Depuis 38 jours, les deux journalistes Sofiane Chourabi et Nadhir Guetari sont, encore, portés disparus, en Libye, où ils menaient une enquête pour l’émission « Doussiyat ». Après quatre jours de séquestration, du 3 à 7 septembre, à Ajdabiya, par un groupe armé lié à Haftar, Sofiane et Nadhir, sont restés libres, à peine 24 heures, avant de disparaître à nouveau. Des témoignages confirment l’hypothèse du kidnapping, mais les sources officielles évoquent une simple arrestation.
Au lendemain de leur disparition, le Syndicat national des journalistes tunisiens, la chaine privée Frist TV, qui les emploie, le Centre de Tunis pour la liberté de la presse et l’Institut arabe des droits de l’Homme, ont installé une cellule de crise dans le but de rechercher les journalistes et de négocier leur libération. D’après Samir Bouaziz, journaliste et président de la cellule de crise, aucune négociation directe n’a eu encore lieu.
Selon plusieurs de nos sources, nos deux confrères sont en vie et en bonne santé. Nous sommes presque sûrs de l’endroit où ils sont et nous poursuivons les recherches afin de les trouver. Nous sommes en contact quotidien avec des journalistes, associations et même des parlementaires en Libye. Il faut savoir que la situation en Libye est très complexe et dangereuse. L’affaire est très délicate. Nous n’avons pas le droit à l’erreur, nous confie Samir Bouaziz.
Reporters Sans Frontières, a exprimé, dans un communiqué de presse, son inquiétude sur le sort des deux journalistes. Selon les sources de l’Ong, Sofiane et Nadhir ont disparu, le 8 septembre, dans un checkpoint, pas loin de Ajdebiya. RSF, qui suit de près le dossier et appuie les efforts du comité de soutien et de la cellule de crise, a demandé aux autorités d’appuyer les efforts déployés pour les trouver, et surtout de s’impliquer dans la médiation, en vue d’accélérer leur libération.
De jour en jour, les inquiétudes grandissent pour le sort de Sofiane et Nadhir, surtout avec le silence des autorités qui ne rassurent pas les familles et n’informent pas l’opinion publique. Après la publication d’un bref communiqué, le ministère des affaires étrangères ne s’est plus prononcé sur l’avancement des recherches et procédures pour libérer les deux journalistes. Selon une source travaillant au sein du ministère, le dossier des disparus n’est pas sérieusement traité et ne semble pas être à la tête des priorités du MAE. Ceux qui suivent le dossier de près affirment que la zone où se trouvent, probablement, Sofiane et Nadhir est en dehors de tout contrôle sécuritaire ou administratif officiel libyen.
Sami Guetari, père du caméraman Nadhir, nous a expliqué, après sa rencontre avec le ministre des affaires étrangères, que
les complications et l’absence d’un vis-à-vis officiel rendent la tâche plus difficile aux autorités tunisiennes, mais ça n’explique pas l’absence d’effort flagrant pour les trouver. Ils nous ont demandé de garder le silence pour des raisons sécuritaires. Nous l’avons fait, mais plus maintenant, parce que nous croyons que le ministère des affaires étrangères n’assume pas ses responsabilités, ainsi que le gouvernement! Sofiane et Nadhir sont tunisiens et ont le droit de retourner à leur pays sains et saufs!
Dans le contexte de la guerre libyenne, des journalistes sont, ponctuellement, kidnappés, assassinés ou menacés de mort par les différentes factions en conflit. D’après RSF, les conditions sont de plus en plus difficiles pour les journalistes et la société civile en Libye. D’ailleurs, cinq journalistes libyens d’une télévision locale ont été kidnappés, depuis plusieurs jours. Les divers groupes armés visent les journalistes et les étrangers, en jouant, souvent, la carte du chantage pour gagner un peu plus de pouvoir et de notoriété sur leur territoire.
Après des semaines de silence, les deux familles de Sofiane et Nadhir, ainsi que leurs amis et un groupe d’avocats et de militants, ont formé un comité de soutien, «la voix de Sofiane et Nadhir», pour se faire entendre et revendiquer un engagement réel de la part des autorités pour trouver la trace des disparus et les libérer, dans les plus brefs délais. Le comité compte multiplier les actions et les conférences de presse, afin de garder la pression sur les autorités tunisiennes et la classe politique, mais aussi pour sensibiliser les Libyens, en Libye, à cette disparition tragique, afin d’avoir leur appui et leur aide.
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