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Reléguée en fin de soirée, entre 23h00 et minuit, cet entretien n’a duré que 20 minutes, un temps inférieur à celui accordé aux autres invités de Labes. Un traitement dénoncé sur les réseaux sociaux par Arbia Ben Hamadi qui a accusé Naoufel Ouertani de manipulation du montage tout en évoquant la forte influence de « l’argent sale ». Cette crise de confiance aiguë entre acteurs médiatiques de premier plan et les lourdes accusations de Mme Ben Hamadi ne sont que la partie apparente de l’iceberg de la situation désastreuse du secteur médiatique, particulièrement le paysage télévisuel.

Contestations légitimes mais myopes

Dans son passage, Arbia Ben Hamadi a révélé l’étendue des problèmes d’Hannibal TV  entourée par une grande opacité et déjà mobilisée dans d’historiques campagnes de propagande. Salariés sans couverture sociale, retards aux versements allant jusqu’à 3 mois, interventions arbitraires du directeur général à tous les niveaux, inexistence de représentation syndicale et de structures internes, la gestion catastrophique de la chaîne est évidente.

Toutefois, Mme Ben Hamadi, qui a mené une grève de la faim du 18 au 21 novembre, a échoué à mettre en évidence les dysfonctionnements les plus graves.  A écouter les passages retenus dans le montage diffusée, elle n’est pas gênée par l’ingérence du directeur général dans les contenus des émissions, ni par le vide syndical et structurel apte à résoudre les conflits.

L’animatrice suspendue par sa direction s’est attardée sur certains détails comme le décor « vertuel », la copie zéro de son « imission » et le fait que le directeur a exigé qu’elle ramène un « sponseur ». La faible culture syndicale et la boiteuse conception de la culture de l’entreprise médiatique, voire de l’entreprise tout-court, de la représentante des journalistes d’Hannibal TV affaiblissent leur position. Son appétit pour l’antenne, exprimé sans complexe, la décrédibilise davantage quand elle déplore la mutation d’une collègue qui animait la matinale vers le journal télévisé en employant l’expression « jetée dans les news ». Et d’ajouter : « Celui qui s’habitue à l’antenne devient accro. C’est difficile de ne pas passer à l’antenne ». Les droits économiques et sociaux des salariés sont mis au même rang que la course aux sièges des animateurs.

Etouffé par la cravate du patron

L’attitude de Naoufel Ouertani n’est que l’autre versant du désastre médiatique. Ses questions ne sont pas celles d’un journaliste-animateur mais celle d’un relais d’opinion écrasé par la casquette de l’assistant marketing et étouffé par la cravate du patron. Dès la présentation de son invitée, son ton balbutiant et son introduction brumeuse du contexte le trahissent. « On va voir la situation d’Hannibal TV qui évolue d’une manière qui ne rend pas les journalistes très heureux », annonce Ouertani. Et il poursuit avant d’accueillir son invitée : « On va parler de la situation, de la grève qu’ils ont organisée, de l’accord qui a été résilié ». Des bribes d’information qui se réfèrent les actes contestataires sans préciser les motifs de la contestation. Ensuite, l’animateur de Labes a opté pour un ton hostile à la grève, voire même accusatoire.  « Est-ce que la suspension des programmes de la chaîne peut être une solution ? C’est quoi la solution ? », s’exclame-t-il. Au fil de son échange avec Arbia Ben Hamadi, les répliques de Naoufel Ouertani ont viré à l’alarmisme. « S’ils ne versent actuellement le salaires qu’après trois mois de retard, après la suspension, ils ne les verseront qu’après 6 mois », suppose-t-il, avant de glisser dans le sensationnel, registre qu’il affectionne particulièrement. « Tu n’as pas mal au cœur quand Hannibal Tv est sans programmes ? », lance-t-il à son invitée.

Vers la fin de l’interview, le ton monte avec un Ouertani qui prend un air autoritaire face à sa collègue. « Il faut que le travail se poursuive. Que tu contestes comme tu veux. Porte le ruban rouge par exemple. Fais ce que tu veux mais il faut animer. Il ne faut pas arrêter de travailler », ordonne-t-il. Pour finir, Il n’hésitera pas à assener. « J’espère qu’Hannibal TV va revenir mais pas avec la grève, Arbia. C’est avec le travail ».