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Ces dernières années, nous constatons qu’un nombre relativement important de dispositions ne respecte pas les grands principes du droit et de la fiscalité notamment les principes de légalité, de neutralité, d’égalité et de non discrimination.

Outre les textes d’application pris sous forme d’arrêtés ministériels d’une manière contraire à la constitution de 1959 dont l’article 34 a consacré le principe de légalité, les dispositions fiscales mafieuses ayant subordonné l’obtention d’un droit ou la déduction d’une charge à la certification légale des comptes par un commissaire aux comptes n’ont pas de similaires dans les législations des pays développés du fait qu’elles rompent le principe d’égalité prévu dans leurs constitutions (blocage du projet de loi sur la taxe carbone par le Conseil constitutionnel français).

A ce titre, l’article 19 de la loi de finances pour la gestion 2015 a permis aux entreprises rattachées à la Direction des grandes entreprises qui fait partie de la Direction générale des impôts de se restituer la totalité de leurs crédits d’impôt à condition de produire un rapport spécial (en sus du rapport ordinaire) à ce titre signé par un commissaire aux comptes. Il s’agit d’un cas de pillage d’une catégorie d’entreprises en violation de l’article 41 de la constitution et d’une nouvelle forme de corruption consacrée par la loi surtout que le commissaire aux comptes n’assume aucune responsabilité à l’égard du Trésor public. Ces dispositions discriminatoires ont été rédigées dans des conditions corrompues en violation des articles 10, 15, 20 et 21 de la constitution. En outre, elles constituent un cas d’empiètement sur le domaine d’intervention exclusif des conseillers fiscaux et des avocats, et ce en violation des articles 20, 40, 49 et 65 de la constitution. A ce titre, la Cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 18 septembre 2014, statuant sur renvoi après cassation, annule pour cause illicite un contrat d’« audit de taxe professionnelle » passé en violation des articles 54 et suivants de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 régissant la profession d’avocat, sachant que le Conseil national des barreaux était intervenu volontairement à la procédure. Certains ont profité de l’ignorance de certains membres de la commission des finances au sein de l’assemblée des représentants des électeurs (et non pas du peuple) et de la complicité des autres pour faire passer ces dispositions corrompues. Ils ont motivé ces dispositions par les recommandations émanant de la consultation nationale relative à la réforme fiscale ; alors que les commissions ad-hoc ont exigé l’assainissement de la législation fiscale des dispositions discriminatoires et anti constitutionnelles similaires qui ont été adoptées dans des conditions corrompues et l’unification de la procédure de restitution des crédits d’impôt conformément à l’article 21 de la constitution. Cet article corrompu ne prévoit aucune garantie au profit du Trésor public malgré que certaines entreprises ont disparu après avoir encaissé des avances d’impôt, sachant qu’aucune enquête n’a été ouverte à ce titre jusqu’à ce jour. A ce titre, il y a lieu de noter que le président de la république a refusé de faire un recours à ce titre devant l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionalité des projets de lois. De même, les représentants des électeurs (30 signatures) ont refusé de faire un recours exception faite pour le Représentant Faiçal Tebini dont le recours a été rejeté pour vice de forme (manque de 29 signatures). Le mécanisme du contrôle de la constitutionalité des projets de lois, transposé de la législation française, n’est pas efficace dans un environnement marqué par la corruption, l’hypocrisie et l’ignorance où la constitution est traitée comme un torchon. Le vote de cet article nous rappelle l’image des représentants de bourguiba et ben ali qui votent comme des troupeaux.

L’article 49 ter du code de l’IRPP et de l’IS prévoit que les comptes des sociétés concernées par le régime de l’intégration fiscale des résultats doivent être soumis au contrôle d’un commissaire aux comptes durant toute la période concernée par l’application dudit régime qui ne peut être inférieure à 5 ans.

L’article 54 du code de l’IRPP et de l’IS prévoit le paiement d’une avance du montant global du crédit d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu sans vérification préalable. L’avance est de :

– 35% du crédit d’impôt sur les sociétés pour les entreprises dont les comptes sont légalement soumis à l’audit d’un commissaire aux comptes et dont les comptes, au titre du dernier exercice clôturé pour lequel la déclaration de l’impôt sur les sociétés est échue à la date du dépôt de la demande de restitution du crédit d’impôt, sont certifiés sans que cette certification ne comporte des réserves ayant une incidence sur l’assiette de l’impôt,

– 15% dans les autres cas.

L’article 48 VII decies prévoit que la perte, résultant de l’abandon de créances au profit des entreprises en difficultés au sens de la loi n°95-34 du 17 avril 1995 relative au redressement des entreprises en difficultés économiques, n’est déductible que si l’entreprise qui a abandonné la créance ainsi que l’entreprise bénéficiaire de l’abandon doivent être légalement soumises à l’audit d’un commissaire aux comptes, et leurs comptes au titre des exercices précédant l’exercice de l’abandon et non prescrits doivent avoir été certifiés, sans que la certification par le commissaire aux comptes comporte des réserves ayant une incidence sur la base de l’impôt.

L’article 49 decies IV bis du code de l’IRPP et de l’IS prévoit que les sociétés ne peuvent bénéficier des avantages fiscaux liés aux opérations de fusion ou de scission que si elles sont légalement soumises à l’audit d’un commissaire aux comptes et que leurs comptes au titre du dernier exercice clôturé à la date de la fusion ou de la scission totale des sociétés soient certifiés. De même, le paragraphe V de l’article 23 du code des droits d’enregistrement et de timbre prévoit la même condition pour bénéficier de l’enregistrement au droit fixe prévu par le numéro 21 du même article.

Le paragraphe III de l’article 15 du code de la TVA prévoit le paiement d’une avance de 15 % du montant global du crédit de TVA. Ce taux est relevé à 50 % pour les entreprises dont les comptes sont légalement soumis à l’audit d’un commissaire aux comptes et pour lesquelles la certification est intervenue au titre du dernier exercice clôturé pour lequel le délai de de la déclaration de l’impôt sur les sociétés au titre de ses résultats est échu à la date du dépôt de la demande de restitution du crédit de TVA et sans que cette certification comporte des réserves ayant une incidence sur l’assiette de l’impôt. A ce titre, il y a lieu de noter que d’autres catégories d’entreprises n’ont pas droit à cette avance et que les délais de restitution varient théoriquement de 7 jours à 120 jours mais en réalité le délai de restitution peut atteindre deux années.

Cette pseudo certification, n’ayant qu’un effet discriminatoire, a été prévue au moment où les entreprises tenues de désigner un commissaire aux comptés ont été définies par la loi et où l’audit légal n’est obligatoire aux Etats-Unis d’Amérique et au Royaume Uni, que pour les entreprises cotées en bourse. Les entreprises tunisiennes ont besoin de ce modèle et doivent faire face à cette situation de rente qui s’est aggravée au détriment de leur compétitivité et leur survie, notamment lorsque l’entreprise est contrainte à désigner deux commissaires aux comptes, suite à la promulgation du code des sociétés commerciales et de la loi n° 2005-96 du 18 octobre 2005 relative au renforcement de la sécurité financière, qui a été vidée de son contenu par la mafia et qui mérite d’être harmonisée avec les normes internationales, ainsi que la parution du décret n° 2006-1546 dont l’article premier a prévu des critères bizarres et corrompus pour la désignation d’un commissaire aux comptes comparaison faite avec le code de commerce français. Le commissariat aux comptes a fait ses preuves à travers les états financiers certifiés sans réserves des entreprises publiques pillées notamment parmi les banques, sachant que la responsabilité civile et pénale n’a pas été évoquée jusqu’à ce jour devant le Pôle judiciaire financier. En outre, certaines de ces dispositions mafieuses ont été confectionnées par la commission du programme fiscal de ben ali au sein du RCD dont la composition comprend un comptable, un expert comptable et l’ancien directeur général des impôts (retraité).

Le code des sociétés commerciales oblige les SARL à désigner un commissaire aux comptes en présence de deux des trois critères suivants : Personnel : 10, CA : 300 000 dinars, Total : 100 000 dinars). Alors que le code de commerce français prévoit les critères suivants : Personnel : 50, CA : 3 100 000 euros Total bilan : 1 550 000 euros).

Tous ces textes n’ont pas pris en considération les dispositions de la constitution notamment le principe d’égalité consacré par l’article 21 et l’intérêt de l’entreprise eu égard à la jurisprudence du Tribunal administratif qui a confirmé à travers son arrêt n° 35770 du 19 juin 2006 que la certification des comptes ne garantit pas la transparence et l’exactitude des états financiers.

A l’échelle internationale, les escroqueries massives de Madoff et la faillite d’Enron et de la banque Lehman Brothers à l’appui de bilans certifiés sans réserves par des commissaires aux comptes choisis parmi les big four ne sont qu’une petite illustration (voir actions en dédommagement devant les tribunaux européens et américains contre ces « labels de qualité »).

Andersen était un label de criminalité au moment où certains profanes et complices croyaient qu’il était un label de qualité sans tenir compte des montages d’ « optimisation fiscale » confectionnés par ces réseaux d’audit comptable qui sont en train de développer l’industrie de la fraude fiscale au profit des multinationales qui sont en train de piller les ressources des pays pauvres.