens de l’usine « Nestlé »- se trouvant en face de la scène du fait.

Le fiancé a ajouté que le troisième agent a voulu lui extorquer de l’argent. Il lui a demandé de retirer de l’argent d’un distributeur automatique de billets afin de les relâcher, lui et sa fiancée. Les caméras de surveillance de la banque à laquelle il s’est dirigé, confirment ses propos.

Il est à noter que la victime avait fait deux tentatives de suicide. Juste après l’incident et en s’éloignant avec son fiancé. L’une en essayant de se jeter par la voiture en roulant et l’autre en traversant l’autoroute à pieds.

La jeune femme a subi et subit encore des pressions psychologiques, que ce soit pour l’obliger d’arrêter ses poursuites contre les accusés ou pour l’empêcher de rendre son cas comme une affaire d’opinion publique.

Malgré le fait que les policiers soient accusés de “rapport sexuel forcé en utilisant la menace de la violence, les prérogatives de leur fonction et le chantage”, la victime s’est trouvée accusée d’atteintes aux bonnes mœurs. Une accusation étrange surtout que les principes de la justice stipulent que le juge civil juge par la connaissance alors que le juge pénal juge par la connaissance et le bon sens.

Même si on suppose que la victime a reconnu le fait d’avoir un rapport sexuel avec son fiancé, et que le juge d’instruction ne s’est pas contenté du témoignage -non-valable logiquement et légalement- des officiers, le code de procédure pénale impose un traitement particulier de cette affaire : En effet, le principe faisant de l’aveu le maître des preuves n’est pas forcément appliqué, puisque dans ces affaires compliquées, il peut toujours y avoir des accusés ou des témoins qui reconnaissent soit dans le but de couvrir d’autres personnes soit parce qu’ils sont sous la pression.

Concernant le rapport médical, on l’a mis à la disposition de deux médecins français. Les deux médecins ont confirmé le viol et étaient surpris que cela n’a pas été mentionné dans la conclusion du rapport.

⬇︎ PDF

Selon le docteur Rim Zermdini, sexologue résidente en France, ces trois paragraphes du rapport médical indiquent que la jeune femme a été victime d’un viol avec violences:

– ecchymose récente de la phase interne de l hemi lèvre inférieure gauche de 1 cm de long

– une ulcération ecchymotique récente de la fourchette vulvaire de 0.5 cm de long

– présente des signes en faveur d’un coït vulvaire récent datant de moins de 3 jours

L’analyse génétique appuie la version de la victime après l’identification du sperme des deux agents de police en question sur ses sous-vêtements.

De notre part, on s’est déplacé sur les lieux de l’incident avec le fiancé de la victime pour mieux comprendre les circonstances du viol. On a aussi parlé avec un troisième témoin qui a été présent la nuit du viol et qui a confirmé la version de la victime et de son fiancé. En sachant que le témoin est disposé à présenter son témoignage, et qu’il n’a pas été appelé par le juge d’instruction jusqu’à ce jour.

Traduction faite par Alaya seghair Sana à partir de l’article en arabe déjà publié sur Nawaat.

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9Comments

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  1. 1
    fairouz

    Quand cette jeune fille dit qu’ils ont l’air d’avoir l’habitude , je ne cesse de me poser la question : combien d’autres viols ces malfrats ont-ils commis ?? Et combien de pauvres victimes (wliya) n’ont pas osé porter plainte ?? C ‘est
    SCANDALEUX !!!

  2. 2
    popopol

    vous pouvez toujours essayer d’accuser la dictature ou la sensation d’immunité des forces de l’ordre
    le vrai probleme dans toute societe musulmane est le sex, tout le sex
    sujet completement tabou et entrainant l’ignorance et une conception completement tordue et coupable de l’acte le plus naturel et le plus cosmopolite qui soit.
    la societe musulmane est malade de ce tabou

  3. 3
    Les Pacifistes de Tunis

    ET la pornographisation (tv, médias, internet) des représentations sexuelles et la dénaturation/pourrification des relations entre les sexes depuis la “”démocratisation”” de “l’accès à l’ “”information””” et à l’image, ç’est une invention ou une aubaine pour les pornocrates du monde entier?

  4. 4
    Les Pacifistes de Tunis

    CETTE SCENE DE VIOL EST UN CLASSIQUE NORD AMERICAIN ET EUROPEEN
    ****
    Rappelons à ce celles et ceux qui l’ignorent que cette affaire de viol est un « classique » nord occidental. En France (pour ne pas citer les Etats-Unis), les médias présentent quotidiennement des histoires de ce genre et toujours avec les mêmes « détails croustillants » (comme disent les commentateurs graveleux dans le pays en question). Les cinéastes en raffole et leurs films ne manquent jamais de telles scènes.
    Or, cette violence est inhérente au capitalisme. Ici, elle est sexuelle mais le capitalisme s’en fiche. Il la produit et il vend aux masses via les médias du Système. C’est un mécanisme bien huilé protégé que même les critiques ne peuvent arrêter en raison de sa protection par un dispositif légal très sophistiqué.
    Dans un pays comme CUBA, ce genre de choses ne se produit plus depuis la Révolution de 1959. Cherchez pourquoi au lieu de pousser des cris de vierges effarouchées et nationalistes parce que la victime est ici tunisienne.
    ****
    Quelle différence structurelle y a-t-il entre la Révolution cubaine et la ««révolution»» tunisienne. La première est réelle et a changé les rapports de domination économique (malgré tous les coups bas de l’impérialisme). La seconde n’est pas une révolution parce qu’elle n’a rien changé du tout de la domination bourgeoise et parce que ses protagonistes se sont associés à l’impérialisme pour en briser une à nos portes, celle de 1969 en Libye. Le soir où il apprit la nouvelle de l’assassinat de Gaddafi (présumé mort dans les médias du Système), Marzouki a « esquissé des pas de danse ». Pas mal pour un droitdel’hommiste, n’est-ce pas ?
    ****
    Par ailleurs, les Arabes n’ont rien à voir avec ce type de relations sexuelles violentes. Cela ne fait pas partie de leur culture tout comme les Africains et les Asiatiques en général [1]. Simplement, la pornographie technologique est passée par là et lave les esprits à grandes eaux. Que Marzouki et autres pitres du cirque tunisien, au lieu de vanter les valeurs de l’American Way of Life aux Tunisiens, aille proposer une collaboration « Sud-Sud » à Cuba pour en finir avec ce cauchemar mortifère de la pornographie.
    ****
    Sources :
    1. Yasmin Alibahai-Brown : « De la sensualité asiatique ; ou de la supériorité de l’Orient sur l’Occident en matière de sexe », pages 68-77. In : Stephen Bayley, Editions Autrement (France), 2002.

  5. 5
    Billy

    Le viol n’est pas une spécificité occidentale ou capitaliste, c’est trop pratique de dire çà pour empêcher toute remise en question. La domination masculine et le contrôle de la sexualité dans le cadre de logiques de pouvoir, existent dans toute les sociétés ou presque.

    Si on suit votre pseudo raisonnement comme quoi le viol est totalement étranger aux cultures arabes, africaines ou asiatiques, celà voudrait donc dire que :
    L’utilisation massive du viol lors des guerres au Congo dans les années 1990, par les milices pro-Soudan dans la guerre au Darfour ainsi que les viols massifs commis par l’armée japonaise durant la seconde guerre mondiale seraient donc une pure propagande occidentale ?
    Celà voudrait dire que les milliers de victimes de viols qui témoignent et s’organisent en associations en Afrique, Moyen Orient ou Asie, seraient en fait de très bonnes actrices payées par la Maison blanche ou l’Elysée depuis des décennies pour raconter de fausses histoires de viols ?
    Les deux millions de femmes allemandes violées par l’armée rouge (armée communiste de l’URSS) à la fin de la seconde guerre mondiale, seraient donc deux millions de menteuses manipulées par Washington ?
    Les viols collectifs qui ont lieu en pleine rue régulièrement en Egypte seraient ils un complot organisé par le Mossad ?
    Le fait que le viol est mentionné par Le Code de Hammurabi, une stèle babylonienne de 2,25 mètres de haut, datant d’environ 1750 avant Jésus-Christ, exposée de nos jours au Musée du Louvre à Paris, celà ne serait que pure invention ?
    Les esclaves noirs pris au piège de la traite négrière arabe n’étaient pas sujet aux viols et à l’esclavage sexuels autant que ceux et celles pris au piège de la traite négrière occidentale ?

    Evidemment il y a des systèmes politiques qui protègent plus les individus face aux abus de pouvoir, qui donnent plus de pouvoir aux femmes afin qu’elles puissent se défendre face aux agressions sexuelles. Mais le viol existe malheureusement un peu partout et il doit être pris au sérieux partout comme un problème profondément ancré et très grave, et non pas comme une simple “mode” apportée de l’Occident.

    • 6
      Les Pacifistes de Tunis

      LE VIOL EST UNE ENIEME ABOMINATION DU CAPITALISME

      Nous n’avons jamais dit qu’il était purement d’origine « occidental » et qu’il est complètement étranger (les contacts entre les sociétés, ça existe…). Nous renvoyons à un livre, un article que nous avons écrit récemment au sujet de l’affaire « nationale » de celui de la jeune fille en Inde. Tous les arguments en faveur de la pornographie sont passés en revue. Aussi, pour ne pas se répéter nous y renvoyons les lecteurs de même qu’une réponse à une objection similaire :

      LIVRE : « ‘Sexe, capitalisme et critique de la valeur. Pulsions, dominations, sadisme social ». Sous la dir. De RICHARD POULIN ET PATRICK VASSORT. M Editeur. Collection Marxismes, 2012.

      ARTICLE : « Le viol en Inde et ailleurs : une énième abomination du capitalisme » (Les Pacifistes de Tunis, 15 fév. 2013)

      COMMENTAIRE : « La pornographie mondialisée, stade suprême de l’impérialisme » (Les Pacifistes de Tunis, 10 mars 2013)

      Le plus grand biais dans ces débats est de faire abstraction de la pornographie technologique (alors que c’est un fait sans précédent dans l’histoire de l’Humanité) et d’affirmer que la pornographie a toujours existé. On ferme ainsi les yeux sur un événement majeur : le changement qualitatif de la pornographie il y a 3 décennies et le début de sa diffusion tous azimuts pour atteindre pratiquement tous les foyers du monde.
      Le viol par les armées de tous pays depuis 3 décennies s’explique ainsi par la diffusion de la porno-graphie (cassettes, télévision, cinéma, internet, etc.).
      Le viol par les armées avant les années 80 n’avait rien à voir par son ampleur et sa violence avec celui pratiquée auparavant. Depuis les années 80, les soldats font tout simplement « comme ils voient » (comme le jeune violeur dans le livre sur les viols collectifs écrit par Samira Bellil en France).

      En Asie et en Afrique aujourd’hui, les viols se multiplient partout, une première dans leur histoire. Il y a là un rapport avec le développement, au nom de la sacrosainte « liberté » du marché capitaliste, de la pornographie (voir nos articles). Les associations de citoyens défendant les femmes violées sont désemparés car leur adversaire est très puissants : les pornocrates et leur industrie et les politiques qui les soutiennent (à commencer par les obsédés sexuels du style de William Clinton).

      Les viols collectifs en Egypte ou ailleurs viennent de l’omniprésence de la pornographie.
      L’armée rouge a libéré l’Allemagne. Ses soldats n’ont jamais violé « deux millions de femmes alle-mandes » (propagande abjecte).

      Le viol a toujours existé dans l’histoire est lié à un certain nombre de facteurs sociologiques propres à chaque société (patriarcats, etc.). Qu’il soit mentionné dans des sociétés où la violence était sacrée (tout comme le fait que des fresques pornographiques se comptant sur les doigts de la main aient été gravées dans le flanc des montages en Inde il y a des milliers d’années) n’est aucunement comparable à la violence généralisée et la destruction des rapports entre les sexes que le capitalisme décadent nourrit.

      Quand aux femmes esclaves victimes de l’esclavage arabe, la bassesse de l’argument ne mérite même pas de s’y attarder.

      Nous n’avons jamais dit que le viol est une « mode » occidentale. Nous disons que c’est une politique savamment planifiée par le capitalisme. La pornographie mondialisée est le stade suprême du capitalisme.

  6. 8
    Koutaiba

    C’est vraiment dommage qu’il y a certains qui accusent la fille et n’arrêtent pas de poser des questions très banales “pourquoi ils sont seuls dans un endroit pareil?” “c’était quoi la tenue de la fille?” … Les musulmans (les sociétés patriarcales) accusent toujours la femme en croyant que l’homme qui est supérieur ne peut pas être fautif… et pour ceux qui prétendent défendre les droits de la femme mais c’est eux promeuvent la violence contre la femme en utilisant de gros mots en méprisant la mère!!! C’est un phénomène social très grave qui envahit les lycées, les écoles, les cafés,et malheureusement dans les institutions publics et surtout au ministère de l’intérieur …on trouve partout ce type de violence verbale. Cela nous montre les troubles psychologiques chez les policiers! Je me demande si ils passent des testes psychotechniques durant le recrutement!

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