Le gouvernement tunisien est sur le point de finaliser un accord avec PayPal. C’est ce qu’a affirmé Anouar Maarouf, ministre des Technologies de l’information, de la communication et de l’Économie numérique, lundi 15 mai 2017. « PayPal a accepté la lettre de confort de la BCT. Avant fin juin, PayPal va revenir avec une feuille de route pour l’implémentation de sa solution de paiement en Tunisie », a-t-il déclaré sur Express Fm. Répondant à la question du journaliste sur le type de transactions pouvant être effectuées, le ministre a précisé :

Vous aurez la possibilité d’ouvrir un compte PayPal en devises et effectuer des achats en ligne, en fonction du montant de devises que vous aurez pu accumuler [ndlr : via les ventes en devises de produits et de services].

C’est une avancée majeure pour le commerce électronique et le secteur des TIC. Dû aux restrictions de la BCT en matière de transfert de devises, les résidents tunisiens éprouvaient plusieurs difficultés à rapatrier ou bien réutiliser les montants de devises provenant des ventes en ligne. Et quand on évoquait PayPal, le porte-monnaie électronique le plus utilisé au monde, on parlait de l’exception tunisienne. Disponible dans 190 pays, notamment au Maroc, en Algérie et en Egypte, la Tunisie restait l’un des rares pays arabes à en être privé. Cela a renforcé la méfiance des acheteurs potentiels et inhibé le potentiel des ventes à l’export.

Une croissance timide

Certes, le paiement mobile se développe de plus en plus en Tunisie, notamment via la plateforme Mobiflouss de La Poste, mais la majorité des transactions se font en ligne et par carte bancaire. Ceux-ci sont actuellement gérés par deux plateformes : Click To Pay de Monétique Tunisie et e-Dinar de la Poste Tunisienne.

Le nombre de sites marchands est en croissance régulière depuis 2009 : en l’espace de 7 ans, leur nombre a presque quintuplé pour atteindre 1.362, avec 230 nouveaux sites marchands pour l’année 2016. D’après les chiffres de la Poste et de Tunisie Monétique, la valeur totale des transactions en ligne suit la même progression, elle a atteint 178 millions de dinars en 2016 [ndlr : ce chiffre ne prend pas en compte les paiements en espèce à la livraison].

Néanmoins, le niveau de performance reste en deçà du niveau enregistré au Maroc ou en Afrique du Sud. Si la valeur du marché du e-commerce en Tunisie ne représente que 0,16% du commerce national de biens et services, ce taux grimpe à 1,02% en Afrique du Sud et à 2,37% au Maroc. Elle est aujourd’hui dépassée par des pays comme le Nigeria, parti à l’assaut du continent africain, notamment de la Tunisie, avec son magasin en ligne Jumia.

Pourtant, la Tunisie dispose d’un potentiel bien plus avantageux que ces deux pays. Son taux de pénétration d’internet est au-dessus de la moyenne mondiale et plus de la moitié de sa population est active sur Facebook, parmi lesquels 55% sont actifs de façon quotidienne. Pour les e-marchands tunisiens, ces facteurs constituent un formidable levier d’acquisition d’audience. La Tunisie occupe d’ailleurs la 73ème position mondiale et le 3ème rang africain selon l’indice e-commerce 2016 de la conférence des Nations-unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Cet indice prend en compte quatre indicateurs : le taux de pénétration d’internet, le taux de pénétration des cartes de crédit, le nombre de serveurs sécurisés pour un million d’habitants, et l’efficacité des services postaux. Il est à noter que les pays du Golfe (Emirats, Qatar et Koweït) ont fait un bond fulgurant de 40 places dans ce classement, particulièrement dû aux avancées réalisés en matière d’infrastructure logistique et d’efficacité des services postaux.

Et ce n’est pas un problème de demande, particulièrement dans les régions intérieures. La population rurale a atteint 33% en 2015, dont plus de la moitié est connectée à Facebook. Autant de consommateurs potentiels qui souffrent d’un déficit en centres commerciaux et en magasins spécialisés (produits cosmétiques, objets de décoration d’intérieur, électronique, etc…). C’est toute une dynamique qui s’est développée. Le e-commerce est venu griller la politesse à la grande distribution : « Près de 50% des ventes se font sur Facebook. Devinez quel est le produit le plus vendu… Les couettes ! Le e-commerce vient répondre aux besoins élémentaires des régions intérieures. Il y a même aujourd’hui des personnes qui font des affaires en groupant les achats dans leurs villages », nous a confié Assaad Sebaaly.

Perspectives du manque à gagner

En ces temps de crise économique, le e-commerce constitue une véritable opportunité de relance pour la Tunisie. Qu’elles soient au niveau mondial ou continental, les perspectives de marché sont très favorables, diverses études l’ont démontré. Au niveau mondial, l’étude Modern Spice Routes réalisée par PayPal montre l’évolution du comportement des consommateurs vis-à-vis de l’achat en ligne. Elle a identifié 94 millions d’acheteurs en ligne à travers les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Brésil, la Chine et l’Australie ayant effectué des transactions internationales en 2013, pour un montant total de 105 Milliards de dollars. La catégorie vêtements, chaussures et accessoires occupe le haut du classement dans les ventes. A l’horizon 2018, il est prévu que le montant des transactions internationales va tripler pour atteindre 307 Milliards de dollars. Aux Etats-unis, l’e-commerce est en train de bouleverser la culture de l’achat d’une manière telle que les centres commerciaux sont appelés à disparaitre dans le futur.

Modern Spice Routes révèle également que le paiement par support mobile (smartphone ou tablette) gagne de plus en plus de terrain. 36,4 Milliards de dollars, soit plus du tiers des achats internationaux ont été effectuées via un support mobile. Cette tendance a été confirmée par le Digital Yearbook 2017 de We Are Social et Hootsuite : en janvier 2017, les connexions internet via mobile ont dépassé les connexions via ordinateur. L’ordinateur a perdu du terrain (moins 20% par rapport à janvier 2016) au profit des smartphones. C’est également le cas pour la Tunisie, où les connexions via mobile ont progressé de 39% par rapport à 2016.

Les économies émergentes présentent le plus fort potentiel de croissance pour le e-commerce. C’est notamment le cas pour le continent africain, où l’achat en ligne est encore à ses prémices : sur les 1 Milliard d’africains, seulement 16% sont actuellement connectés à internet et 67 millions de smartphones sont en circulation. Ces données sont en constante évolution, cela donne un aperçu du potentiel de croissance des achats en ligne sur le continent. Si pour le moment le e-commerce est évalué à 18 Milliards de dollars, une étude du cabinet McKinsey a estimé qu’il pourrait atteindre 75 Milliards de dollars à l’horizon 2025, en se basant sur la jeunesse de la population et sur le développement de la téléphonie mobile.