Crédit Photo : http://www.lejournalcom.com
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Le processus de composition-décomposition des blocs est récurent à l’Assemblée Nationale Constituante en Tunisie. Hier, ce sont deux députés Hasna Marsit et Naceur Brahmi, du bloc Wafa qui ont annoncé qu’ils s’en disloquaient. Arbi Ben Hamadi, membre du comité constituant a également quitté le parti. Leur démission, certes emblématique, serait similaire à celle d’autres partisans du CPR et de Wafa, à l’origine du vol en éclats des deux partis.

Raisons de la démission

  • a. Un parti sous-traitant d’Ennahdha

Pour la députée Hasna Marsit, une militante abolitionniste avant tout, le parti Wafa s’est éloigné de ses principes pour embrasser l’idéologie religieuse « Cela n’est pas récent, le parti a dérivé de ses principes, de ses idées de lumière, des droits de l’Homme » assure-t-elle avec regret.

Quant au deuxième démissionnaire Naceur Brahmi, ex-professeur à la faculté du 9 avril, il dit que Wafa s’est construit sur « la non idéologie », pour éviter la bipolarisation. « Nous refusons la bipolarisation. Pour lui, « le parti travaille maintenant en sous-traitance pour le parti Ennahdha » affirme-t-il

Il a aussi rappelé que le CPR et Wafa ont été construits sur le principe de « la non religiosité », indépendants de toute idéologie, « car le temps des idéologies est fini » assure-t-il.

« Ce qui est arrivé c’est que ces deux partis sont devenus progressivement des soutiens inconditionnels au parti islamiste Ennahdha, travaillant pour lui en sous-traitance. »

  • b. Contre la dite “Ligue de Protection de la Révolution

L’autre sujet qui fâche et divise, ce sont ces Ligues qui sont apparus après le scrutin du 23 octobre 2011, réclamant ouvertement la justice, non à travers les institutions de l’Etat mais par ses propres mains. Faisant l’amalgame avec les comités révolutionnaires constitués spontanément par des jeunes de la Tunisie qui ont protégé leurs quartiers des casseurs et voleurs pendant les premiers mois de la Révolution, le leader du parti Wafa Abderraouf Ayadi a adoubé cet autre groupe qui a récupéré le concept des comités et qui s’est fait appelé “Ligue nationale de Protection de la Révolution“.

Après l’attaque de l’ambassade des Etats-Unis, M. Ayadi a même béni ces Ligues alors qu’elles ont été soupçonnées à maintes reprises de violence et transgression de la loi. Il a également estimé que “ceux qui sont contre les ligues travaillent pour un projet de collaboration avec l’ennemi extérieur“.

“Ces Ligues nous ont menés là où nous sommes grâce au mouvement de la Kasbah !” dit-il lors d’une intervention à l’ANC au mois d’octobre 2012.

Pour la députée Hasna Marsit, ces ligues sont impliquées dans des actes de violence que la justice tarde encore à trancher. En effet, actuellement, en l’absence d’institution pour le pouvoir judiciaire, c’est plutôt le pouvoir exécutif de Noureddine Bhiri, ministre de la Justice, qui fait loi.
Le parti du ministre, le parti Ennahdha, soutient également les Ligues allant même jusqu’à publier un communiqué de son Conseil de la Choura où il estime que les accusés dans la mort de Lotfi Naghdh, un partisan du parti Nidaa Tounes de Tataouine, (le 18 octobre 2012) seraient “innocents et auraient fait un travail patriotique contre les “anti-révolutionnaires.

“On dirait qu’aujourd’hui, chaque parti a ses milices ! Personnellement, je suis pour la dissolution des dites “Ligues de protection de la Révolution” et contre la bénédiction faite par le parti Wafa à ces groupes ” déclare Hasna Marsit

  • c. Non respect des décisions du comité constituant du parti Wafa

La troisième raison de la démission des deux députés du bloc Wafa est le non respect des décisions prises par le comité constituant du parti. En effet, il était convenu de ne pas participer à la manifestation “pro-légitimité” d’Ennahdha qui a eu lieu le 16 février, cependant, cette décision a été erronée.

Pour Mme Marsit, il y a eu beaucoup de transgressions et de chaos au sein du parti. Il y aurait, selon elle, des décisions qui ont été prises par le comité constituant de Wafa qui n’ont pas été concrétisées.

Il a été décidé que Slim Boukhdhir n’allait plus être responsable de la communication pour le parti mais cette résolution n’a pas été concrétisée. Bien au contraire, il a fait encore plus de déclarations au nom de Wafa, outre-passant le comité constituant.

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Démissionnaires des partis CPR et Wafa
Le parti Wafa a pour origine le parti CPR. Comme beaucoup de démissionnaires et du CPR et et de Wafa, les deux députés Hasna Marsit et Naceur Brahmi, considèrent que l’indépendance et la fidélité aux principes de base n’ont pas été respectés par les leaders. En effet, ces deux partis se sont retrouvés affiliés au parti islamiste Ennahdha, délaissant cette notion de parti moderniste, indépendant de tout agenda et idéologie.

“Depuis l’annonce de notre démission, le groupe Wafa cherche actuellement à nous remplacer par des députés tel que Ibrahim Hamdi. Ce dernier [rappelons-le], a appelé à la remise en place de la polygamie et à l’application de la chariaa.” affirme M. Naceur Brahmi.

Le vol en éclats du parti CPR, notamment la récente démission des deux députés du bloc parlementaire Wafa, ont donc pour origine l’affiliation de ses leaders au parti islamiste Ennahdha, délaissant par là l’indépendance et le principe d’un parti moderniste appelant à la reconnaissance de l’universalisme des droits de l’Homme. Par ailleurs, au-delà des démissions, les enjeux politiques sont actuellement calculés au niveau des négociations entre Wafa et Ennahdha concernent cinq portefeuilles et ce afin d’intégrer la nouvelle coalition au pouvoir qui sera annoncée prochainement par le candidat à la présidence du gouvernement Ali Laarayadh.

Ces portefeuilles négociés sont, d’après le député Rafik Tlili [de Wafa], les ministères de la Justice, de la Justice Transitionnelle, des Finances, du Commerce et de la Réforme administrative.