La mutation du juge d’instruction chargé de l’affaire du Sheraton Gate au poste d’inspecteur a été un évènement qui a soulevé beaucoup de polémique. Cependant dans la même journée de cette mutation effectué le 29 janvier, le ministre de la Justice a procédé à un mouvement partiel dans la magistrature. Ces deux actions ont été sujettes à confusion de la part des lecteurs.
Mouvement partiel dans la magistrature
Le mouvement partiel dans la magistrature qui a eu lieu le 29 janvier a concerné des dizaines de juges. Selon Faouzi Ben Jaaballah, conseiller du ministre de la Justice Noureddine Bhiri, la décision de ce mouvement partiel dans la magistrature émane du Conseil Supérieur de la magistrature et non du ministre de la Justice.”
A cela, l’Observatoire de l’indépendance de la magistrature (une association créée au mois de mars 2012), présidé par le juge Ahmed Rahmouni, répond que ce Conseil Supérieur de la Magistrature est présidé par le ministre de la Justice Noureddine Bhiri.
Les décisions qui émanent du ministère de la Justice, sous l’appellation mouvement de la magistrature, sont dénuées de tous les critères de légitimité et de crédibilité puisqu’elles proviennent d’un Conseil Supérieur de la Magistrature, dissous en réalité et sur le plan légal.
L’Observatoire rappelle aussi à l’opinion dans leur communiqué publié le 29 janvier que
Ce CSM est composé de juges impliqués dans la politique répressive de l’ancien régime. D’après les juges de l’Observatoire, ce Conseil n’est pas représentatif des magistrats. […] De surcroît, le ministre de la Justice s’est accaparé la préparation de ce mouvement de la magistrature et s’est contenté du CSM pour donner une légitimité protocolaire et factice
Par ailleurs, l’une des raisons les plus mentionnées du ministère de la Justice serait de combler les vides, notamment au niveau du pôle judiciaire. Ainsi la mutation du juge d’instruction chargé de l’affaire du Sheraton Gate, selon le ministère de la justice, est pour combler un vide au niveau de l’inspection.
Pour M. Ben Jaballah, les déclarations de l’Observatoire sont erronées puisque selon le ministre de la Justice, le Conseil Supérieur de la Magistrature serait légitime et légal.
Indignation
Les juges, représentés par l’Observatoire pour l’Indépendance de la magistrature et de l’Association des Magistrats Tunisiens (créee en 2005, dont les adhérents sont plus de 1572 magistrats), ont exprimé par le biais de communiqués et de déclarations médiatiques que ce mouvement, dirigé par l’exécutif nuit à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les juges indépendants et les organisations représentatives des magistrats ne cessent de contester la main mise du politique sur le cours de la justice.
L’un des points qui a pu rassembler le ministère de la Justice et celui des juges serait la mise en place de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire. Il est donc clair que c’est au niveau de l’Assemblée Constituante que le sort de la justice va être scellé. Rappelons qu’au mois d’aout 2012, le projet de loi pour cette instance a été bloqué suite au refus d’Ennahdha de l’indépendance de l’Instance. Jouissant de 89 députés, Ennahdha ne peut imposer la non indépendance de cette instance puisqu’il lui faut 109 voix au moins. Le problème reste donc l’absentéisme des autres députés des autres blocs pour voter pour l’indépendance de l’instance et sortir le pays de la crise au niveau du pouvoir judiciaire.
Au niveau politique, le remaniement ministériel reste “le feuilleton” le plus dur à regarder pour sortir de l’impasse actuelle. Le parti islamiste, à travers le Président de son bloc a l’ANC, a déclaré sur Al Jazeera que ses alliés de la Troïka, n’ont pas décrété l’échec du ministre de la Justice.
Pourtant pour les deux alliés d’Ennahdha, CPR et Ettakatol, le remaniement au niveau du ministère de la Justice est une condition sine qua non pour rester dans la coalition au pouvoir. Cet ultimatum posé par les deux partis signifie un constat d’échec du ministre de la justice dans sa mission. Néanmoins, au-delà des négociations politiques, ce sera donc aux députés, véritables représentants du peuple, de désamorcer cette crise judiciaire en accélérant la mise en place de l’Instance provisoire de l’Ordre judiciaire qui pourrait remplacer le Conseil Supérieur de la Magistrature.
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