Bouchamaoui-PA-Resources

La commission de l’énergie et des secteurs de production de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) discutera aujourd’hui, 21 novembre 2013 le projet de loi n°52 pour l’année 2013 qui concerne un accord pétrolier relatif au permis de recherche Zarat. Nous nous abstiendrons de prendre position vis-à-vis de la régularité de l’accord. Mais nous présentons des éléments qui permettront aux lecteurs de juger par eux-mêmes de cela.

⬇︎ PDF

12 mars 2013 : un gouvernement démissionnaire signe un accord pétrolier

La loi 52/2013 concerne l’avenant n°5 à la convention et ses annexes du 25 octobre 1988 régissant le permis de recherche d’hydrocarbures Zarat qui a été signée entre l’Etat tunisien représenté par Mohamed Lamine Chakhari, Minsitre de l’Industrie et du Commerce, l’« Entreprise Tunisienne des Activités Pétrolières (ETAP) » représentée par son PDG Mohamed Akrout, et la société « P.A.Resources » représentée par son Président Paul Elstone.

⬇︎ PDF

Jusqu’à maintenant, ce genre de document n’a jamais été publié. Les responsables de l’Etat ont toujours affirmé que les accords pétroliers sont rédigés d’une façon rigoureuse. Mais dès qu’on a en main l’un de ces accord, la première remarque qui nous saute aux yeux est que Mohamed Lamine Chakhari, qui a signée cet accord au nom de l’Etat tunisien n’avait que pour rôle la gestion des affaires courantes.

En effet, après la démission du gouvernement Jebali, le 19 février 2013, Moncef Marzouki, président de la République a chargé, via l’Arrêté Républicain n° 2013-31 du 19 février 2013, portant acceptation de la démission du gouvernement, a chargé le gouvernement démissionnaire de gérer les affaires courantes, et ce, jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement et son approbation par l’assemblée nationale constituante.

Nous nous demandons donc si la signature d’accords pétroliers d’une aussi grande importance fait partie des affaires courantes d’un gouvernement démissionnaire ?!

Plus de 23 ans de recherche … des résultats positifs … et ils demandent toujours plus !

D’après le projet de loi, le permis d’exploration a été attribué en 1991. Selon le rapport annuel de PA Resources, le champ (le gisement) Zarat a été découvert en 1992. Quant au champ Elyssa qui fait partie du même permis, il a été découvert au milieu des années 1970.

⬇︎ PDF

Selon la même source, ces deux gisements font partie des plus grands gisements détenus par cette société.

PA-Assets

Une présentation qui a été faite, le 29 mai 2013, à Oslo (Siège de la société mère), montre même que Zarat se trouve à la tête du top ten des champs de liquides restant.

⬇︎ PDF

Le permis a même dépassé la phase d’exploration pour entamer la phase de développement.
Dans cet accord, qui va passer sous forme de loi, PA Resources demande une nouvelle extension pour le 3ème renouvellement successif du permis de recherche. Il s’agit d’une extension de 3 ans qui prendra fin le 24 juillet 2015.

Une 3ème extension du 3ème renouvellement ?

La phase de recherche semble avoir pris un peu trop de temps. Mais est-ce légal ? Telle est la question.
L’article 28 du code des hydrocarbures, vous aidera à répondre de vous-même. Nous vous aiderons avec nos remarques. En voici le texte :

28.1. En plus des deux renouvellements prévus à l’article 23 du présent code, le Titulaire aura droit à un troisième renouvellement pour une période, n’excédant pas quatre (4) ans, si à l’expiration de la deuxième période de renouvellement, il a :

  1. découvert un gisement d’Hydrocarbures lui donnant droit à l’obtention d’une Concession d’Exploitation et déposé une demande à cet effet conformément aux dispositions du présent Code et des textes réglementaires pris pour son application,
  2. rempli toutes ses obligations durant la période de validité du Permis de Recherche arrivée à échéance.
  3. présenté une demande de renouvellement deux mois au moins avant la date d’expiration de la période de validité du Permis de Recherche.
  4. pris l’engagement de réaliser au cours de la période de renouvellement en question, un programme minimum de Travaux de Recherche dont le coût prévisionnel constitue également un engagement minimum des dépenses.
  5. fait la preuve de sa capacité technique et financière suffisante pour entreprendre les travaux susvisés dans les meilleures conditions.
  6. n’a pas commis d’infractions ayant entraîné des atteintes graves à l’environnement.

article 28 du code des hydrocarbures

Parcourons ce texte de loi point par point :

1. Le 3ème renouvellement ne doit pas excéder (4) ans. Le 3ème renouvellement a eu lieu via l’arrêté du Ministre de l’Industrie et de la technologie du 23 avril 2010. Si la loi est votée, le 3ème renouvellement prendra fin le 24 juillet 2015 comme nous le disions. La limite des (4) ans sera donc dépassée.

2. PA Resources doit avoir rempli toutes ses obligations durant la période de validité du Permis de Recherche arrivée à échéance. Selon le texte soumis à l’ANC, PA Resources n’a pas effectué un forage sur lequel elle s’est engagée précédemment.

3. La demande d’extension doit être déposée au maximum deux mois avant la fin de la validité du permis. Toujours selon le texte soumis à l’ANC, la direction n’a reçu la demande d’extension que le 22 juin 2013, alors que la validité du permis prend fin le 23 juillet 2013. Le délai a donc été dépassé de plus d’un mois.

4. PA Resources ne devrait pas avoir commis d’infractions ayant entraîné des atteintes graves à l’environnement. Les députés qui voteront la loi seraient-ils sûrs que de tels dégâts environnementaux n’ont pas été engendrés par les activités de la société.

P.A.Resources … la société pétrolière à mille et un nom !

JORT-Didon-PA-Resources

Retraçant l’historique de PA Resources, nous avons continué nos recherches dans le JORT. A notre grande surprise, nous n’avons pas trouvé d’avis de constitution de société (ou même d’une agence ou succursale) portant la dénomination PA Resource. Nous avons trouvé au lieu de cela, un avis publié dans le JORT du 11 mars 2011 qui rapporte que « La dénomination de la société Didon Tunisia Pty Limited a été changée à PA Resources Tunisia. »

Qui est donc cette « Didon Tunisia Pty Limited » ? Continuons donc à chercher dans le JORT. Nous tombons encore une fois sur un avis de changement de dénomination publié dans le JORT du 19 janvier 2007. Cette fois, l’avis nous ramène à l’ancien nom de « Didon Tunisia Pty Limited » qui n’est autre que « SOCO TUNISIA Pty Ltd ».

Nous continuons la recherche en suivant la même méthode … plus aucune trace ! Nous faisons donc appel au site AvoxData, un site spécialisé qui fournit aux professionnels des données sur plus d’un millions de sociétés dans le monde. Et là, nous y trouvons la liste des anciennes dénominations de « PA Resources Tunisia Pty limited » :

· Petrosearch Pty Ltd
· Didon Tunisia Pty Limited
· Nehoko Pty Ltd
· Soco Tunisia Pty Limited
· Command Petroleum (Tunisia) Pty Limited

⬇︎ PDF

Il s’agit des mêmes noms qui sont cité dans l’historique de l’octroi des droits de recherche cité dans l’avenant de la convention qui doit être voté par l’ANC. En remontant encore plus en arrière nous trouvons le nom d’une société qui s’appelle « MP Zarat »…

Aux paradis fiscaux avec les Bouchamaoui …

Nous avons continué nos recherches dans le JORT jusqu’à tomber sur une publication intéressante. Il s’agit d’un avis de changement de dénomination de MP Zarat. Elle s’appelle, depuis le 24 mai 2007, « MEDEX Petroleum (Tunisia) Limited ». Le nom de son PDG est Tarak Mekada. L’actionnaire majoritaire de MEDEX n’est autre qu’Ahmed Bouchamaoui, l’homme d’affaire qui était, il y a quelques années, à la tête du Groupe Bouchamaoui, aujourd’hui géré par la famille Bouchamaoui. Nous retrouvons d’ailleurs son nom associé à d’autres Bouchamaoui et à Tarek Mekada dans une annonce publiée dans le JORT du 9 octobre 2007 et qui concerne une société appelée « SICAR ZARAT ».

En cherchant dans le registre du commerce des îles Caymans, nous avons trouvé que « MEDEX Petroleum (Tunisia) Limited » y est bel est bien enregistrée. Nous nous n’arrêterons pas là !

En effet nos recherches nous ont également permis de tomber sur un navire pétrolier nommé « Didon », appelé anciennement « S/R New Orleans », « Exxon New Orleans » et « Esso New Orleans ».

Sur la coque du navire, Didon est écrit en petit caractère, mais ce qui apparaît le plus, c’est « MP Zarat ».
Le navire ne porte malheureusement pas le drapeau de la Tunisie, mais plutôt celui d’un autre paradis fiscal : le Panama. Pourtant, il est la propriété de la société MP Zarat Ltd. Depuis 2006, il est géré par une société qui s’appelle « HYDROCARBURE TUNISIE EL BIBAN ».

⬇︎ PDF

Il s’agit de l’une des filiales de PA Resources qui est domiciliée dans un autre paradis fiscal : le Jersey. Selon son rapport annuel de 2012, PA Resources possède des filiales dans d’autres paradis fiscaux. Parmi ces filiales, nous trouvons « Hydrocarbures Tunisie Corp », une société domiciliée cette fois-ci aux Bahamas.

Filiales

De retour au JORT du 17 septembre 2013, nous trouvons que le Directeur Général Hydrocarbure Tunisie Corporation n’est autre que Paul Elstone, le Directeur Général de PA Resources pour la Tunisie signataire de l’accord pétrolier qui sera soumis au vote de l’ANC.

Nous nous demandons bien pourquoi PA Resources a recourt à ce labyrinthe de paradis fiscaux et à ce jeu de changement de noms… Des explications s’imposent !