Quand le travail forcé devient institutionnalisé … Grève des internes et résidents en médecine

La lutte des internes et résidents en médecine continue.

Face à l’autisme du ministère de la santé publique, les internes et résidents en médecine de Tunis, Zaghouan, Nabeul, Bizerte, Menzel Temime, Menzel Bourguiba et Jendouba entrent en grève à partir du 13 novembre et ce, pendant une semaine. Le motif de la grève est le non-respect par le ministère de la santé publique des accords précédemment signés le 24 juillet 2012 et qui suspendait le service.

Le ministère de la santé a sorti sa cravache pour obliger les médecins à aller boucher les innombrables trous des problèmes de la santé publique. Reprenant une vieille loi faite au temps de Ben Ali, Abdellatif Mekki espère forcer les médecins résidents en fin de spécialité sans aucuns critères d’exemption à aller faire le service civil.

«  Cette loi a été faite sur mesure pour les médecins vu qu’elle parle seulement de “ceux qui sont encore en formation après l’âge de 28 ans” ! Pourquoi donc ? N’y a-t-il que les médecins qui ne soient qui soient indispensables aux régions de l’intérieur du pays ? On prend en otage nos diplômes simplement parce qu’on croit qu’on ne se mobilisera pas assez pour les contrer. »

174 médecins comparaissent devant le tribunal militaire pour ne pas avoir répondu à l’appel sachant qu’une convention signée entre le SIRT syndicat des internes et résidents en médecine a suspendu l’application de cette loi. 

Le 30 octobre 2012, le ministre est allé plus loin en déclarant vouloir imposer prochainement un « service obligatoire de deux ans dans des hôpitaux régionaux pour les médecins résidents avant leur installation».

Un interne rapporte :

« Je ne suis pas contre le service national mais si vous voulez que je le fasse dans ce cas que tout le monde tout cursus universitaire confondu le fasse, qu’on me donne la sécurité absente même dans les grands CHU de Tunis à quelques mètres du ministère de la santé, qu’on me donne les moyens pour faire de ce service national un bonheur pour les citoyens en manque de médecins spécialistes et non pas un simple médecin installé derrière un bureau à rédiger des lettres de liaison pour transférer les malades qu’il ne peut pas traiter faute de moyens.» 

Devant l’absence de dialogue possible avec le ministère de la santé qui refuse de rencontrer les syndicats officiels, la dernière solution pour se faire entendre reste la grève. Les médecins internes et résidents de Tunis, Zaghouan, Nabeul, Bizerte, Menzel Temime, Menzel Bourguiba, Jendouba feront grève du 13 au 19 novembre 2012 répétition

Le ministère de la santé hausse le ton et menace les internes et résidents d’une retenue sur salaire pour chaque jour de grève. Il n’entend pas respecter l’engagement de sa suspension qu’il a signé le 24 juillet 2012. Il a même signifié à l’administration des hôpitaux de noter les noms des grévistes.

Cette position va à l’encontre des conventions signées par la Tunisie au sein de l’Organisation Mondiale du Travail. En effet, la convention n° 105 stipule que « tout membre s’engage à supprimer le travail forcé ou obligatoire et n’y recourt sous aucune forme, notamment en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. »

Pourtant, ce que Mr Abdellatif Mekki veut imposer et appelle « devoir national » n’est rien d’autre que du « travail forcé ou obligé ». Selon la convention numéro 29, le travail forcé se définit comme « tout travail exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré ».

Cette définition exclut le service militaire obligatoire c’est-à-dire les travaux ayant un caractère purement militaire. Cette même convention ratifiée par la Tunisie en 1962 précise aussi que seuls les adultes de sexe masculin peuvent être assujettis au travail forcé ou obligatoire, lequel ne peut dépasser soixante jours par période de douze mois. L’exécution de ce travail ou service ne doit pas obliger les travailleurs à s’éloigner du lieu de leur résidence habituelle.

Enfin, les travailleurs forcés doivent être rémunérés en espèces et à des taux qui, pour le même genre de travail, ne doivent pas être inférieurs ni à ceux en vigueur dans la région où les travailleurs sont employés, ni à ceux en vigueur dans la région où les travailleurs ont été recrutés.

Une alternative proposée par un médecin est celle d’affecter les assistants et les professeurs à la place des résidents :

« L’intérieur du pays a droit à une médecine de qualité, qu’on lui propose d’affecter les professeurs et les assistants, on les suivra pour apprendre, comme ça tout le monde en profitera … »A bon entendeur …

Il ne faut pas oublier que pendant cette grève des équipes de garde assurent les soins urgents et que la grève ne concerne pas les services de réanimation. De ce fait, pour certains services la grève n’a changé que sensiblement la qualité du service qui, au lieu d’être réparti sur toute l’équipe d’internes et résidents, se trouve portée sur les épaules de l’équipe de garde uniquement.

Les médias boudent cette grève ou pire, décrivent les médecins comme « des bourgeois qui se plaignent ».

Un médecin déclare sur facebook :

« On n’est pas contre le service national comme veut le faire croire le ministre pour que l’opinion publique se retourne contre nous mais on refuse de faire les frais de cette loi inique qui ne prend rien en compte ! 
On ne veut pas sévir de leurre pour le peuple pour leur offrir un système sanitaire PROVISOIRE et INEFFICACE ! 
On ne veut pas servir de bouche-trous pour un système sanitaire en faillite qu’on refuse de réformer radicalement !
On réclame du matériel et la sécurité pour servir le citoyen. »

Si le ministère ne réagit pas cette fois ci, les membres et adhérents du syndicat des médecins internes et résidents sont déterminés à aller plus loin et à faire de la désobéissance civile en faisant une grève illimitée de tous les soins, jusqu’à ce que le ministère réagisse. 

Aujourd’hui en Tunisie, nos hôpitaux tombent en ruine. Le seul pilier qui les fait encore tenir debout est le corps médical. Si le ministère de la santé entend négliger cette force il verra tout le système déjà miné de partout s’effondrer.

Aujourd’hui sur les ondes de Mosaique FM le ministre temporaire de la santé publique a déclaré:

  • Les médecins sont concernés par le service national comme tout citoyen (donc avec les mêmes critères d’exemption), pourtant il déclare que aussi que les femmes médecins doivent aussi le faire
  • Il considère les médecins internes et résidents comme « étudiants » alors qu’ils prennent en charge tous seuls des gardes, des malades, des urgences et des blocs opératoires.
  • Il parle de matériel qui existerait à l’intérieur alors que dans les hôpitaux à quelques centaines de mètres du ministère de la santé publique tout manque.
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