L’atmosphère cosmopolite qui se dégageait du patchwork de passagers de ce vol de la Royal Air Maroc, ce dimanche 19 mars, aurait pu être rafraîchissante. Dans cet avion au départ de Casablanca et à destination de Tunis, il y avait des gens de tous les coins du monde. Des Nord-Américains, des Européens, des Sub-Sahariens, des Maghrébins et, malheureusement pour la tranquillité de cette petite société contrainte de cohabiter pendant deux heures et trente minutes, une équipe de football tunisienne. À peine tous les passagers installés, une altercation explose à la quatorzième rangée. Le passager assis à la place 14E se lève violemment et soulève par l’épaule la frêle passagère assise à ses côtés en 14F. Il porte un maillot aux couleurs de son club. Menaçant, il entraîne la passagère dans le couloir. Elle crie, se débat et, très vite, se retrouve entourée d’un groupe d’hommes dont certains portent le même maillot que l’agresseur. Ils agressent verbalement la passagère, qui court se réfugier vers le cockpit où le personnel naviguant s’interpose. Elle demande à descendre mais, les portes étant fermées, cela n’est pas possible. L’un des encadrants de l’équipe lui cède sa place en classe affaires pour lui éviter d’avoir à passer le vol assise à côté de son agresseur. l’agresseur change de place et va s’assoir à l’arrière de l’avion en s’esclaffant. Les encadrants de l’équipe riront eux aussi bien fort tout au long du vol de “l’hystérie” de cette femme.
On peut se demander ce que cette femme a fait pour s’attirer les foudres d’un joueur de football tunisien voyageant sur un vol international avec une compagnie étrangère, et pour lui faire oublier qu’il est un représentant de son pays et du sport qu’il pratique. Eh bien, cette femme, tunisienne expatriée, s’est élevée contre les commentaires racistes que le footballeur a proférés à haute voix à l’encontre de la passagère d’origine sub-saharienne assise à côté de lui. Il a déclaré qu’elle sentait mauvais, que c’était normal puisqu’elle était noire, et le florilège d’insultes racistes aurait continué si cette passagère ne s’était pas révoltée. Le prix de cette révolte a donc été un flot d’injures à son égard, puis une agression physique dont on se demande comment elle se serait terminée si nous n’avions pas été dans un avion.
À l’arrivée, la passagère a souhaité porter plainte contre le joueur de football. La police a écouté l’ensemble de l’histoire. Les encadrants de l’équipe ont trouvé scandaleux qu’elle s’adresse ainsi aux forces de l’ordre, compte tenu du fait qu’ils lui avaient déjà cédé la place en première classe. Oubliant que le joueur ne s’était à aucun moment excusé et que l’équipe entière considérait que la passagère était la fautive du fait de son hystérie naturelle ou encore que, quand même, tous ces noirs sentent tout de même très fort. La police a donc emmené tout le monde au poste de l’aéroport pour enregistrer les plaintes et les témoignages des uns et des autres. L’attitude irrévérencieuse de l’encadrant de l’équipe, qui expliquait aux policiers qu’ils ne pourraient de toute façon rien leur faire, a fini par agacer la police qui leur a demandé de sortir du poste. Au final, la police a tout de même dissuadé la passagère de porter plainte pour lui éviter des procédures qui lui auraient pris beaucoup de temps et l’auraient immobilisée en Tunisie pour une longue période alors qu’elle devait repartir prochainement. Ils ont fait revenir l’agresseur afin qu’il s’excuse et l’histoire s’est finie ainsi.
Cette histoire pose de nombreuses questions concernant l’état de notre société. Comment peut-on espérer voir les mentalités changer si ce genre de situation n’est pas puni ? Pire comment espérer l’évolution des mentalités des jeunes si ceux qui sont censés être leur modèle se comportent ainsi ? À travers ce fait divers, c’est l’ensemble de la discipline, toute équipe confondue qu’il faut blâmer ainsi que les encadrants qui se croient tous au-dessus des lois. Tous les fans de football devraient demander des comptes à l’ensemble du secteur qui se comporte ainsi en portant les couleurs qu’ils aiment et sont censés défendre. Les valeurs du sport ne doivent plus être celle de l’affairisme de bas étage et du petit banditisme.
Que l’auteur n’indique pas l’identité du joueur, c’est une chose, mais qu’il n’indique pas l’équipe sportive en question, qui a le statut d’une association publique, c’en est une autre.