Les manifestants se sont mobilisés suite à l’annonce du mariage d’une fille de 13 ans avec son violeur, par une ordonnoce du tribunal de première instance du Kef.

L’ARP, qui a reçu un projet de loi de lutte contre les violences faites aux femmes le 16 juillet 2016, n’a pas encore commencé à l’examiner. Alors que la société civile s’impatiente sur l’abrogation des lois discriminatoires envers les femmes, la commission des libertés et des droits n’a pas encore entamé la discussion dudit projet. Fruit d’un travail qui a duré près de 4 ans, ce nouveau texte de loi prévoit des réformes du code pénal et définit, pour la première fois, le viol, l’inceste et d’autres crimes sexuels.

Feryel Charfeddine, militante de l’association CALAM et co-organisatrice du rassemblement, affirme qu’un collectif d’associations a demandé une audition devant la commission des droits et des libertés au sein de l’ARP. « Le but de cette audition est de demander d’accélérer l’examen du projet de loi. Nous estimons que cette loi doit être l’une des priorités du législateur. Il faut qu’elle sorte des tiroirs de l’ARP », dénonce Feryel. Après plusieurs blocages au niveau des gouvernements, le projet, dont l’écriture a démarré en 2013.

Le ministère de la Justice, Ghazi Jeribi a affirmé  que le ministère public a demandé l’annulation de la décision du Tribunal de Première Instance du Kef. Chokri Mejri, procureur de la République auprès du tribunal du Kef, a affirmé mercredi matin à l’agence TAP que le recours requiert l’annulation du contrat de mariage. En coordination avec le délégué de protection de l’enfance de la région, le parquet a contacté la famille de la victime et lui a ordonné de ne pas laisser cette dernière au domicile du violeur..

De son côté, le porte-parole du tribunal de première instance du Kef a affirmé que la victime n’a pas été violée. Selon lui, ainsi que des avocats comme Abdennacer Aouini avocat de Nessma ou Mounir Ben Salha avocat supposé de Ben Ali, l’article 227 bis ne parle pas de viol, mais d’une relation d’une mineure consentante âgée de moins de 18 ans. De plus, les parents de la victime ont fait valoir l’article 6 du Code du statut personnel pour obtenir l’autorisation du mariage de leur enfant. Une vague d’indignation a suivi ces déclarations. La déléguée de la protection de l’enfance du Kef, Houda Aboudi, a estimé qu’ «  à 13 ans, nous ne pouvons pas parler d’un consentement. Il s’agit d’un viol. Le juge aurait pu empêcher le mariage de l’enfant en se basant sur l’article 20 du Code de la protection de l’enfant ». À noter que la notion de majorité et de discernement des enfants dans la législation tunisienne est assez floue, ou en contradiction avec les lois internationales.

L’article 227 bis prévoit 6 ans d’emprisonnement à :

celui qui fait subir sans violences, l’acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de quinze ans accomplis. La peine est de cinq ans d’emprisonnement si l’âge de la victime est supérieur à quinze ans et inférieur à vingt ans accomplis. La tentative est punissable. Le mariage du coupable avec la victime dans les deux cas prévus par le présent article arrête les poursuites ou les effets de la condamnation. La poursuite ou les effets de la condamnation seront repris si, avant l’expiration de deux ans à dater de la consommation du mariage, ce dernier prend fin par le divorce prononcé à la demande du mari, conformément à l’article 31 du Code du Statut Personnel.

Si le Code pénal ne définit pas le viol puisqu’il parle de « celui qui fait subir sans violences, l’acte sexuel… » , le législateur n’évoque à aucun moment l’absence de consentement. De ce fait, il consacre l’impunité du violeur.. Au Maroc la loi 475 a été finalement abrogée en 2014, après le suicide de Amina El Filali, mariée à son violeur. De même, le Liban a abrogé en 2016 la loi 522 qui consacrait l’impunité du violeur.