Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

A l’évidence, les questions économiques ne sont pas le fort du « gouvernement le plus fort de toute l’histoire moderne de la Tunisie » (Bouchlaka dixit). A côté de la vacance du poste de ministre des finances et la désignation d’une momie à la tête de la Banque Centrale, faits très révélateurs de la subsidiarité de l’économie nationale dans la hiérarchie des préoccupations générales du gouvernement nahdhaoui, s’ajoutent graves incongruités révélatrices de l’incompétence sinon de l’irresponsabilité de l’Exécutif dans les prises de décisions économiques et dont la dernière en date est le recours à l’emprunt pour stabiliser les réserves en devises du pays.

En effet, le Ministre chargé des affaires économiques et sociales a annoncé que les réserves en devises du pays vont s’améliorer à partir du mois de novembre 2012 après la mobilisation de 3500 millions de dinars provenant de crédits et de financements étrangers. Et toujours selon notre Joseph Stiglitz nahdhaoui, en l’occurrence, Ridha Saidi, ces mesures renforceraient la capacité de la Tunisie à importer de 95 jours à 120 jours. Cette capacité étant, selon ses dires, amoindrie du fait du remboursement par l’Etat d’un prêt de 650 millions de dollars au cours du mois d’avril 2012.

Sans détours de langage, puisant ses connaissances dans le génie des tortues, le Ministre a affirmé que la Tunisie emprunte non pour des investissements futurs mais pour payer ses dettes. Et là où tout le monde y voit, l’hellénisation de la crise économique, le scénario grec, les prémices de l’effondrement économique et le point de non retour dans la tortueuse descente aux enfers du surendettement, il n’y voit qu’une mesure presque routinière de régulation et qu’avec la volonté de Dieu, tout rentrerait dans l’ordre prochainement.

Par ailleurs R. Saidi, par placidité naturelle ou disposition doctrinale, n’est pas non plus un tantinet alarmé par la déroute du système bancaire, le taux d’inflation record, le trou béant du déficit commercial, la baisse des exportations, la décroissance de la production des industries manufacturières, la diminution des investissements…etc. En somme, même si tous les indicateurs économiques du pays (facilement consultables auprès de l’Institut National de la statistique) ont viré au rouge corroborant ainsi les prévisions des agences de notation et les craintes fondées de tous les acteurs économiques, le Ministre se veut, pour une raison indéchiffrable, optimiste et rassurant. Ce même optimisme déplacé qu’il a toujours su garder même quand il s’agissait d’évaluer la politique économique de Ben Ali dont il faisait ressortir les aspects singulièrement positifs dans son ouvrage, qui n’a pas fait date, publié en 2009 et intitulé « Economie nationale : réalités et perspectives ».

Pour cet, islamiste formé à la conduite économique du pays dans les locaux régionaux de la Société Tunisienne de l’Electricité & Gaz STEG, soit le courant passe, soit il ne passe pas. Si ça passe, et en vertu d’un hadith bien connu, le succès est doublement récompensé Si ça casse, l’échec, en tant que résultat d’un effort louable, est simplement récompensé. L’échec étant ainsi considéré comme un demi-succès, la déconfiture de l’économie nationale est alors perçue comme telle ; un demi-succès que le Ministre de l’Agriculture, Mohamed Ben Salem, qualifie sans vergogne de « miracle économique » !

Pour un gouvernement-cour-des-miracles qui gère le pays à partir de ces principes, il n’y’a pas lieu de s’étonner si le Premier Ministère compte s’offrir pour 130 millions de dinars le siège du Rassemblement Constitutionnel Démocratique qui appartient déjà à l’Etat. Ces non-sens, véritables délits de prédation de la trésorerie publique, font désormais légion.

Ainsi, alors que nos réserves en monnaie étrangère s’épuisent, l’importation en devises, de 100 000 berbec, le mouton roumain halal, pour réguler le prix du mouton de l’Aïd et le stabiliser au niveau d’un SMIG et demi( !) n’a rien résolu côté pouvoir d’achat et le prix du mouton local n’a pas baissé. La résultante de ce coup dans le dos de l’élevage extensif local est évidemment les considérables méventes de berbecs sur lesquelles le Ministère du Commerce s’est lâchement tu. Et comme l’échec-demi-succès doit être récompensé, ce sont les sympathisants du parti Ennahdha qui ont empoché les non ventes sous forme de côtelettes pré électorales.

Cette régulation qui ne règle que ses comptes aux comptes de la nation récidive encore par l’importation prévue de 5 millions de litres de lait après la hausse de son prix malgré l’accord avec les producteurs en vue de retrouver le niveau de production requis, l’existence d’un stock stratégique de 13 millions de litres et la production quotidienne de 1,1 millions de litres. Encore que, jusqu’à ce que ces quantités soient effectivement disponibles sur le marché, la période de basse lactance sera dépassée et la pénurie présumée archivée. Et le Ministre R. Saidi, stratège économique chargé des études et de la planification au sein du bureau exécutif du parti Ennahdha, radote sur la nécessité de la régulation du marché et la pertinence des choix du gouvernement.

La pertinence de ces choix on l’a vue par exemple avec l’actuel Ministre de la Santé Abdellatif El Mekki qui comptait réguler le marché des médicaments en baissant à court terme le nombre des malades. Et en vertu de cette philosophie économique nahdhaouie, le Ministre R. Saidi, compte lui aussi, dans le cadre du budget de l’Etat 2013, réguler le marché de l’emploi par « la suppression de plusieurs mécanismes de lutte contre le chômage, tels que celui des ouvriers des chantiers (plus de 77.000), étant donné qu’il affecte le marché de l’emploi et épuise le budget de l’Etat en subventions sociales » !

Pour revenir au sujet des « ressources d’emprunt, le budget de l’Etat 2012 (y compris le budget complémentaire) prévoyait un financement par l’endettement de l’ordre de 23% ce qui correspond approximativement à 6000 millions de dinars. Or les crédits octroyés par les banques et organismes financiers internationaux ont été retirés à concurrence de 75%, soit 4500 millions de dinars, au 31 octobre 2012. Mais sans incidence sur la reconstitution du stock en devises. Même si les 25% restants des crédits seraient alloués à la reconstitution de ce stock, tout au plus cela porterait la capacité à importer de 95 jours à 110 jours, toutes choses étant égales par ailleurs, notamment, un équilibre miraculeux de la balance commerciale durant la période concernée. Ce qui n’est pas le cas de la réalité économique et d’un gouvernement qui, sciemment, arrête d’approvisionner en eau les éleveurs de bétail pendant la canicule puis se trouve dans « l’impérative nécessité » d’importer des berbecs.

Dans tous les cas, soit nous sommes devant un mensonge d’Etat à mettre à l’actif du compte déjà très étoffé du Ministre R. Saidi et de son gouvernement de titans, puisque l’objectif des 120 jours ne sera jamais atteint avec les moyens mis en œuvre, soit d’un gouvernement provisoire se plaçant hors la loi en essayant désespérément d’atteindre cet objectif, uniquement par souci électoral, en outrepassant dangereusement, par le surendettement, le cadre plus ou moins légal d’un budget approuvé par la moribonde Assemblée Constituante et son semblant de légitimité. Et dans les deux cas c’est l’assassinat économique de la Tunisie qui sera le sujet du prochain ouvrage de R. Saidi. intitulé « Economie nationale : réalités sans perspectives ».