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Alors que deux affaires judiciaires ont condamné fermement la liberté d’expression la semaine dernière à Tunis, le cas d’Ayoub Messaoudi met en cause un autre sujet délicat: la liberté de critiquer l’institution militaire. L’homme, dont le procès contre Rachid Ammar et Abdelkrim Zbidi continue en cassation le 19 juin, a décidé de faire appel au tribunal international.

C’était le 4 janvier 2013. Ayoub Massoudi venait d’obtenir son verdict dans le procès qui l’oppose depuis l’affaire Baghdadi Mahmoudi au général Rachid Ammar et à l’ancien ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi. Le général Rachid Ammar avait déposé une plainte contre Ayoub Messaoudi à la suite des déclarations de ce dernier sur la “traîtrise de l’Etat” qu’avait commise Rachid Ammar en ne prévenant pas le président de la République de l’extradition de Baghdadi Mahmoudi.

Le verdict avait été sévère pour Ayoub Massoudi:

  • Interdiction d’accès à la fonction publique
  • Un an de prison avec sursis
  • Privation des droits civiques
  • Interdiction de port d’armes, de toute décoration d’honneur de l’Etat et d’accès à un poste politique

Depuis, l’ex-conseiller de Marzouki est revenu en France auprès de sa famille et continue les aller-retour en Tunisie où il s’occupe de son association au Kef. Dans un communiqué, le jeune homme a déclaré qu’il allait recourir à la justice internationale pour la suite de son procès en cassation qui doit se tenir le mardi 19 juin. Joint par téléphone, il a déclaré qu’il avait entamé la requête avec un collectif d’avocats et le soutien d’associations comme la FIDH et Amesty International.

” Je n’ai plu confiance en la justice tunisienne. Les deux procès récents comme celui de Weld 15 ou du blogueur Hakim Ghanni, critiqué comme moi, d’atteinte à la dignité militaire, montre que l’on menace aujourd’hui l’un des acquis les plus importants de la révolution: la liberté d’expression.”

Ayoub Messaoudi tient encore secret le nom de la cour de justice à qui il adressera sa requête. Pour lui, son communiqué doit faire “pression” sur le jugement de mercredi.

« Au vu de la gravité de ce verdict, que je considère comme une atteinte à la liberté d’expression et aux libertés et droits fondamentaux,
Au vu de la partialité de la justice militaire dont j’ai été victime et témoin,
Au vu de l’absence de toute indépendance de la justice en Tunisie,
Au vu de l’esprit de vengeance et de revanche qui ont caractérisé le déroulement de ce procès, j’ai décidé de recourir à la justice internationale avec l’aide d’un groupe d’avocats et d’un nombre d’organisations internationales et non gouvernementales. »

L’un de ses avocats, Anouar El Bassi, reste cependant prudent: “Pour l’instant nous attendons vraiment le verdict du pourvoi en cassation. Si le jugement est cassé, il y a réellement une chance pour un nouveau procès en appel. Le problème encore une fois n’est pas de critiquer l’institution militaire mais la justice militaire qui doit rester une justice d’exception.”
Depuis le dernier verdict, le Tribunal administratif de Tunis avait finalement émis un jugement en faveur de Moncef Marzouki le 8 octobre et a désavoué Hamadi Jebali. Mais comme l’indique un de nos articles, cette décision n’avait jamais été rendue publique.

Le communiqué d’Ayoub Messaoudi et le procès en cassation interviennent à un moment où Rachid Ammar est critiqué dans différents médias à cause des événements de Jebel Châmbi qui ont fait déjà quatre morts dont trois au sein de l’armée ainsi que plusieurs blessés. Le député et ancien ministre, Mohamed Abbou l’a également critiqué dans un communiqué le 6 juin et a demandé son limogeage. Selon la radio Shems FM, le général Ammar s’exprimera bientôt sans donner pour autant de date précise.