En Tunisie, nombreux étaient ceux qui, sous Ben Ali, criaient à l’injustice. Des cris souvent étouffés par la censure et l’auto- censure, par la peur des représailles ou celle des persécutions. En Tunisie, deux ans après une révolution censée garantir au tunisien sa dignité et le préserver de l’injustice, les faits sont accablants et l’injustice est plus que jamais là.
Dans la Tunisie de l’ère nouvelle, il y a comme un air d’injustice pratiquée, de surcroît par un ministère dont l’appellation est on ne peut plus en inadéquation avec les agissements : ministère de la Justice.
Nombreux sont les cas d’injustice, nombreuses sont les victimes. Deux salafistes sont morts suite à une grève de la faim, pourtant leur demande était simple : accélérer la procédure de leur jugement. Sami Fehri est encore en détention. Pourtant les faits sont clairs :un juge avait émis son ordre de libération.
La mise côte à côte des deux occurrences semble hasardeuse pourtant elle ne l’est point. Toute personne ayant un sens certain de neutralité le comprendrait.
M. Fehri est, incontestablement, victime d’injustice. Qu’importent ses projets, sa manière d’être ou son passé. Les salafistes morts suite à une grève de la faim sont victimes d’une injustice. Qu’importent leurs crédos, leur manière d’être ou leurs agissements.
Le décès des deux islamistes a touché nombre de personnes. La mort morale de Sami Fehri telle qu’elle est exprimée dans sa lettre d’hier a touché nombre de personnes.
Qu’il est amer le goût de l’injustice même quand celle-ci est pratiquée sur l’Autre, un autre pas du tout semblable à soi mais auquel on s’identifierait aisément. Un Autre si loin, mais tellement proche.
Sami Fehri je ne vous connais point. Mohamed Bakhti et Béchir Golli je vous connais point. Cependant, au nom d’un idéal que j’ai cru, un jour, possible, la dure épreuve que vous vivez ou avez vécue m’atteint profondément. Au nom d’une justice que l’on croyait possible, vous me touchez particulièrement. Au nom d’une Tunisie que j’espérais meilleure, votre douleur m’affecte.
Qu’importe si l’on m’accuse (injustement, cela va sans dire) de subjectivité, qu’importe si l’on taxe mes propos de lyrisme, aujourd’hui un compatriote se meurt, aujourd’hui toute une famille est meurtrie, aujourd’hui mon pays mute et se mure dans son mutisme.
@l’auteure
Bonjour,
Vous avez peur qu’on vous accuse d’être subjective ou lyrique! Que serait une révolution sans lyrisme et sans subjectivité? Mais, il est vrai, de révolution il n’y eut guère. Ou, comme disait le poète, “Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, l’espace d’un matin”. Lyrisme, donc, et subjectivité. Désirs aussi. Sans quoi rien de réellement révolutionnaire. Il est vrai aussi, il y a lyrisme et lyrisme…Passons.
Quant à “La mise côte à côte des deux occurrences…”, outre qu’elle est “hasardeuse”, elle me paraît cynique. “Nombreux sont les cas d’injustice, nombreuses sont les victimes”. Et, pourtant et comme par hasard, vous n’en citez que ces “deux occurrences”: les deux salafistes et Sami Fehri. Le cynisme est là: on “défend” après coup les premiers (personne, ou quasiment, ne les a défendus de leur vivant. Certains ce sont même réjouis de leur mort) pour dénoncer une “injustice” dont serait victime M. Fehri. L’on est dans ce petit texte, malgré (ou à cause de) ce douteux “Toute personne ayant un sens certain de neutralité le comprendrait”, de plain pied dans la “justice” -ou l'”injustice”- sélective, dans le “lyrisme” peu joyeux, via une petite opération d’instrumentalisation qui ne fleure pas le “jasmin”.
[…] Article publié dans Nawaat le 20 décembre 2012 (http://nawaat.org/portail/2012/12/20/quand-expire-dans-linjustice-celui-qui-aspirait-a-la-liberte/) […]