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Ciao 2013 avec son cortège de violence. Bonne année 2014 !? C’est en tout cas ce que chacun espère. Pour lui et ses proches bien sûr, pour son pays, pour le monde. Ciao 2013 c’est aussi une façon de dire vivement la fin de la période de transition que connaît la Tunisie depuis bientôt trois ans. Depuis le déclenchement de la révolution du 17-14 (17 décembre 2010 – 14 janvier 2011).

Une transition inévitable dans toute révolution qui consacre le passage de l’ancien régime au nouveau régime. Un sas d’entrée (et de tri) en quelque sorte.

En Tunisie, cette phase de transition s’est déroulée sur trois périodes :

1/ la période du 14 janvier jusqu’aux élections d’octobre 2011
2/ la période du pouvoir de la Troïka (novembre 2011 – décembre 2013)
3/ Celle issue du dialogue national et qui commencera (en principe) avec la passation du pouvoir au nouveau chef du gouvernement M. Mehdi Jomaa.

Une transition vers la démocratie qui avait pour tâche principale la mise en place des grandes institutions qui vont consacrer la démocratie en Tunisie. C’est-à-dire que cette transition devrait se clôturer par des élections générales (présidentielles, législatives, locales).

Et cette transition vers la démocratie ne pouvait se concevoir que sur la base d’un large consensus de l’ensemble des familles politiques, de pensées et de la société civile. « Mettons-nous d’accord sur les grandes institutions à mettre en place, sur la constitution du pays, sur le régime politique, bref sur les grands équilibres du système politique qui pourraient nous éviter et nous prémunir, à l’avenir, des dérives autoritaires et des tentations dictatoriales d’où qu’elles viennent ! ». Voilà ce qu’auraient dû se dire nos hommes et nos femmes politiques au cours de cette transition vers la démocratie.

Vu sous cet angle on se rend compte, à postériori, du temps perdu dans les querelles et les chamailleries le plus souvent dérisoires. On se rend même compte de l’énergie perdue autour de la question des élections de 2011 et du sens à donner à celles-ci. On comprend mieux pourquoi, au lieu de s’atteler à l’essentiel et à l’objectif principal de ces échéances, les partis politiques et les candidats se sont plutôt accrochés au caractère formel des élections (comme simple moyen) dans le seul but d’accéder au pouvoir. Oubliant l’essentiel de cette phase transitoire : construire les bases de la démocratie.

Je ne peux m’empêcher de rappeler ce texte rédigé le 8 octobre 2011 et notamment ce passage explicite « Les partis politiques se trompent peut-être d’élection. De ce point de vue je pense qu’il eut été souhaitable que ceux-ci soient un peu plus audacieux en prenant des initiatives de regroupements et des coalitions fondés justement sur les enjeux essentiels (la nature du système politique, la durée de la constituante, les urgences en matière économiques et sociales, les réponses indispensables concernant les abus et la corruption de l’ancien régime, …). Cela aurait peut-être permis aux citoyen-nes de mieux cerner les clivages entres les diverses sensibilités politiques et philosophiques. Sans oublier que les coalitions auraient du même coup réduit sensiblement le nombre de listes sur l’échiquier électoral. Il aurait fallu plus de pédagogie. Et sans doute aussi une certaine éthique ». Et un certain courage il faut le dire. Mais comme on ne peut pas refaire l’histoire…

Aujourd’hui chacun des protagonistes se renvoi la balle au sujet de ce temps perdu. Et on voit comme par magie la majorité de l’ANC, la troïka, accélérer l’allure pour terminer rapidement les débats au sujet de la Constitution, de l’ISIE, de la justice transitionnelle … Ces mêmes sujets qui avaient pourtant nécessité des débats abracadabrants en 2012 et début 2013. Mais visiblement l’année 2013 est passée par là avec son cortège de violence. Et surtout avec les assassinats et le terrorisme. Et la Tunisie, qui a pourtant réagi sainement à cette situation, en ressort néanmoins fragmentée. C’est que les politiques – et singulièrement ceux qui avaient le pouvoir – ont tout fait pour mettre en évidence ce qui divise le pays et la société (l’identité, l’idéologie …) au détriment de ce qui rassemble (les acquis de la Tunisie en tant qu’Etat-nation, l’égalité de toutes et tous par la citoyenneté …).

Comment rattraper ce temps perdu. Est-il même rattrapable ? OUI ! si les politiques font un peu leur mea culpa. Si le consensus véritable et sincère prend le pas sur les petits calculs boutiquiers et à courte vue. Et que la confiance reprenne le dessus. Confiance sur l’essentiel. Confiance entre les mouvements politiques et surtout confiance entre ceux-ci et le peuple [1].

La démocratie sur le plan politique et institutionnel peut se gagner car elle est à portée de main des politiques et de la société civile. C’est la tâche centrale de la dernière phase de la transition qui s’ouvre avec la feuille de route du dialogue national, si elle a lieu sans embûches ou manœuvres.

Mais cela ne saurait suffire ! Car l’autre grand défi c’est la démocratie sociale et économique, notamment le volet de la justice sociale. Laquelle commencera à se réaliser lorsque les citoyen-nes, lorsque les jeunes, lorsque le peuple et notamment les catégories exclues depuis des décennies en sentiront les effets positifs concrètement.

Alors, et en attendant, ciao 2013 et bonne année 2014 !?

Mohsen Dridi
Le 31 décembre 2013

P.S : Une pensée cependant pour Majeur Jabri, prisonnier d’opinion, incarcéré depuis le 13 mars 2012 et condamné à 7 années de prison. N° d’écrou : 57927 à la prison civile de Mahdia

Notes :

-1- Les élus de l’ANC comme toute la « classe politique » ne se rendent-ils pas compte qu’ils sont en train de perdre, jour après jour, le peu de crédibilité qui leur reste ? C’est sans doute là qu’il faut rechercher les raisons véritables de cette intifada parlementaire que fut le mouvement « Erahil » de 2013 suite à l’assassinat de Mohamed Brahmi. Espérons que cela ne portera pas atteinte à l’action politique en général dans le pays. Nous en aurons le cœur net et un premier aperçu lors des prochaines échéances électorales. Attention à pas jeter le bébé non seulement avec l’eau du bain mais qui plus est avec la baignoire !