Récemment, à l’occasion de la mort de Nelson Mandela, j’ai souhaité rédiger un texte par lequel je tentais une approche comparative entre ce grand homme politique et le prophète de l’islam, Muhammad (pbsl), texte paru sur nawaat.org. Au vu des réactions, sinon violentes, du moins opposées au principe même de ce type de travail, j’ai ressenti le besoin de me justifier, afin de ne pas laisser le flanc à des interprétations qui ne rendent absolument pas compte de ce qui m’a animé.
Je demande donc à tout lecteur de réfléchir à la portée des mots qui construisent ce texte, pour essayer de connaître la sincérité de celui que je suis lorsque j’écris. Afin qu’un débat apaisé et constructif, même avec des désaccords profonds, puisse se mettre en place, et ce, au service, idéaliste certes, mais réel tout de même, du genre humain.
Les motivations de la rédaction de l’Approche comparative
Les motivations qui sous-tendirent la rédaction de ce texte ont été doubles :
- montrer, par les quelques ressemblances que l’on peut objectivement observer entre la vie du prophète et celle de Nelson Mandela, en quoi ceux parmi les non-musulmans qui développent une critique hautement négative sur l’islam sont souvent animés de préjugés essentialistes alors qu’au même moment ils encensent le premier président de la République sud-africaine postapartheid, sa mort survenue
- montrer, par la mise en exergue de ces mêmes ressemblances, que les musulmans, nombreux, qui rejettent par préjugés toutes les idées, dès lors qu’elles proviennent de l’Histoire occidentale (démocratie, droits de l’homme, égalité), se trouvent en contradiction avec eux-mêmes lorsqu’au même moment, ils rendent un hommage sincère à Nelson Mandela, homme à la vie admirable du fait de la défense qu’il développa dans son action de ces mêmes idées
En tant que musulman, je reconnais et défends même le principe que Muhammad (pbsl) fut le meilleur des hommes de tous les temps. Mais il fut homme comme les autres, mangeait comme tout le monde, naquit et mourut comme tous les autres êtres humains. Puisqu’il fait partie du genre humain, il n’est pas inconcevable de réfléchir à la portée de ces faits et gestes et de les mettre en perspective dans une autre époque. C’est d’ailleurs ce que tout musulman fait, lorsqu’il prend pour modèle celui qui est pour lui le sceau des prophètes.
Or, en analysant objectivement et sereinement la vie d’un homme non-musulman (Nelson Mandela), en l’occurrence chrétien, et en remarquant, bien qu’il nous soit impossible de le mettre sur le même piédestal que le prophète, qu’il possède des ressemblances avec ce dernier (sans pour autant dire qu’ils sont des jumeaux dans l’action ou dans leur être, ce qui d’ailleurs ne fut pas l’objet de l’article qui a motivé les commentaires qui, à leur tour, ont suscité ce texte), nous pouvons démontrer que des non-musulmans, bien que ne croyant pas en la religion véridique selon notre propre conception du monde, pratiquent le bien.
L’essentialisation, une erreur pratiquée par tous les bords
L’un des risques majeurs que court notre monde provient d’une éclosion concrète d’un choc des civilisations, notamment entre l’Occident et le monde musulman.
Bien que les civilisations ont une existante certaine, par le fait qu’à l’intérieur de leurs frontières mouvantes, quelques traits communs, sur le plan culturel et historique, existent réellement et les distinguent du reste du monde, nous devons nous élever contre toute essentialisation de soi et des autres, et ce, pour deux raisons.
La première raison tient en ce que nous vivons un phénomène inédit, que l’on appelle la mondialisation. La globalisation financière et l’interdépendance économique croissantes ; la communication en temps réel qui fait qu’il est impossible d’empêcher totalement les idées, les images et les informations de circuler et de pénétrer les territoires et les esprits ; le développement phénoménal des transports internationaux ; les migrations par lesquelles les identités seront amenées à devenir de moins en moins monolithique ; tous ces faits pris ensembles impliquent que nous assistons à la naissance d’un monde nouveau, celui du cosmopolitisme. Il n’est pas impensable de songer que les hommes seront de plus en plus différenciés les uns des autres, et qu’un prédicat unique renfermera sous son vocable un nombre de plus en plus restreint de personnes. Et bien que la mondialisation donne inévitablement lieu à des crispations identitaires et pose question sur le plan éthique, les hommes n’ont pas le choix. Ils doivent apprendre à vivre ensemble, sous le même toit, sous un ciel identique. C’est pour susciter ce type de réflexions que j’ai voulu faire paraître cette Approche comparative.
La seconde raison a trait à l’humanisme que devraient posséder tous ceux qui se positionnent sur les choses de ce monde, dont la religion. Est humanisme celui qui considère les hommes tels qu’ils sont, et non tels qu’ils pensent qu’ils sont. Ainsi, du côté musulman, il devrait être possible de tenir un discours qui ne renferme par l’autre dans une prison imaginaire qui ferait de lui un participant du monde du mal. D’abord parce que nul ne peut, dans l’islam, dire qui sera récompensé ou damné dans l’Au-delà. Ensuite parce que Dieu dit dans le Coran que la différence entre les peuples existe afin que les gens aillent à la connaissance les uns des autres (Coran, s. 49, v. 13). Enfin parce que Dieu dit encore dans le Coran qu’Il jugera absolument de toutes les divergences existantes entre les communautés religieuses, lesquelles participent d’un plan divin supérieur (Coran, s. 5, v.48). Par ailleurs, en ce qui concerne les penseurs occidentaux, il convient de mettre en place un dialogue qui écoute l’autre dans ce qu’il dit, afin de lui répondre et éventuellement de lui présenter des désaccords, sans pour autant le disqualifier de fait parce qu’il situe son discours sur la Cité d’un point de vue musulman. Car ériger des frontières de pensée entre soi et l’autre, c’est jouer le jeu du communautarisme. En France par exemple, Etat qui se distingue par sa laïcité, il doit y avoir la place dans le débat d’idées pour entendre des citoyens musulmans qui développent une analyse sociétale même si cette dernière se base sur un a priori religieux. Car ils sont légitimes en tant que Français et ont le droit d’utiliser leur qualité de Français de la manière qu’ils souhaitent, tant qu’ils ne provoquent ni haine, ni illégalité, tout en adhérant explicitement au principe de laïcité des institutions françaises. L’Approche comparative ayant été rédigée en français, c’est bien sûr le public francophone qui était visé prioritairement, notamment celui vivant dans l’Hexagone, territoire qui se caractérise par un multiculturalisme de fait qu’il convient de penser dans l’harmonie, c’est-à-dire dans l’acceptation des uns vis-à-vis des autres, et réciproquement, sans qu’il y ait nécessairement une contrainte pour quiconque de renier ce qu’il pense être.
Conclusion
La gageure de toutes mes prises de positions publiques, par les textes que je fais paraître régulièrement sur Internet, est de lutter contre le rejet, et de favoriser le dialogue. C’est le but même que j’ai poursuivi dans l’Approche comparative. J’aurais donc préféré, plutôt que des commentaires acerbes, une réponse argumentée à la discussion que j’avais engagée par cette approche. Il est encore temps d’initier le débat, avec respect et sans animosités. C’est l’ultime vœu que je formule dans ce texte-ci.
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