Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

elections-2014-tunisie-affiches

A quelques jours des élections législatives l’on peut dire que les dés sont désormais jetés. Les programmes ne manquent pas et les promesses se ramassent à la pelle. Les doutes aussi !

Nos courtisans de politiciens nous ont bien rendu leurs copies et, dorénavant, ils n’en voudront qu’à eux-mêmes de n’avoir pas été assez clairs, assez convaincants ou suffisamment imaginatifs dans leurs exercices de vouloir nous rassurer, nous tunisiens, sur notre avenir et de nous faire espérer des horizons de bien être meilleurs.

Car, au-delà des projets et de leurs consistances, ce qui importe le plus, c’est bien que cette société redémarre. L’on comprend bien, dès lors, qu’il est impérieux que les structures économiques du pays se remettent à fonctionner et surtout, que le modèle choisi puisse s’auto entretenir et qu’il permette le développement durable. L’objectif majeur étant de rompre avec les déséquilibres, les distorsions et les exclusions dont souffre la société tunisienne.

C’est seulement ainsi que l’on pourra répondre aux attentes de ces tunisiens révoltés qui, l’on se gardera de l’oublier, ont rejeté l’ancien régime parce qu’il les rejetait, parce qu’il n’en faisait, au plus, qu’une armée de contribuables sans pouvoir de décision.

Il ne faut guère oublier que la grippe tunisienne n’est pas qu’économique, elle est politique, culturelle et sociale. Elle frise la crise identitaire et relève de la sphère sociétale.

Malheureusement, de modèles de société ou de réformes profondes, à part ceux qui nous renvoient au carré religieux, que dalles ! C’est dire si nos courtisans ne semblent pas mal voyants en face aux problèmes réels du pays.

Si tout ne tenait qu’à injecter un peu plus d’argent, à mettre sur pied de nouveaux projets et à embellir les cités déshéritées, il aurait mieux valu se contenter du gouvernement Mohamed Ghannouchi et nous épargner quatre années de galère.

Les kasbah voulaient plus que de l’argent, plus qu’un Ministère du développement régional, plus qu’une indemnité de chômage. Les kasbah réclamaient des réformes politiques, économiques et sociales. Elles réclamaient un nouveau découpage administratif du pouvoir, une justice sociale, un autre modèle de société, une répartition équitable et un meilleur rôle de l’Etat.

C’est en cela que l’Assemblée Nationale Constituante a trouvé sa raison d’être. Elle devait poser les jalons à une nouvelle République et à de nouvelles structures de l’Etat.

En confortant les libertés et les droits, la nouvelle constitution est venue retracer les contours du nouvel Etat, en en précisant les différentes structures et le mode de fonctionnement. Mais elle est venue surtout, redessiner les découpages, repenser les prérogatives et défendre une nouvelle éthique et un nouvel équilibre social.

Et si cette nouvelle constitution vaut quelque chose c’est qu’elle se prononce sur la décentralisation comme mode de gouvernance.

Comment cela va-t-il être mis en œuvre ? Quelles prérogatives pour les régions ? De quelles ressources vont-elles disposer ? Personne n’en dit mot.

Il faut dire que cela nous renvoie à la réflexion concernant l’exploitation des ressources et des richesses et qu’en plus il nous oblige à repenser la fiscalité. Mais cela semble trop ambitieux, si ce n’est occulte pour l’ensemble de la classe politique tunisienne.

Ceux qui s’attendaient à de meilleurs développements autours de l’article 14 de la Constitution stipulant : « L’État s’engage à soutenir la décentralisation et à l’adopter sur tout le territoire national..» seront restés sur leur faim. Les partis politiques ne semblent pas en faire leur cheval de bataille.

Le même commentaire vaut pour l’article 131 stipulant: « La décentralisation est concrétisée par des collectivités locales comprenant des municipalités, des régions et des départements dont chaque catégorie couvre l’ensemble du territoire de la République .. ». Idem pour l’article 132 où il est question d’autonomie financière et administratives et de libre administration des régions.

Nos politiciens s’abstiennent de nous éclairer sur leurs approches s’agissant de mettre en œuvre cette révolution administrative. Et l’on ne sait s’ils daigneront, un jour, nous dire si cela s’intègre dans leurs visions du modèle de société qu’ils espèrent pour la Tunisie.

L’autre sujet occulté dans cette revue de programmes est la fiscalité. Ceux de nos candidats aux législatives qui s’y trouvent malencontreusement conduits ne franchissent guère le seuil des vœux pieux, renvoyant à plus tard la réforme tant réclamée.

L’article 10 de la Constitution est pourtant on ne peut plus clair : « Le paiement de l’impôt et la contribution aux charges publiques constituent un devoir, conformément à un régime juste et équitable… L’État met en place les mécanismes à même de garantir le recouvrement de l’impôt et la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales ». Nos politiciens n’en pipent mot.

En face à « l’omission » de sujets de cette importance, l’on est en droit de se demander pour ceux de nos partis représentés à l’ANC, s’ils n’y étaient pas que par l’ombre. Quoique cette « amnésie » n’est pas loin de nous rappeler le sort réservé au « Livre Blanc » sorti sous le gouvernement Sebsi par le Ministère du Développement Régional, mais resté lettre morte et vite rangé dans les archives du Ministère.

Il semblerait que ce soit « une fatalité » pour la Tunisie que d’être condamnée à se répéter à jamais, sans espoir de s’affranchir de tous les pouvoirs qu’ils soient. Sinon comment s’expliquer que révoltés contre la dictature, les tunisiens se trouvent promettre une nouvelle dictature au prétexte que l’Etat se serait « ramolli » et qu’il faudrait lui rendre son autorité.

Il est vrai que les deux dernières années se sont caractérisées par la montée du terrorisme et l’exacerbation de l’insécurité. Il est vrai que l’autorité de l’Etat est vivement contestée et bousculée depuis maintenant plus de quatre années mais de là à faire de ces deux derniers éléments des programmes à prédominance suprême c’est faire capoter la révolution comme le voudrait la contre révolution.

La campagne électorale quand elle n’est pas empreinte de cette frénésie sécuritaire se veut fertile en projets, investissements, emplois et que sais-je encore. Des programmes à connotation de cadeaux ou de récompenses au profit des régions déshéritées. Et les budgets qui y sont consacrés, sont bien augmentés grâce à une nouvelle répartition des ressources fiscales.

Mais là encore l’approche semble gauche tant il est vrai que l’on continue de corriger les dosages alors que l’on est appelé à revoir la recette.

Quoi d’autre à dire de cette campagne si ce n’est que sur le plan programmes, je crains que l’on soit plus dans l’esprit des municipales que dans la peau des législatives.