Chaque semaine, nous essayerons, dans cette chronique, de résumer l’actualité économique nationale, afin d’avoir une vue d’ensemble et ne pas se noyer dans la masse gigantesque d’informations disponibles et de pouvoir, assurer ainsi, le suivi des projets annoncés.
Lundi 10
On commence la semaine avec de bonnes nouvelles, on apprend ainsi que les investissements touristiques ont baissé de 50% en 2012 et que 23% des 3,5 Milliards de Dettes du secteur sont accrochées.
A Sidi-Bouzid, le directeur général de l’Office du développement du Nord-Ouest a indiqué que le volume d’investissement consacré au gouvernorat est établi à 25 Millions de Dinars réparties entre projets industriels et amélioration de l’infrastructure. On apprend aussi que seulement 40% du budget de 2011 a été consommé, ce qui prouve la lenteur de la réalisation des projets annoncés.
L’INS a présenté son rapport sur la mesure de la pauvreté et des inégalités , réalisé en collaboration avec la BAD. Il conclue que 15,5% des Tunisiens sont pauvres, que 4.6% sont extrêmement pauvres et que les inégalités régionales n’ont jamais cessé d’augmenter pendant les 10 dernières années.
Même si les résultats peuvent paraitre optimistes, Il faut rappeler que sous Ben Ali, on annonçait un taux de 5% de pauvreté.
Mardi 11
L’Organisation de Défense du Consommateur s’inquiète de l’ouverture de nouveaux centres commerciaux et demande que des études d’impact soient réalisées avant de finaliser l’octroi de nouvelles autorisations.
Malgré un déficit commercial record, le gouvernement a décidé de répondre à la pénurie du lait, en important plus de 5 millions de litres de lait . Aucune décision n’a été prise pour augmenter la production du secteur surtout que la demande lybienne, alimenté par les réseaux de contre-bande, est la cause de ces pénuries.
Jaap Wienen, Secrétaire Général Adjoint de la Confédération Syndicale Internationale, a soutenu la centrale syndicale dans sa grève générale, Il a rappelé dans que si cette situation se perpétue, la CSI, qui est en relation avec les Nations Unies, le Fonds Monétaire International et autres institutions qui aident la Tunisie financièrement, fera le nécessaire pour soutenir le droit syndical …
Le coût de la grève, estimé à 700 Millions de Dinars par les partisans d’Ennahdha, chiffre fantaisiste vu que le PIB tunisien est estimé à 50 000 Millions de Dinars, c’est-à-dire que l’on ne peut créer, en moyenne, que 136 Millions de Dinars de richesse par jour, est surement négligeable par rapport aux effets du blocage politique qui accentue le flou pour les opérateurs économiques et pour les partenaires internationaux.
Il y a un coût que je voudrais bien chiffrer : la perte du capital sympathie acquis au niveau national et international à cause de ce gouvernement…
Par exemple, un Membre du congrès américain, Frank R. Wolf a écrit une lettre à la secrétaire d’état, Hillary Clinton, pour souligner le blocage qu’ont rencontré des agents du FBI pour interroger un suspect tunisien dans l’affaire de l’attaque de l’ambassade américaine à Benghazi. Il s’interroge ainsi sur les relations bilatérales et sur les aides financières (plus de 300 Millions de $US) avec un pays qui ne coopère pas sur une enquête judiciaire aussi symbolique…
Mercredi 12
L’UGTT annule la grève générale suite aux négociations avec le gouvernement qui a accepté de condamner l’attaque, de garantir le droit syndical et de créer une (nième ) commission d’enquête. Ouf ! L’économie, la nation et la révolution sont sauvées !
Un peu plus sérieux, Le président de la Cour des comptes, Abdelkader Zgolli, a remis aux trois présidences, le 27ème rapport annuel de son institution pour l’année 2011 . Le rapport conclu l’existence de plusieurs dysfonctionnements, dépassements et plusieurs cas de favoritisme.
Le rapport pointe, par exemple, que la SONEDE n’a appliqué que 35% des normes relatives au contrôle des substances toxiques dans l’eau potable !
jeudi 13
Fitch a encore abaissé les différentes notes de la Tunisie, à cause des incertitudes politiques, du creusement du déficit budgétaire et de la persistance d’un taux d’inflation élevé. Encore un complot contre le meilleur gouvernement de tous les temps…
Encore une conspiration, l’usine du Groupe Chimique de Medhilla est à l’arrêt complet faute de matières premières. En cause, la grève des employés de la Société tunisienne de transport des produits miniers. Maudit soit le Phosphate !
L’Assemblé Nationale Constituante a adopté , la prolongation des mesures de conciliation entre le contribuable et les services de la fiscalité, jusqu’au 31 mars 2013.
On aurait aimé connaitre l’impact de cette campagne durant l’année 2012 et ses effets sur les deniers de l’état. #OpenGouvTn un vieux souvenir…
vendredi 14
Le déficit commercial dépasse le seuil symbolique des 10 Milliards de Dinars , il augmente ainsi de 30% par rapport à 2011 dû à l’explosion des importations (+21% par rapport à 2010). Cette explosion est due, entre autre, à l’augmentation des coûts de l’énergie et des produits alimentaires au niveau mondial.
La situation libyenne a surement un impact, puisqu’un nombre important de citoyens et de commerçants bloquent , depuis mercredi après-midi, la route conduisant à Ras Jédir, pour protester contre les limitations du commerce transfrontalier par les autorités libyennes.
La solution pour ces miséreux viendra surement d’un renouveau économique de la région, par exemple, l’énergie solaire. Or les acteurs du secteur se plaignent de la gestion catastrophique de la part des instances de supervision étatiques !
Ils n’ont alors qu’à se contenter des subventions de l’état qui garantissent des prix à la portée des citoyens. Malheureusement, les prix affichés, des pommes de terre par exemple, sont le double des prix fixés…
L’état n’a donc plus les moyens de contrôler le marché intérieur, et les responsables à sa tête pensent qu’ils pourront rapatrier l’argent spolié par la clique de Ben Ali…
Pour finir la semaine avec une note positive, on vous propose de lire l’analyse de l’économiste Hernondo de Soto , qui pense que l’économie informelle, source de précarité, est le vrai mal des pays de la région.
Bonne Semaine !
Excellente revue ! Merci : Mais quelles sont les réalisations concrètes du gouvernement ? Pour pondérer cet esprit critique, il faut voir également ce que fait l’Etat, ou y aurait-il un manque de volonté ? Quels sont les obstacles ?
Merci, vos feed-back m’intéressent afin de pouvoir améliorer la qualité de mes chroniques. Mon style acerbe peut paraître partisan ou subjectif, mais ça n’en n’ai rien, je continue à penser, qu’économiquement, la situation auraient été à peu prêt la même (sauf pour le tourisme peut être) avec n’importe quelle formation politique au pouvoir.
Le gouvernement a réussi quand même à éviter la grève générale ce qui montre une capacité de négociation assez forte.
Il continue d’avoir un soutien populaire conséquent malgré l’usure du pouvoir.
Sinon économiquement, il réussit encore à convaincre les partenaires économiques qu’il est le représentant légitime de la Tunisie, et il a réussi à impulser les investissement du Qatar qui est devenu le 2ème investisseur étranger après la France (à comparer avec la taille des 2 pays et le rôle que joue à la France depuis 2 siècles).
Je pense que le gouvernement essaie en même temps d’optimiser ces chances pour les prochaines échéances tout en limitant les dégâts économiques. Un jeu d’équilibriste. Ça pouvait être pire :)
Concernant les obstacles je pense que:
– L’héritage de l’ancien régime est structurel: Administration inefficace et corrompue, Secteur privé basé sur les réseaux plutôt que sur les compétences, Situation de rente dans plusieurs secteurs, situation sociale catastrophique, choix économiques désastreux (Education, secteurs soutenus,infrastructure, Transport public, secteur bancaire sinistré…)
-au niveau régional, tout nos partenaires sont en situation difficile: Crise de la Dette Européenne, Situation encore instable en Libye, concurrence intense des produits asiatique.
– les opérateurs économiques sont encore en état de choc post-révolutionnaire, l’aversion au risque est très élevée, les circuits de distribution sont perturbés, les réseaux d’influence sont en transition
– L’inexpérience en gestion des affaires publiques et les choix politiques
– L’inadhesion d’une grande partie des citoyens rend le climat économique et social morose et tendu
Ce n’est pas une liste exhaustive, mais comme on dirait en arabe “شوية من الحنة، و شوية من رطابة اليدين…”
Il y a sûrement des solutions réalisables: je ne pense pas que la situation soit inextricable:
– Pour les subventions des produits énergétiques: il suffirait d’une carte essence par famille / voiture 4CV limitant les subvention mensuelles à un plein, par exemple. Le reste étant au prix réel.
Limiter la consommation de l’Administration au maximum. Investir dans les transports publics (tram).
– Pour les produits de contrebande: autoriser les contrebandiers à acheter sur le marché international pour qu’ils puissent revendre les marchandises à la Libye. Autant leur fournir du lait français à 0.5 euros, pourvu qu’ils paient en devises étrangères…
– Au niveau des impôts, ceci est un long processus, mais autant encourager les transactions électroniques: non seulement ceci permet de contrôler les flux, mais permet d’empêcher les hold-ups par ex…
Le réel problème en ce moment, c’est avoir une stratégie clair, une feuille de route, avec des priorités, des objectifs à atteindre, des dates et des mécanismes de contrôle étatique,juridique et citoyen.
Il y a des solutions innovantes pour tous les problèmes, il suffit de voir ce qui s’est passé ailleurs, on ne réinvente pas la roue.
Qu’elle sont les solutions qu’on doit entreprendre afin de pallier a ces inefficacités .sinon la faute est du exclusivement à ce gouvernement
Les solutions ne sont pas évidentes, il y a des dilemmes, des arbitrages et surtout une situation qui ne peut pas s’améliorer radicalement sur le court terme.
Mais ce qui manque en ce moment, c’est les actes symboliques qui peuvent calmer la tension et font éviter les troubles sociaux:
– réduire le train du vie de l’Etat et de l’ANC, une assemblée qui n’a pas terminé son travail à temps devrait travailler bénévolement (on verra qu’ils accéléreront!)
– Se concentrer sur la sécurité des frontières et des citoyens, sans les attaquer quand ils manifestent…
– Accélérer la réalisation des projets annoncés
– Élaborer rapidement des conventions avec les autorités libyennes concernant le commerce.
– Terminer rapidement les réformes politiques lancées, et la rédaction de la Constitution.
Merci pour cette revue indispensable. Voici une enquête qui vient de débuter et qui devra sûrement vous intéresser.
http://zelzel.net/deconstruire/contre-revolution-en-tunisie-la-strategie-du-choc-et-la-banque-mondiale/
partie I:
http://zelzel.net/deconstruire/contre-revolution-en-tunisie-la-strategie-du-choc-et-la-banque-mondiale-part-i/