À l’issue du massacre des journalistes de Charlie Hebdo ainsi que des agents des forces de l’ordre, mardi 7 janvier 2015, le ministère des Affaires religieuses tunisien a présenté « ses condoléances aux familles des victimes et à tous les Français », et ce, dans un communiqué fort, mais non exempt d’une maladresse très regrettable.
Condamnant fermement « cet acte criminel inhumain », le ministère souligne que de « tels actes terroristes » n’ont rien à voir « ni de près, ni de loin avec les enseignements tolérants de l’Islam ». Le ministère, toujours dans son rôle, dénonce toute attaque perpétrée contre des innocents, quelles que soient leurs croyances. Citant le verset 32 de la Sourate d’« El Méïda », il rappelle que le fait de tuer et de répandre le sang est un des plus grands péchés au regard de l’Islam.
Condamner cet acte barbare en des termes fermes et univoques est louable. Néanmoins, nous regrettons la maladresse de l’avant-dernière phrase dudit communiqué. Celle-ci invite les médias du monde entier à respecter l’éthique journalistique et à éviter de porter atteinte aux religions et au sacré qui pourraient entraîner des réactions émotionnelles.»
Que le ministère des Affaires religieuses ne cautionne pas la ligne éditoriale de Charlie Hebdo, on ne s’en étonnera pas. En d’autres circonstances, nous aurions même pu songer qu’il pourrait être plutôt dans un rôle qu’il estime être le sien. Et à l’instar de chacun, il demeure libre d’apprécier toute œuvre de l’esprit… ou inversement.
En revanche, en l’espèce, le communiqué donne maladroitement de l’écho aux actes destinés à terroriser la liberté d’expression. Ceci en ayant l’air de rappeler que « l’on ne récolte que ce que l’on sème ». Dans le contexte du massacre de Charlie Hebdo, une telle phrase est singulièrement inopportune. Car, par cette phrase, le ministère des Affaires religieuses tombe dans le piège de cet acte de terreur, ayant emporté la vie d’une façon barbare de 14 personnes, sans compter les blessés !
Lier cet acte ignoble à ce qui est susceptible d’être désapprouvé par des croyants, de quelque religion qu’ils soient, n’aurait pas dû avoir lieu. Car il n’y en a pas !
Dans notre vie quotidienne, nous exprimons sans cesse des avis et des idées. Ils sortent parfois de la bienséance, de la pensée majoritaire, reposent sur un dogme, une idéologie ou une rumeur. Parfois nos idées sont écoutées, parfois fermement rejetées. Le propre de la liberté d’opinion, c’est aussi d’adhérer ou de réprouver ce qui nous touche ou nous indispose. Mais ces attitudes quotidiennes, en somme très saines et qui relèvent du pluralisme d’expression, ne peuvent avoir de lien avec la barbarie, quand bien même, c’est précisément ce que cherche à atteindre les auteurs de la terreur.
Par la phrase en question, plus qu’une maladresse, le ministère des Affaires religieuses a commis, à beaucoup d’égards, une faute politique !
نريد حريتنا كاملة و مستكملة
Personnellement et contrairement à l’auteur de ce billet, je trouve le communiqué du ministère des Affaires religieuses adéquat et très mesuré, y compris dans le passage qui l’a apparemment choqué. Franchement, il n’y a pas de quoi dramatiser. L’émotion suscitée par cet odieux attentat terroriste ne doit pas nous paralyser, nous empêcher de réfléchir et de débattre lucidement sur la liberté d’expression et l’éthique journalistique. Autrement, ce serait faire le jeu des ennemis de la liberté, partisans des lois liberticides et des « patriot act » !
Je suis Charlie
Amis, avec et sans guillemets, de la Rédaction de Nawaat,
Le communiqué du Ministère mérite un peu plus que la simple qualification de “maladresse” de votre titre. Celui de “faute”, que vous utilisez en fin de communiqué, convient davantage. La phrase que vous soulignez est en effet centrale et terrible par ce qu’elle dit et suggère.
Une autre ne l’est pas moins, celle du dernier alinéa : « …adresse un appel pressant aux Musulmans de France et du monde les exhortant -« tunâshidu-hum », cela rappelle des souvenir !- à ne pas se laisser entraîner à des provocations et à ne pas répondre à la violence par la violence. »
Comment comprendre cela ? de quelle violence parlent-ils ? Serait-ce un appel à d’autres Musulmans qui seraient tentés d’aller répondre à une violence de papier, de crayons et de bulles par celle de treillis et de balles ? S’agit-il de la violence que subiront, subissent déjà, les Musulmans de France et d’ailleurs et à laquelle il ne faudrait pas répondre ?
Dans l’économie du communiqué, celle-ci venant renforcer celle-là, il apparait évident que l’intenté du ou des rédacteur(s) n’est pas aminé par les seules compassion et condamnation ; en tous cas, le message n’est pas centré exclusivement sur ces deux sentiments. La preuve, s’il en était besoin, c’est que le Ministère les a retirées toutes deux dans la mise au point, tawdîh, qu’il a publié devant le tollé.
Ce tawdîh ne fait pas amende honorable. Ce n’est pas dans les ‘akhlâqiyat des ministères ni dans celles de certains religieux.
Mais corriger ses attentats à la langue ? cf. yamassu min (sic) al-‘abriyâ’, à la ligne 8.
Je suis d’accord avec ورود الشتاء, j’irai meme un peu plus loin, je dirai que s’etatit un echec total car ils ont completement terni le message qui se voulait solidaire et consolateur, mais qui vers la fin derive vers une reprimande a peine cachee. Si l’on delestait ce communique de ses politesses attendues et coutumieres, on decelerait l’impulsion primaire de son auteur qui dans une expression crude serait: “…vous lavez bien cherche !…”
Salutations,
Il n’y a là aucune maladresse dans ce communiqué, c’est une simple invitation à respecter d’autres personnes que soi-même, car comme vous le savez, le vivre ensemble commence par la tolérance des différences. Là, il est question de la sensibilité des personnes qui peut varier d’une communauté à une autre, d’une région du monde à une autre. Ce que publiait et que va continuer à publier Charlie hebdo, est infaisable aux US ou au Japon, pourquoi est-ce que ce qui semble être une mise en ridicule de la personne la plus chère à la communauté Musulmane serait tolérable pour elle et que d’autres Etats démocratiques ne peuvent-ils pas “rire” tout autant sur leurs sensibilités qui leurs sont propres ?
Je ne suis pas psychologue, mais tout le monde sait bien que l’on peut blesser par des mots, des paroles plus que des actes. Pourquoi est-ce que ce type de publications seraient acceptables pour tout le monde alors qu’on sait pertinemment que l’on va blesser plus d’un milliard de personnes ? Ne dit-on pas que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ?
Les crimes qui ont eu lieu à Paris ne sont pas excusables mais il faut aussi savoir respecter son prochain et éviter de faire preuve d’orgueil athéïste, car il s’agit bien de cela ici. Le fait de se sentir supérieur à d’autres personnes du fait de son insensibilité, du rejet du sacré. Depuis quand l’orgueil est une qualité ou un comportement à défendre ?