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C’était comme un rêve, un très beau rêve puis le désenchantement … Oui, j’y ai cru, oui j’y crois encore, non je ne perdrai pas ma foi en ce pays … La révolution, l’adrénaline qui montait à chaque fois que je sortais dans la rue, à chaque fois que j’entendais le bruit d’une balle dans un pays ou l’on n’utilisait les balles que pour tuer les chiens errants, à chaque information, et à chaque rumeur … Je me sentais plus vivante que jamais, j’attendais, haletante, j’attendais la chute du régime, la chute de Zaba, la défaite de la dictature, la victoire d’un peuple digne, la victoire des Tunisiens dignes … Pendant la révolution et au rythme des manifestations, à chaque battement de cœur de cœurs qui battaient encore et à chaque arrêt de cœur de cœurs étouffés par balles, je sentais l’étau se resserrer autour du cou de la dictature.

Zaba est parti ! le régime est tombé ! on peut enfin respirer l’air de la liberté !

Puis, désillusion, désenchantement …

Les milices, les chaos total dans un pays qui n’a connu que la paix, des partis politiques aussi merdiques les uns que les autres, le retour d’Ennahdha, des extrémistes, les femmes que Bourguiba a dévoilé un demi siècle en arrière, portent le nikab et le revendiquent ! Les barbus en panne de rasoir envahissent les ruelles de mon pays, les voleurs et les délinquants le pillent de ses richesses, bref, l’anarchie totale !

Moi qui avec ma candeur habituelle je pensais que ce serait si beau …

Après le temps est passé, j’ai dépassé mon pessimisme habituel, j’attendais les élections, je me disais que tout n’était pas encore joué, et le jour J, je me suis levée à 7h du matin, je me suis tapée une file de 3 heures, le sourire aux lèvres, j’étais contente, surexcitée, j’ai senti pour la première fois de ma vie que ma voix compte, que je peux changer quelque chose, ces quelques gouttes de démocratie avait si bon goût, et les quelques larmes d’émotion que j’ai versé m’ont réchauffé le cœur …

Le lendemain matin … je me suis réveillée au rythme des premiers résultats, et c’était le début de la parodie..

Hier, j’étais assise autour d’un café infecte avec des amis au centre ville.

Fumant des cigarettes algériennes, et nous lamentant sur l’état du pays, à coups de jurons et de gros mots, je me suis rappelée d’un petit détail : le pacte national, Hechmi El Hamedi n°2 aux élections … normalement j’aurai dû en pleurer, mais j’ai eu un fou rire !

Ce con qui a promis monts et merveilles à une bande de débiles profonds a gagné … Notre Gaddhafi national a gagné !

Parfois, en regardant la scène politique, j’ai l’impression que c’est juste une parodie : Marzouki ou la parodie d’un président, Laarayedh ou la parodie d’un premier ministre, Ghannouchi ou la parodie d’un gourou, Béji Caied Essebsi ou la parodie de Bourguiba … Tout est une parodie : les discours, les plateaux télé, les gens dans la rue, nous, même nous, une bande de jeunes assis à ne rien faire dans la parodie d’une pseudo capitale … Que reste-t-il de ces journées agitées, de ces soirées joyeuses ? Que reste t-il de nos éclats de rire ? De Tunis ? De nos ballades jusqu’à pas d’heure à l’avenue Habib Bourguiba ? De nos baignades ? De nos folies et de nos gamineries ? Qu’en reste t’il sinon le souvenir ?

Nous sommes gouvernés par des aliénés et nous continuons à vouloir briser les chaines de cette prison à ciel ouvert.

Dans un élan d’optimisme, je me dis que non, ce n’est pas une parodie, c’est juste le décor d’un film d’auteur et les personnages d’un film d’auteur, un « underground » Tunisien, où nous ne sommes que de pales copies d’Emir Kusturika, version post moderne … Même sur le plan personnel, en écoutant les histoires de mes amis et en me remémorant difficilement les miennes, il y a un arrière-goût de décalé, d’insensé, de parodie justement !

Alors levons nos verres, rions, rions à gorges déployées, ce n’est qu’une mauvaise plaisanterie !