Tout est dans le symbole; nos vies n’échappant pas à une symbolique les résumant; or, le symbole des dernières élections en Tunisie a été l’encre électorale.
Déjà, de par sa teinte mauve, elle a annoncé, en un clin malicieux, la nature du résultat final, le mauve étant la couleur de l’ancien régime que le gagnant est supposé représenter.
Plus grave, elle a stigmatisé l’électeur tunisien, en faisant spectaculairement un mineur en politique malgré sa maturité avérée, ostensiblement évoquée par tous, mais manifestement minoré par le recours à l’agent sale qui a fait des ravages dans ces élections.
On ne sait que trop que lorsqu’on insiste exagérément sur la réalité des choses, c’est qu’elle relève de l’illusion ! ainsi a-t-on insisté sur l’utilité de l’encre ! ainsi insiste-t-on sur la maturité des électeurs tunisiens et sur la parfaite honnêteté du scrutin !
Or, comme cette encre est inutile pour contrer la fraude, elle ne sert qu’à infantiliser l’électorat tout en servant les intérêts de ceux qui la commercialisent.
L’encre en manifestation de l’argent roi
Nous avons déjà dit ici qu’il était inévitable que l’ISIE ne montre pas assez d’indépendance du fait qu’elle fait partie d’un système qui l’a créée soumise à une logique partisane ce qui la rendait non-exempte d’imperfection.
Et nous avons lié la preuve de son indépendance par son attitude à l’égard de l’encre électorale. L’utiliser, c’est attester son aliénation aux intérêts qui commercialisent cette encre, ayant trouvé dans les élections du Printemps arabe le filon dont on profite à fond. Ne pas l’utiliser manifesterait une indéniable preuve d’indépendance, outre une attitude évitant toute tromperie.
On a bien vu cette d’encre stigmatiser tous les votants, donnant la plus mauvaise image de l’électeur tunisien, relativisant sa maturité politique, sinon la niant. Utiliser une telle encre, revenait à démontrer que le Tunisien reste inapte à la démocratie, car dans les véritables démocraties la fraude a pour parade des techniques n’ayant rien d’illusoire, telle cette encre qui relève de la pure ostentation, cachant mal les imperfections qu’elle était censée empêcher.
La première de ces imperfections, véritable tare de nos élections, est bien l’argent sale qui en a été le grand gagnant. Or, comment lutter efficacement contre une telle commercialisation de l’acte électoral quand le ver est déjà dans le fruit à travers une encre qui semble avoir été imposée par des intérêts commerciaux ?
L’encre comme stigmate de l’électeur
Quand on veut rendre compte de l’essence d’un fait, on use volontiers de l’exemple paroxystique; et l’encre électorale constitue par excellence un tel exemple. Elle semble même devenir l’archétype des élections en sous-démocratie, un trait de distinction d’avec les démocraties occidentales; une flétrissure.
Aussi mesure-t-on à quel point est puérile cette fierté déplacée affichée par nos responsables politiques, montrant un index badigeonné d’encre comme les bagnards arboraient une marque en fer rouge sur leur épaule signalant leur dégradation sociale.
C’est que cette encre est le signe de la dégradation politique de notre démocratie. Aussi, les politiques prétendant promouvoir un vrai système démocratique dans ce pays ne doivent plus accepter une telle avanie !
Inutile, l’encre n’a pas été à juste titre déclarée légalement obligatoire ; aussi, il est de la plus haute importance que l’ISIE rectifie son erreur en décidant d’en bannir l’usage lors de la prochaine élection présidentielle. Elle rendra alors à l’acte électoral sa spécificité qui est tout sauf d’être un acte de commerce. Il y va aussi bien de sa crédibilité que de l’honneur de l’électeur tunisien dont elle est la garante.
Sinon, les électeurs tunisiens sont invités à oser boycotter une telle insulte à leur maturité en s’abstenant de tremper le doigt dans l’encre de la honte rappelant la marque au fer rouge des bagnards des siècles passés. Il est temps de sortir de cette barbarie démocratique supposant qu’un pays en développement ne saurait être qu’une sous-démocratie aux électeurs marqués à l’encre honteuse du sous-développement.
Ainsi, le Tunisien prouvera-t-il au monde entier, surtout aux gourous financiers qui le mènent, qu’il est véritablement lucide en politique et digne en termes éthiques. Car s’il doit y avoir une démocratie en Tunisie, elle le sera dans le cadre d’une « pol-éthique », une nouvelle pratique de la chose publique, et non plus une politique à l’antique, ringarde, et politicienne.
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