La Tunisie authentique, celle d’un ramadan aux nombreuses heures de bouffe et aux rares heures de travail, celle des spots publicitaires d’Ooredoo déclamant une poésie mutilée avec un accent torturé, celle des présidents en djebbas prosternés devant le diktat du « grand responsable » étranger… Cette Tunisie n’est qu’une poupée de cire qui fond au premier jour de canicule de juin, au premier diagnostic d’une agence de notation, au premier sursaut apeuré d’une intox qui traverse le web.
En ramadan, cette Tunisie qui prétend l’authenticité est en slow motion. Employer le mot « ralenti » est trop vrai pour être utilisé dans le contexte actuel. Piochons dans le champ lexical d’un faiseur de fiction immobilisé derrière sa station de montage. C’est qu’on devrait lui trouver le calibre qui lui faut : certainement du factice. C’est que la Tunisie qui prétend l’authenticité sonne très faux durant ramadan, encore plus faux que jamais en ce mois saint, aussi fausse qu’une séquence de Wled Moufida mettant en scène un voyou enragé qui s’acharne à mettre le monde à ses pieds.
En ramadan, la Tunisie qui plaide l’authenticité apparait plus que jamais boiteuse. Il faut reconnaitre que son avancement n’est pas visible à l’œil nu, tout comme sa croissance économique. Les banques n’ouvrent que pour 4 heures set 15 minutes, au lieu de 8 heures et demi en temps normal. Les administrations publiques font 6 heures et demi, du lundi au jeudi, et carrément 4 heures et demi vendredi, au lieu de faire 8 heures du lundi au vendredi. Le tempo est lent, trop lent. Assez pour faire taper les responsables du Fond Monétaire International (FMI) du poing sur la table. Les dettes s’accumulent. Les bureaux ronronnent et le spectre de la privatisation plane. Le jour où il prendra les commandes, ce ne sera plus du slow motion. Et les acquis sociaux sauteront aussi vite que les prix des couffins ramadanesques. Là, on regrettera ne pas vouloir travailler pour nous-mêmes. Quand on verra la vitesse de la machine broyer les édifices que nous avons passé des années à mal entretenir comme de vulgaires rentiers avides de bénéfices et attachés à l’austérité, on ira réviser nos copies et on n’y trouvera que de terribles coquilles. L’austérité vaincra.
Le statisme de cette Tunisie qui se targue d’être authentique est avant tout un mode de gouvernance. Des informations sur cette « guerre contre la corruption » ? Ça viendra. Patience, c’est ce que réclame le gouvernement. La tergiversation est érigée en politique publique. Les laissés-pour-compte à Meknassi et à Menzel Bouzaiene sont aussi appelés à attendre. Attendre quoi ? Une solution miracle ? Pas vraiment. Pas plus que quelques dizaines de postes dans un mécanisme d’emploi précaire promis depuis plus de 6 mois. Dans quelle perspective ce genre de postes est-il créé là où la rage de la contestation éclate ? Aucune, à part un calmant, une fausse réponse à de vraies questions. Et encore, même cette fausse réponse tarde à se concrétiser. La capacité d’exécution, c’est ce qui manque à cette Tunisie qui se couvre des couleurs de l’authenticité avant que le maquillage ne fonde au premier souffle de sirocco. Le statisme, c’est ce que les doux vents de ramadan cultivent… en attendant les transes estivales.
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