Avec sa nouvelle expérience électorale, la Tunisie a consolidé sa transition démocratique. Certes, cela ne fut pas exempt d’imperfections, mais peut-on être par trop perfectionniste ?
Toutefois, si l’exigence de la perfection peut ne pas concerner nombre d’aspects techniques complexes, elle s’avère nécessaire pour ceux ayant une portée symbolique, agissant de la sorte fortement sur l’imaginaire. C’est le cas de l’encre électorale dont l’effet négatif comme tare et stigmate n’est point à négliger dans l’inconscient de l’électeur tunisien.
Un strip-tease électoral
Si l’on doit faire le bilan de nos élections qui s’achèvent, surtout celui de la présidentielle, on pourrait dire qu’il s’est agi essentiellement d’un strip-tease électoral, ayant permis mois d’assurer la victoire d’un camp, acquise d’avance, que de spécifier la nature du paysage politique, en dessiner les contours exacts au moindre détail.
Grâce à ces élections, on a eu une radiographie fort utile pour la poursuite de l’expérience démocratique en Tunisie qui demeure un laboratoire prisé par nos amis indéfectibles d’Occident.
La scène est désormais clarifiée et le jeu pourra commencer avec les atouts de l’ancien régime réhabilité se manifestant par ses compétences avérées et le représentant organique de l’islam qu’est Ennahdha, enraciné chez le peuple.
Le parti islamiste tunisien a réussi enfin à se faire violence en distinguant la beauté que le diable peut avoir.
Après avoir profité de la supposée coalition de la troïka où il n’était qu’un colosse aux pieds d’argile, il est en train de profiter de ce qu’on appelle en formule 1 de l’aspiration du bolide du moment filant en toute vitesse en se mettant dans ses roues.
On s’attend à ce qu’il soit dans le gouvernement pour, comme on dit dans le cyclisme, rouler dans la roue du leader de la course tout en ayant un certain regard sur la politique du pays, ne serait-ce que pour se prémunir contre un quelconque retour de bâton pour ses errements passés.
Le révolutionnaire du monde en changement
Le strip-tease électoral aura ainsi permis de jauger la capacité d’évolution du parti islamiste. Elle est donc intacte et lui permet de rester un acteur majeur de la scène politique non seulement en Tunisie, mais aussi dans le monde. Surtout, elle lui garantit le soutien américain sans lequel rien n’aurait été comme il l’a été depuis le Coup du peuple.
En effet, le monde a changé et le paradigme politique n’est plus celui d’antan. Ce ne sont plus ceux qui parlent de révolution qui sont les révolutionnaires, mais bien ceux qui acceptent de tenir compte du réel tel qu’il est et de s’y adapter sans abandonner l’essentiel de leurs valeurs.
C’est le cas d’Ennahdha et c’est aussi celui des cadres de l’ancien régime revenant avec Nida Tounès qui est forcé de ne plus être juste le laudateur de l’autorité et du prestige de l’État, devant tenir compte également de ceux du peuple. Et ce ne serait-ce que parce que l’époque postmoderne est l’âge des foules !
Par contre, des partis comme le CPR et ceux qui ont fait l’objet d’une cuisante défaite aux législatives n’ont pas su tenir compte des exigences d’un tel changement de paradigme, croyant à tort que, pour incarner la révolution, il leur suffisait de pérorer, quitte à tromper.
Il reste maintenant aux nouvelles élites de concrétiser les intentions affichées en prolongeant dans les actes le changement dans leur attitude et déclarations. Car seuls comptent les faits !
En matière d’actions urgentes, il est nombre de résolutions à prendre et d’entreprises à engager à commencer par la réforme de la législation du pays pour la toiletter de son caractère liberticide et la tenue d’élections locales et régionales au scrutin adapté à la Tunisie qu’est le type uninominal, et ce pour permettre au peuple de s’autogérer dans le cadre d’une décentralisation poussée à l’extrême.
D’autres sont aussi importantes sinon incontournables, celles consistant à agir activement pour ce qui est inéluctable en Méditerranée : la libre circulation pour les ressortissants tunisiens, l’adhésion de la Tunisie à l’Union européenne et la paix au Proche-Orient selon la légalité internationale de 1947, ce qui passe par la nécessaire normalisation avec Israël.
Aussi, plus que jamais, la Tunisie est-elle appelée à révolutionner sa pratique politique sur le plan interne et sa diplomatie sur le plan international ; c’est à cela qu’on jugera les élections comme ayant été grandement utiles.
“D’autres sont aussi importantes sinon incontournables, celles consistant à agir activement pour ce qui est inéluctable en Méditerranée : la libre circulation pour les ressortissants tunisiens, l’adhésion de la Tunisie à l’Union européenne et la paix au Proche-Orient selon la légalité internationale de 1947, ce qui passe par la nécessaire normalisation avec Israël.”
Très amusant…
Il ne semble même pas que Farhat Othman s’applique à lui-même sa définition (révolutionnaire dans le sens conservateur du terme) de “ceux qui acceptent de tenir compte du réel tel qu’il est et de s’y adapter”.
Car cela consisterait à :
– constater que “la libre circulation des tunisiens” n’est pas pour demain, donc à “s’adapter” aux exigences de Cazeneuve et de la forteresse Europe sur le contrôle des flux migratoires (jusqu’au fond de la Méditerranée si on comprend bien)
– constater que la légalité internationale de 1947 ne s’est jamais imposée et que la situation de colonisation sur le terrain ne le permettant plus, les Palestiniens sont condamnés à “s’adapter”.
Inutile évidemment de polémiquer avec un post-moderne numérologue électoral à ses heures… On pourrait peut-être par contre ajouter un objectif à la liste des courses de M. Othman : que la Tunisie cesse enfin d’être la poubelle des champs intellectuels, artistiques etc. de la France.
Désolé, mais certains jours, il y a de quoi ressentir une très grosse fatigue…
Sachez que ce qui est amusant est instructif quand on veut apprendre; ce n’est rien d’autre que du gai savoir !
Sinon, ce que vous présentez comme étant du réel n’est que l’écume des apparences; or, moi je vais en leur creux.
Ce n’est pas parce ce que certains prennent pour une réalité pour ce qui ne l’est qu’il l’est; les vessies pour eux ne sont que des lanternes.
La pensée postmoderne leur permettra d’entendre l’herbe pousser, voir ce qui est invisible.
Si vous avez raison sur un point, c’est de vilipender les bien-pensants tunisiens qui singent les dogmatiques logiques de France et d’Europe; n’en seriez-vous pas en tant que Musée de l’Europe ?
Ce qui expliquerait votre très grosse fatigue vous venant du fond des âges que vous accumuleriez !
Quittez donc votre conformisme logique, regardez la vie telle qu’elle est, hors des musées, réels et mentaux !
Le problème du post-modernisme, c’est que dès qu’on sort de son domaine légitime, la création artistique, c’est à dire l’imaginaire pur, et on le fait parce qu’on n’a pas su être artiste (c’est à dire qu’on confond la paresse et l’art ou la pensée), c’est à dire raté, obligé de transférer dans d’autres champs notamment politique, des logiques qui leur sont autant étrangères qu’un “cheval de bois qui ferait du crottin”, on reproduit ni plus ni moins la maladie infantile du gauchisme (sans avoir besoin d’être de gauche, car c’est une posture idéologique qui a toujours existé depuis que le monde est monde, mais sous des noms différents : c’est crier “le capitalisme s’effondrera de lui-même”, “la forteresse europe s’ouvrira d’elle-même”, “L’establishment israëlien fera la paix et l’harmonie avec les Palestiniens de lui-même” etc. ), et on fait donc le jeu des lois d’airain de l’Histoire, qui est tragique. Venez à Calais, Monsieur Othman, pas une heure mais six mois, et l’Europe vous saurez ce que c’est. Allez en Grêce Monsieur Othman, qui ressemble tant à la Tunsie, et l’Europe vous saurez ce que c’est. Mais allez en Tunisie aussi, vous qui vous voyagez librement entre les deux libres, vous qui êtes côtier, passez six mois dans ce qui ressemblera chaque jour un peu plus à la Cisjordanie au train où on va puisque c’est le traitement sécuritaire qui a été choisi. Allez voir dans les commissariats, dans les prisons, dans les tribunaux. Ecoutez le silence même pas honteux face aux actes d’un Etat toujours policier qui a besoin de soit-disant terroristes (c’est à dire de transformer sa jeunesse en terroristes pour pouvoir l’enfermer) pour régner sous l’égide d’un Premier ministre français venu du groupe Total (ce qu’on appelle “neutre” dans la presse tunisienne).
Vous avez les moyens financiers de rêver ? Tant mieux pour vous. mais de grâce, faites de l’art, pas de la politique !
Le concierge
blog.europa-museum.org
Monsieur,
On voit bien que vous ne connaissez ni la postmodernité (et non le postmodernisme) ni l’école de l’imaginaire, et encore moins l’art et la poésie du quotidien. Je vous réfère aux ouvrages de G. Durand et de M. Maffesoli, ils vous éclaireront. Ai-je besoin de citer aussi Bachelard pour l’art et la poésie ?
Pour les slogans dont vous vous faites l’écho, ils sont bien plus les vôtres, puisqu’ils résonnent dans votre imaginaire, que les miens, car ils n’y ont aucune place !
Oui, l’histoire est tragique, mais pas dramatique; et c’est pour cela qu’il faut prendre l’actuel et le quotidien tels qu’ils sont et non tels qu’on veut qu’ils soient; c’est ainsi qu’on pense mieux notre monde et, le pensant, on le change, car le moteur du changement est la pensée, cet esprit si souvent négligé.
Je n’ai pas besoin de venir à Calais pour y voir une situation que je ne connais que trop et c’est pour cela qu’elle est appelée à changer, car le monde n’arrête pas de changer, cher Monsieur, sauf dans les têtes rivées à leurs réflexes de rejet de cet autre qui n’est que soi-même.
S’agissant de la Tunisie, je puis vous assurer que vous vous trompez, car j’y suis et je connais bien mieux que vous mon pays et son état, y compris la Tunisie profonde, celle qui compte.
C’est justement le malheur de la jeunesse que vous évoquez qui m’intéresse et qui appelle qu’on milite pour qu’il ne devienne pas la loi d’airain dont vous parlez. C’est pour cela que je milite moi qui ne possède pas les moyens financiers dans vous parlez, me suffisant d’eau et d’air, même pas pur, ma seule richesse étant mes valeurs.
Sachez enfin que, comme l’art, on fait la politique tous les jours, c’est la prose de M. Jourdain.
Bonne réflexion !
Les élections dans les pays vivants à la marge de l’histoire humaine (tel que le nôtre bien évidemment) servent à développer la culture de clientélisme et à afficher la corruption et toutes sortes de malversations en plein jour et en toute impunité. Ça sert entre autres, à installer une bourse de voix dont les actions des plus grandes compagnies du pays (telles que RCD Entreprise Familiale, Ennahdha Consortium, UPL Inc., etc.) commencent à 10 dinars par tête (de bétail) avec casse-croûte en option. Ça sert aussi à faire fleurir l’industrie de l’événementiel et les boites de fabrication de sondages (à la tête du client) et surtout à blanchir beaucoup d’argent sale et frauduleux!
Bienvenue à la Tunisie médiocratique et bientôt dictatorial!
Cher Monsieur Othman. Et si vous passiez à la pratique ?
Soit la dépêche suivante :
Dans un communiqué diffusé, lundi, le Quai d’Orsay précise que « les voyageurs peuvent remplacer, dans leurs dossiers de demande de visas de court séjour, la réservation d’hôtel par des justificatifs de leurs moyens d’existence. Dans ce cas, le montant journalier forfaitaire de référence est fixé à 120 euros par jour. Les visiteurs étrangers pourront justifier leurs ressources, tant auprès des services consulaires français que des policiers de l’air et des frontières lors de leur entrée sur le territoire national, en produisant des espèces, des chèques de voyage, des cartes de paiement à usage international, ou tout autre moyen attestant la disposition en France d’un viatique suffisant ».
80 pays sont inclus dans cette procédure dont la Tunisie.
En tant qu’intellectuel tunisien favorable à la liberté de circulation, que penseriez-vous d’être à l’initiative d’une pétition d’intellectuels, tunisiens et ressortissants des 80 autres Etats concernés, adressée au gouvernement français (120 EUR, ça fait un peu moins d’un SMIG par jour !) et dénonçant en termes très ferme cette politique (le Pape vient de le faire, c’est pour dire !). Ce serait déjà un début de solidarité des intellectuels tunisiens plus ou moins des deux rives avec le reste de la population non ?
Tant que vous y êtes vous pourriez aussi vous indigner de la politique de la peur menée dans le pays et vous scandaliser que le Ministre de l’Intérieur annonce lui-même la recrudescence du terrorisme sous prétexte qu’il y a un deuxième tour.
A mon avis, le boulot d’un intellectuel c’est ça. Parce que sinon ne vous étonnez pas du mépris de la population pour ses clercs séculiers et qu’elle s’en cherche de non-séculiers, les premiers s’offusquant de cette rupture déloyale de leur monopole…
Bien à vous
Cher Monsieur,
Voilà qui est bien dit. Et sachez que j’agis ans ce sens, car il n’est nul intellectuel s’il n’est organique.
Cela étant, le courage des idées est nécessaire aujourd’hui en un temps de zéroïsme de sens et de nivellement par le bas; or, comme disait Jaures, le courage, c’est de tendre vers l’idéal en tenant compte du réel.
Et les turpitudes occidentales prennent racine dans celles des élites du Sud qui se complaisent dans leur soumission.
Comme vous voyez, la vérité (vers-ité) qui est d’abord un cheminement nécessite du souffle et de la persévérance.
Car tout vient en son temps, comme le dit la sagesse populaire qui revient en force avec la postmodernité et l’âge des foules qui est une ère des sens exacerbés.
C’est le vrai militantisme qui est une foi dans les valeurs, une foi scientifique.