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laicite

Depuis les derniers événements dramatiques que la France a connu le 7 et 8 janvier, ainsi que le 13 novembre 2015, la laïcité est dans toutes les bouches. Des débats s’organisent par ci par là, tout le monde en parle mais il n’y a pas de définition juridique, pas de définition claire. On projette sur ce mot parfois des choses et leurs contraires. De nombreuses confusions ou approximations apparaissent dans les discours des uns et des autres. En 2003, la commission Stasi a eu pour but une réflexion sur le principe de laïcité sans avoir donné de définition préalable. Cependant, notre Constitution y fait sans cesse référence et la circulaire sur le port des signes religieux (2004) à l’école, en énonce les principes. (A cela on peut rajouter en 2013 la publication de La charte de la laïcité dans les services publics et la Charte de la laïcité à l’École)

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Constitution de 1958 (à jour de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008) ARTICLE PREMIER.

La loi de séparation des Églises et de l’État aura cette année 110 ans ! Notre République est laïque depuis la promulgation de la Loi du 9 décembre 1905, les articles 1 et 2 soulignent :

La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.Art 1.

La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.Art 2.

Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.

Quelle(s) définitions pouvons nous donner de ce terme spécifiquement français et qui n’existe pas dans les autres langues ?

D’abord celle des dictionnaires :

  1. Principe de séparation entre l’État et les Églises, en termes de pouvoir : l’Église n’a pas de pouvoir sur la marche de l’État, ni l’État sur celle de l’Église.
    La laïcité est un système qui exclut les Églises du pouvoir politique ou administratif et qui implique la neutralité de l’État à l’égard des Églises et de toute confession religieuse.
  2. Mouvement qui a consisté à faire passer la religion de la sphère publique à la sphère privée.
  3. De manière plus générale : Caractère des institutions, publiques ou privées, qui selon ce principe sont indépendantes du clergé et des Églises. [cf. “Établissement scolaire privé laïque”].
  4. Caractère d’une institution (Ecole, Etat, prison, etc.…) au sein de laquelle est respectée la liberté de l’acte de foi : nul n’y est contraint, nul n’en est empêché.

Ou celle de Jean Baubérot professeur émérite spécialiste de la sociologie des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité

LA LAÏCITE

La laïcité n’est pas que française même si le terme, dans le glissement de sens qui l’a fait naître, est d’abord apparu en France. Des pères-fondateurs de la laïcité ont tenté de préciser ce que recouvrait cette notion : Ferdinand Buisson (1883), au moment de laïcisation de l’école publique, Aristide Briand dans son rapport sur le projet de loi de séparation des Eglise et de l’Etat (1905). A partir de leurs propos, on peut parler de laïcité à partir du moment où le pouvoir politique n’est pas légitimé par le sacré, où la souveraineté provient démocratiquement de la nation et où on se réfère dans la vie publique à trois principes fondamentaux :

  • le premier est le processus de distinction et d’autonomisation de l’Etat et des institutions par rapport à la religion,
  • le second est la liberté de conscience et le libre exercice du culte (au sens large de manifestations sociale des convictions religieuses),
  • le troisième est l’égalité des diverses religions et convictions. Naturellement l’articulation entre ces 3 principes est différente suivant les domaines, les lieux et les périodes historiques.

On réduit trop souvent la laïcité à la première de ces caractéristiques, mais dans ce cas on peut tout aussi bien se situer dans une perspective régalienne où la liberté du culte est limitée par le pouvoir de l’Etat ou dans une perspective de religion civile, qui restreint également cette liberté.

Quand on étudie les débats parlementaires français sur les différents articles de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, on est frappé de voir à quel point ces trois référents se trouvent présents, invoqués par des députés et sénateurs de divers courants. En même temps, leur application est toujours relative et un enjeu politique et social de première importance. Et cet enjeu, ce débat et le dissensus qu’il implique, s’effectue dans le cadre des représentations communes.

Ouverture du colloque « Genre, Laïcité(s), religions 1905-2005 », CNRS, Campus Pouchet, 10-11 mai 2005.

Celle du philosophe Henri Peña-Ruiz

Une définition simple de la laïcité (parmi beaucoup d’autres possibles)

Certains hommes croient en un dieu. D’autres en plusieurs. D’autres se tiennent pour agnostiques et refusent de se prononcer. D’autres enfin sont athées. Tous ont à vivre ensemble. Et cette vie commune, depuis la première Déclaration des droits de l’homme, doit assurer à tous la liberté de conscience et l’égalité des droits. La liberté de conscience exclut toute contrainte religieuse ou idéologique. L’égalité de droits est incompatible avec la valorisation privilégiée d’une croyance, ou de l’athéisme.
La puissance publique, chose commune à tous comme dit si bien le latin res publica, sera donc neutre sur le plan confessionnel : neuter, en latin encore, signifie exactement « ni l’un ni l’autre ». Cette neutralité confessionnelle est à la fois garantie d’impartialité et condition pour que chacun, quelle que soit sa conviction spirituelle (humanisme athée ou humanisme religieux par exemple), puisse se reconnaître en cette république, ou Cité, dont tous les membres se retrouvent ainsi sur le même pied d’égalité. […]
La laïcité, rappelons-le, c’est l’affirmation simultanée de trois valeurs qui sont aussi des principes d’organisation
politique : la liberté de conscience fondée sur l’autonomie de la personne et de sa sphère privée, la pleine égalité
des athées, des agnostiques et des divers croyants, et le souci d’universalité de la sphère publique, la loi commune ne devant promouvoir que ce qui est d’intérêt commun à tous.
Henri Peña-Ruiz, Qu’est-ce que la laïcité ?, Gallimard, Folio, 2003, p.9 et 128.

Et pour moi ?

La laïcité c’est la pierre angulaire de notre république, c’est la clef de voûte du vivre ensemble. C’est ce qui permet la libre expression de chaque citoyen. Chacun a le droit de croire ou de ne pas croire. Les lois de la République ne s’inspirent pas d’une loi divine. C’est le peuple souverain par ses représentants qui fait la loi et c’est le peuple souverain qui est le ciment de la nation. La conception et la défense de la laïcité sont pour moi un “combat” issu des lumières. C’est l’héritage que nous ont laissé Voltaire, Condorcet et d’autres philosophes : tolérance, lutte contre la barbarie, l’obscurantisme et l’injustice. Cette loi qui consiste à séparer clairement l’Etat et “les Eglises” garantit le respect de l’autre dans sa différence et dans l’exercice de sa croyance religieuse sans prosélytisme. La laïcité ne signifie pas le rejet des religions ni leur stigmatisation. C’est tout simplement une loi d’équilibre (grâce à l’intervention des députés socialistes : Jean Jaurès, Aristide Briand) depuis 1905 qui permet le vivre ensemble et la paix entre les membres du peuple souverain. C’est ce à quoi on a abouti en « renvoyant » les Eglises à leur mission et leur demandant de cesser de s’occuper de la sphère publique pour laquelle on ne peut pas dire qu’elles sont d’une clarté exemplaire (mariage pour tous, loi sur l’avortement.)