Sami Ben Gharbia, cofondateur et directeur de la rédaction de Nawaat, a été convoqué, hier, par la brigade centrale d’investigation de la Garde nationale à l’Aouina. Quand il s’y est présenté, il a été principalement interrogé sur la source de la fuite du plan d’action de la présidence de la République, destiné à plaider son « projet de loi de la réconciliation économique et financière ». Une aberration en ce mercredi 3 mai 2017, date de célébration de la journée mondiale de la liberté de presse. Face à la détermination de Ben Gharbia à protéger nos sources conformément à l’article 11 du décret-loi 115, l’interrogatoire a duré 6 heures et a viré au harcèlement, focalisant sur le fonctionnement interne de Nawaat, l’identité de ses journalistes (carte d’identité, n° de téléphone, etc.) et la liste des collaborateurs de Nawaat, dans le but de les interroger un à un.

Il s’agit de la quatrième fois que le directeur de la rédaction de Nawaat est convoqué par les autorités en moins d’un an. « Les questions portant sur la structure interne de Nawaat et son mode de fonctionnement et sur l’identité de ses journalistes constituent un tournant dangereux. Plus accablant encore, les intimidations et la menace de soumettre tous les membres de la rédaction à des interrogatoires est sans précédent depuis la révolution », s’indigne Sami Ben Gharbia. Pour sa part, l’avocat de Nawaat, Oussema Helal a affirmé que l’enquêteur l’a informé que « l’enquête a été ouverte suite à la demande de la présidence de la République et conformément aux instructions orales d’un préposé du procureur ». Nous rappelons que ces pressions viennent suite à des campagnes de diabolisation des organisations non gouvernementales par diverses figures politiques et médiatiques suspectées de corruption.

Pour Riadh Guerfali, juriste et codirecteur exécutif de Nawaat, « la protection de nos sources relève du sacré le plus absolu. Nous ne les révèlerons jamais, quitte à passer le restant de nos vies derrière les barreaux. Pour les cartes d’identité et numéros de téléphone de nos collaborateurs, ce sont des informations qui relèvent de leurs données personnelles, protégées par la loi. Nous ne donnerons rien du tout, hormis sur la base d’un mandat judiciaire légalement fondé. Quant à la liste de nos collaborateurs, elle est déjà publique et affichée sur le site de Nawaat ». Il est important, ici, de rappeler que Nawaat a toujours exprimé sa disposition à coopérer avec la justice, par conviction citoyenne, dans les dossiers et investigations que nous publions. Et cela, strictement pour des informations destinées à la publication. La sacralité de la confidentialité de nos sources est une ligne rouge. La protection de nos journalistes l’est également.

Nawaat condamne fermement le harcèlement du directeur de sa rédaction et l’intention manifeste des autorités à s’acharner contre ses journalistes. Nous considérons ces procédés, indignes, comme une menace sérieuse contre la liberté d’expression et le droit de s’organiser. Nous nous engageons auprès de nos lecteurs et de l’opinion publique de ne jamais céder face aux pressions et à l’intimidation. Nawaat a résisté à la répression de la dictature et résistera davantage sous la protection de la Constitution tunisienne, des conventions internationales ratifiées, de la loi et, surtout, des tribunaux tunisiens. Et c’est sous la protection de ces mêmes tribunaux que nous continuerons à publier des leaks, y compris provenant de la présidence de la République, si l’occasion se présente.

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